Après sa scission avec Osram, Ledvance était essentiellement considérée en 2016 comme un fabricant de lampes. Au cours des quatre dernières années, l’entreprise s’est transformée pour devenir un leader incontesté sur le segment des luminaires.
Ledvance, à sa création en juillet 2016, après sa scission avec Osram pour la partie éclairage général, était considérée essentiellement comme un fabricant de lampes, forte de son
usine historique située à Molsheim en Alsace. En 2018, le bannissement des lampes halogènes donne un coup d’arrêt brutal à la production du site. Plusieurs solutions sont examinées. Finalement, le site alsacien est retenu par le groupe pour consolider les activités logistiques européennes en conservant les emplois. Le site se met en marche et développe ses activités connexes : bureau d’étude, activités d’assemblage de luminaires personnalisés, services supports pour le segment professionnel, grand public et E-com. Récemment s’ajoute une compétence dans la photolyse, notamment les applications faisant appel à la technologie UV-C. Ledvance est aujourd’hui un leader incontesté sur le segment des luminaires.
Comment Ledvance a-t-elle opéré sa transition ?
Jean-Marc Vogel – En l’espace d’une décennie, l’industrie de la lumière s’est totalement transformée par étapes successives. Avant que n’intervienne cette technologie disruptive de la LED, notre modèle économique (références limitées et verticalisation poussée) se fondait sur la production massive répondant aux besoins récurrents de la demande, et ce, au plus près des centres de consommation. Pratiquement chaque pays disposait de son usine de production écoulant des millions de lampes par an, rien que 400 millions pour le site de Molsheim.
La LED, quant à elle, emprunte le modèle économique bien connu des semi-conducteurs et reconfigure la chaîne de valeur de la filière (composant électronique, production de masse, logistique). Les entreprises « historiques » ont dû gérer d’une part, le déclin de la technologie traditionnelle en restructurant particulièrement l’outil industriel, et d’autre part diriger les ressources et compétences afin d’assurer la montée en gamme des produits LED, au risque de disparaître. Dans le même temps, une kyrielle de nouveaux arrivants délestés d’héritage ont saisi l’opportunité de la LED, artificiellement accélérée par les bannissements des produits traditionnels.
En quoi la valeur ajoutée a-t-elle changé ?
Jean-Marc Vogel – Ledvance doit accentuer sa valeur sur la prescription, la mise en oeuvre de la lumière, son intégration intime dans notre environnement, la conception des installations et le service apporté aux clients utilisateurs. Et dans tous ces changements, une constante fondamentale subsiste : la lumière visible et l’extension au-delà de ses frontières, autrement dit la lumière sur tous les fronts. D’un côté de cette frontière, le domaine invisible des ultraviolets, technologie centenaire et maîtrisée par les professionnels de la filière, inconnue par une large majorité et qui, dans les circonstances dramatiques que nous connaissons, est entrée dans le vocabulaire de chacun. De l’autre côté, dans le domaine des infrarouges, la LED intégrée dans le produit phare d’un géant de la Tech. On en oublierait presque que cet assistant de santé indique l’heure, mesure la fréquence cardiaque avec ce point commun aux frontières de la lumière visible : la santé. La maîtrise de nouvelles technologies permet aussi de rappeler et de donner une nouvelle vie à des principes déjà établis, mais abandonnés, faute d’efficacité ou simplement par désintérêt.
Le premier téléphone sans fil, inventé il y a plus d’un siècle par Graham Bell, basé sur un système de miroirs et exploitant la lumière du soleil n’est-il pas l’ancêtre du LiFi ?
Quels sont les autres axes sur lesquels vous travaillez ?
Jean-Marc Vogel – Les sujets sont nombreux et leur diversité donne une touche particulière à cette filière si dynamique et attractive. La qualité de la lumière demeure un sujet essentiel à nos yeux. Nous déployons tout notre savoir-faire à l’amélioration de sa perception, à ses bienfaits pour l’utilisateur ainsi qu’à l’intégration de cette technologie dans nos sources et luminaires. Cette dernière étape nous est facilitée grâce à la maîtrise et à l’intégration en amont de nos propres composants. Human Centric Lighting Biolux restitue cette qualité d’éclairage en offrant une lumière temporelle calibrée sur le cycle circadien (notre horloge interne), et ce, en fonction de la population concernée avec ses différents besoins, des espaces dans lesquels elle évolue allant du bureau à l’habitat privé, en passant par des salles de classe ou autres lieux de vie tels que les Ehpad. Cela demande néanmoins des efforts de communication et de vulgarisation.
Si les économies d’énergie demeurent fondamentales dans la poursuite de développement, nous nous soucions bien entendu de l’éco-responsabilité. Économie circulaire, réparabilité, réduction de matières premières sont inscrites dans nos agendas.
La LED, bien plus que sa fonction basique d’éclairement, a été à l’origine de la digitalisation de la lumière lui donnant accès aux écosystèmes des IoT. Cela a donné naissance à de nouvelles opportunités de croissance au travers d’usages de plus en plus versatiles pour l’utilisateur. Nous offrons d’ailleurs une large gamme de lampes et luminaires connectés compatibles avec les standards Bluetooth, Zigbee et Wi-Fi. Nous nous efforçons d’ailleurs de rendre cette technologie accessible à tous et nous avons lancé une campagne de communication sur les grandes chaînes de télévision française en février, une première pour Ledvance.
Dans quelle mesure le secteur de l’éclairage peut-il tirer une « leçon » de cette crise sanitaire ?
Jean-Marc Vogel – Il y a autant de réponses à cette crise que de secteurs d’activité et les modèles économiques ont été mis à l’épreuve en subissant un « stress test » impartial. Notre modèle omnicanal ainsi que la diversité de notre offre, supportée par l’économie digitale, nous rendent, dans une certaine mesure, plus robustes face à des événements imprévisibles. Cette crise a balayé tous les doutes, s’il devait encore y en avoir, quant à la digitalisation des tâches. C’est tout cet environnement digital qui a permis à Ledvance d’être plus résiliente.
Propos recueillis par Isabelle Arnaud