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Latifa Hakkou, présidente de l’association des directeurs de l’environnement de travail

Latifa Hakkou

Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire sur l’organisation de l’environnement de travail ?
Latifa Hakkou –
Les petites structures, dont le nombre de collaborateurs est de l’ordre de 100 à 200, sont plus agiles et ont pu résilier leurs baux pour passer à une combinaison de télétravail et de réservation de postes dans des espaces de Coworking. Dans les grands groupes, la crise sanitaire et économique a incité les entreprises à mener une réflexion sur l’organisation de leurs espaces de travail et à optimiser leur empreinte immobilière. Pour mémoire, le poste « immobilier » représente le deuxième poste de dépenses après la masse salariale et avant les frais généraux dans les comptes de résultats. Certains salariés ne sont pas retournés au bureau depuis le mois de mars. Selon les études réalisées depuis, 71 % des salariés se disent satisfaits du télétravail, avec le souhait de le poursuivre après la crise sanitaire, dans la limite de 60 % de temps télétravaillé et 40 % de présentiel. Nous voyons donc se dessiner de nouveaux modes de travail : le lieu pour se concentrer et produire est désormais le domicile et le bureau devient le lieu d’échanges entre les salariés et de lien d’appartenance à l’entreprise.

Comment vont évoluer les bâtiments de bureaux dans les années à venir ?
L. H. –
Dans les bureaux, l’évolution vers le Flex office et le télétravail était déjà en cours avant la pandémie et trouve réellement son utilité dans cette période. Par ailleurs, en raison de la crise économique qui suit la crise sanitaire, toutes les grandes entreprises ont aujourd’hui la nécessité de d’optimiser leurs coûts. L’immobilier est un levier rapide d’économies mais il faut le faire intelligemment. En moyenne, une entreprise qui possède 20 000 m² de bureaux va réduire sa surface de 40 % environ et limiter le nombre de postes de travail individuels pour augmenter le nombre de salles de réunion et d’espaces collaboratifs. L’environnement de travail est devenu un point central pour attirer et fidéliser les talents, notamment les plus jeunes générations. Au-delà des bureaux, nous attendons un développement rapide des services. Le rôle des responsables des environnements de travail est d’aller plus loin dans la réflexion en se demandant ce que nous pouvons apporter aux salariés en télétravail. Aussi, les bâtiments vont poursuivre leur tendance d’avant-crise, avec le développement des Smart Buildings, intelligents, connectés et digitalisés. Les responsables des environnements de travail ont besoin de connaître les données d’occupation, d’avoir accès à des outils d’organisation digitalisés, d’optimiser la maintenance et d’apporter des services de haut niveau. La digitalisation va s’accélérer, mais pas au détriment de l’humain.

Quels sont les enjeux pour la profession de Facility Manager et pour la gestion du bâtiment en général ?
L. H. –
Les prestataires du Facility Management vivent de plein fouet la crise. Je dirais que 80 % d’entre eux ont compris qu’il fallait se réinventer et accompagner leurs clients dans leurs réflexions de fond. La crise a révélé deux choses : les métiers de la sécurité, de la maintenance et de l’entretien ont été en première ligne lors des différentes périodes de confinement. Les donneurs d’ordres sont solidaires et nous ne voulons pas voir nos prestataires disparaître. L’autre aspect concerne le dialogue entre les prestataires et les donneurs d’ordres : il faut réinventer les modèles ensemble et optimiser les coûts tout en conserver de bons niveaux de service. Enfin, les prestataires ont compris qu’il était essentiel de former leurs collaborateurs et rechercher des profils plus techniques, d’une part, et plus orientés services, d’autre part. À l’ARSEG, nous misons énormément sur la formation, outil indispensable à l’évolution et à la promotion de notre profession.

Propos recueillis par Alexandre Arène

Filière 3e: