L’atelier Novembre et l’agence 8’18’’ travaillent ensemble sur la gare Le Bourget Aéroport, ligne 17 du Grand Paris Express, qui relie Le Bourget RER à l’aéroport Charles-de-Gaulle.
Dans le Grand Paris Express, la gare Le Bourget Aéroport sera l’une des premières gares, si ce n’est la première, à être livrée. Jacques Pajot, architecte, Atelier Novembre, et Rémy Cimadevilla, concepteur lumière, 8’18’’, nous détaillent les éléments du concept architectural et lumineux. « La gare se situe à l’articulation entre le pôle aéronautique du Bourget, le parc des Expositions et la ville du Blanc-Mesnil, dans un contexte en forte mutation. Ce site, stratégique pour le rayonnement et l’attractivité du Grand Paris, est actuellement délaissé par les transports ferroviaires. Les accès sont possibles par l’ex-RN 2, via l’autoroute A1. L’ambition territoriale de cette zone d’activités est de constituer, par la création de la Gare GPE, un pôle métropolitain, véritable nœud aéronautique-aéroportuaire. » C’est ainsi que l’atelier Novembre plante le décor.
Vous êtes parti du postulat que la gare devait ancrer sa genèse dans l’histoire aéronautique emblématique du site. Comment le concept architectural s’inscrit-il dans cet environnement ?
Jacques Pajot – La gare bénéficie en effet de l’opportunité d’accompagner un équipement majeur, le musée de l’Air et de l’Espace. Le bâtiment, cube de 15 m de haut et de 28 m de côté, s’inscrit dans l’histoire du site et son architecture s’inspire de cette notion de légèreté qui évoque la volonté de l’homme de se libérer de la pesanteur. Lorsque nous avons réfléchi au concept de la gare, nous sommes tout naturellement partis de l’histoire de l’aviation civile qui a fait les grandeurs de la France et qui s’est écrite avec les aviateurs tels que Jean Mermoz, Louis Blériot, Georges Guynemer, Hélène Boucher. Alors, comment allions-nous faire pour évoquer ce monde de l’aviation ? Nous avons imaginé un cône métallique qui prend pour base le carré de la toiture de la gare et qui accompagne dans sa partie inférieure la trémie ronde de la descente aux quais. Cette résille métallique évasée se retourne en quelque sorte sur les façades latérales pour protéger le clos couvert d’ETFE [l’éthylène tétrafluoroéthylène est un fluoropolymère thermoplastique qui transmet la lumière de manière plus efficace que le verre, ndlr] en simple épaisseur et qui, de jour, laisse largement passer la lumière naturelle.
La gare se distingue par son ouverture sur ses quatre entrées (côté esplanade, côté musée, côté palais des expositions, et enfin côté Blanc-Mesnil) qui donnent sur l’espace du rez-de-chaussée où le voyageur ne s’attarde pas, puisque les services de billetterie et d’information se situent au niveau inférieur. L’émergence n’est pas à considérer uniquement comme une entrée de gare mais bien comme un nouvel accès au site. Les gares doivent participer à la mutation de nouveaux territoires ainsi qu’à l’animation de la ville et être assimilées à la vie de la population locale. C’est un bel enjeu pour l’architecte et un défi intéressant. Dans une retenue qui nous paraissait donc évidente, notre gare ne devait pas se montrer ostentatoire ni lutter avec l’architecture du musée. C’est la mémoire du site qui va faire signe et la gare suggère cette histoire. Ainsi, depuis le parvis et le contexte environnant, l’émergence est la marque d’un renouveau et permet de porter un autre regard sur l’environnement en transformation, et cela grâce à son volume, sa perméabilité et sa matérialité. Depuis le parvis, elle est mise en valeur par la transparence des façades et symbolise cette nouvelle trajectoire ascendante dans un paysage étendu. Le bâtiment d’accès au site devient alors un repère paysager, un nouveau symbole fort. Ceci est d’autant plus vrai que la gare du Bourget sera très probablement la première à voir le jour car elle doit être prête pour les Jeux olympiques de 2024 afin d’accueillir les journalistes dans le village qui va être édifié à proximité. Très avancée dans le concept architectural, elle l’est aussi dans l’étude d’éclairage. Nous avons porté une réflexion commune avec Rémy Cimadevilla concepteur lumière, agence 8’18’’, dès le début du projet. Nos échanges ont permis de définir ensemble un concept qui associe lumière naturelle et éclairage artificiel, composantes essentielles de l’ambiance de la gare mais aussi et surtout du parcours du voyageur.
LORSQUE NOUS AVONS RÉFLÉCHI AU CONCEPT DE LA GARE,
NOUS SOMMES TOUT NATURELLEMENT PARTIS DE L’HISTOIRE DE L’AVIATION CIVILE
En quoi l’approche du concept lumière de la gare du Bourget se distingue-t-elle des autres autres gares du Grand Paris Express ?
Rémy Cimadevilla – Le concept lumineux de la gare repose sur le mariage du verre et de la lumière. Pour composer le projet, nous nous sommes appuyés sur trois principes fondamentaux qui ont défini le fil conducteur de la mise en lumière de la gare : à savoir les variations de températures de couleur, l’association éclairage général et lumière d’accentuation, et l’idée de faire jaillir la lumière du « réseau » [des quais] plutôt que de la faire « tomber » de la surface.
Dans les espaces voyageurs, notre solution s’articule principalement autour de deux systèmes d’éclairage : une lumière générale d’ambiance diffuse qui baigne la station et un éclairage d’accentuation discret, très basse luminance, intégré à l’architecture afin de dissimuler les luminaires. La lumière artificielle, qui souligne l’identité forte de l’architecture, traverse la station au rythme des variations de la journée, en accompagnant le voyageur du rez-de-chaussée jusqu’au quai. De grandes surfaces verticales de lumière, des surfaces éclairantes en verre, jalonnent le parcours. Elles ont une double fonction : répondre aux exigences de niveaux d’éclairement et être un guide visuel qui permet d’accompagner les parcours du voyageur par la lumière en lui procurant un certain bien-être.
Nous avons joué sur les proportions de ces murs de lumière qui vont en s’agrandissant au fur et à mesure que l’on s’approche des quais. L’éclairage artificiel apparaît ainsi comme la représentation en négatif de la lumière naturelle. Intense sur les quais, il diminue d’intensité au fur et à mesure que le voyageur remonte vers la surface, pour s’épuiser en léchant la maille métallique de l’émergence, traduisant ainsi l’immatérialité de la lumière ascendante, au cœur de l’image lumière.
Propos recueillis par Isabelle Arnaud
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Cette interview fait partie de notre Cahier technique consacré aux gares du Grand Paris Express.