Le secteur tertiaire, avec près de 1 milliard de mètres carrés de surface, représente un quart des surfaces bâties en France mais plus du tiers des consommations énergétiques des bâtiments. Ce secteur comprend le secteur public non marchand (administrations, enseignement, santé) et le secteur marchand (bureaux, commerces, restauration, hôtellerie, communications…). Ces bâtiments ont souvent connu une profonde mutation ces dernières décennies pour améliorer le confort au travail, la sécurité et la connectivité, mais de nouveaux chantiers se profilent avec la rénovation énergétique de ces bâtiments. L’amélioration de leurs performances énergétiques va passer par la réduction de leurs besoins en énergie et le recours à des systèmes efficaces pour réduire drastiquement cette consommation d’énergie et les rejets de gaz à effet de serre.
« L’État a pris des mesures incitatives et coercitives, note Benjamin Colboc, directeur de Green Systèmes. La dynamique est lancée et elle est très ambitieuse. Le décret tertiaire, comme première échéance, impose des économies d’énergie substantielles. Le décret BACS, ensuite, apportera un socle fonctionnel de rationalisation des consommations d’énergie du parc tertiaire. L’automatisation, qu’elle soit pour le pilotage des installations ou pour le suivi des consommations, est absolument centrale. Le logiciel devient dans ces cas précis un outil incontournable pour le gestionnaire de patrimoine ou l’exploitant du bâtiment. »
De nouveaux décrets et des mesures du plan de relance pour accélérer la rénovation de ce parc tertiaire
Un premier décret n° 2019-771 était paru le 23 juillet 2019 dans le cadre de la loi ELAN pour fixer les nouvelles obligations de réduction des consommations d’énergie pour les bâtiments tertiaires. Un arrêté, dit « Arrêté Tertiaire » publié le 3 mai 2020, fixe les objectifs de consommation énergétique finale à atteindre pour ces bâtiments ainsi que les conditions de modulation des niveaux de consommation d’énergie (en fonction du volume d’activité, de raisons techniques ou de coûts). Cet arrêté concerne tous les bâtiments publics et privés d’une surface supérieure à 1 000 m2 et vise une baisse de la consommation énergétique finale respectivement de 40 %, 50 % et 60 % en 2030, 2040 et 2050 par rapport à une année de référence entre 2010 et 2020. Les premières transmissions de données se feront en septembre 2021 sur la plateforme Operat.
Le décret du 20 juillet 2020, dit décret BACS (pour Building Automation and Controls System), vient transposer en droit français la directive européenne de 2013 sur la performance énergétique des bâtiments en introduisant les technologies BACS pour le pilotage énergétique global du bâtiment dans son environnement. Ces systèmes d’automatisation et de contrôle doivent permettre également le déploiement de nouveaux services aux occupants et exploitants et générer d’importantes économies.
Côté financement, le plan de relance du gouvernement présenté début septembre va consacrer 6,7 milliards d’euros sur deux ans pour la rénovation énergétique des bâtiments, dont 4 milliards pour la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires publics (écoles, universités). Des mesures sont également prévues pour les établissements de santé dans la mesure 14 du plan « Ségur de la santé ».
À cela viendra s’ajouter une partie des 30 milliards d’euros du volet écologie du plan, destiné au financement de la transition écologique. Cela devrait se concrétiser, entre autres, par des aides à la rénovation thermique des bâtiments et à la décarbonation de l’industrie.
Les outils numériques pour réussir ces rénovations énergétiques
Les objets connectés (IoT), la gestion intelligente des bâtiments en matière de consommation d’énergie et de maintenance, l’intelligence artificielle (IA) vont permettre d’identifier les points de rénovation prioritaires, les travaux pertinents et un management énergétique du bâtiment efficace. Car pour Benjamin Colboc, « l’objectif du management énergétique est d’améliorer la performance énergétique, c’est-à-dire l’efficience de l’élément considéré. Il s’agit donc de réduire la consommation énergétique par mètre carré ou par unité de production, par exemple, en fonction de ce qui est le plus pertinent. Les avantages associés sont de plusieurs ordres : économique, environnemental (RSE), stratégique (maîtrise des coûts et de l’empreinte carbone). Chez Green Systèmes, nous proposons Green Solution, un logiciel de management énergétique capable de collecter et exploiter des données (factures, IoT, météo…). Lorsqu’il s’agit de sous-compteurs, le logiciel se repose sur la Green Box, outil de connexion aux bâtiments. C’est une passerelle multiprotocole modulable et évolutive capable de collecter tout type de données et de piloter les équipements. Une fois les données consolidées, elles sont analysées directement dans la Green Solution par un professionnel compétent ».
Afin d’envoyer les données de contrôle à tous les composants du système de gestion domotique, il faut trouver un système qui résolve les problèmes occasionnés par les dispositifs isolés et qui veille à ce que tous les composants communiquent entre eux avec le même langage. Pour Rémy Ostermann, président de KNX France, « il faut choisir KNX parce qu’il est ouvert et interopérable : donc accessible à tous. Il assure ainsi à ses utilisateurs une grande liberté d’achat des équipements (sans se limiter aux produits d’un fabricant en particulier) et une pérennité des installations (au-delà des évolutions des aménagements). D’autre part, notre standard permet des économies d’énergie appréciables, quel que soit le type de construction auquel nous avons affaire (neuf, ancien, particulier, collectif, etc.) ».
Des plateformes logicielles de plus en plus complètes pour la gestion de l’énergie des bâtiments
Les plateformes logicielles développées par des constructeurs permettent aux applications d’interagir en temps réel avec le système, ces plateformes étant le plus souvent ouvertes à une communauté d’intégrateurs, d’exploitants ou de développeurs pour répondre à tous les besoins des bâtiments anciens et nouveaux.
Schneider Electric continue à développer EcoStruxure™ qui va se décliner en plusieurs versions adaptées à différentes applications comme EcoStruxure Building, Grid ou Power. « EcoStruxure™ est une architecture logicielle interopérable ouverte, plug-and-play et compatible avec les objets connectés. Elle est structurée en trois couches. La première est constituée des produits qui communiquent, c’est-à-dire les capteurs et les compteurs qui vont mesurer et suivre les consommations énergétiques des bâtiments et générer une multitude de données. La deuxième couche est la plateforme logicielle globale et sécurisée, qui pilote et agrège les données collectées par les compteurs. Power Monitoring Expert en constitue un exemple. Enfin, la troisième couche est au cœur du Big Data et apporte les services aux usagers à l’aide d’applications et d’analyses », explique Olivier Delepine, vice-président Buildings & Channels de Schneider Electric France.
Siemens propose sa plateforme Desigo™ CC, une plateforme ouverte qui permet aux applications d’interagir en temps réel avec le système afin d’optimiser sans cesse la gestion d’un bâtiment. Desigo CC va permettre un éco-monitoring en déterminant et signalant en temps réel la performance énergétique de l’installation, assurer la gestion de l’ambiance pour un environnement de travail optimal et donner à l’exploitant des rapports précis (consommations d’énergie, pics de puissance). Desigo CC est modulaire et évolutif pour s’adapter à des bâtiments de toutes tailles.
Le programme Eliot dédié à l’IoT de Legrand propose des solutions connectées qui s’installent dans tous les types de bâtiments. Pour le management de l’énergie, Legrand a développé EMS CX3, un système complet, universel, pour mesurer, commander et reporter l’état d’appareils modulaires ou de puissance, en local ou à distance.
Le BIM (Building Information Modeling) est aussi un outil indispensable dans le domaine de la rénovation
D’utilisation courante dans le secteur de la construction neuve, le BIM est aussi un outil très performant dans le domaine de la rénovation. Jérôme Mullie, responsable produit Calcul de Trace Software, l’explique : « Tout d’abord, un logiciel comme Elec calcBIM permet de générer un bilan de puissance complet de l’installation électrique, et cela suivant les différents scénarios de fonctionnement, ce qui permet d’en déduire une consommation prévisionnelle. Avec les outils de simulation en temps réel, l’utilisateur pourra faire des études comparatives afin de valider l’intérêt économique de basculer sur de l’éclairage LED, par exemple.
La phase exploitation est l’un des enjeux majeurs du BIM. En effet, on considère que le coût global d’un ouvrage durant toute sa durée de vie est de 20 à 30 % à sa construction et le reste pour couvrir sa maintenance, sa mise aux normes ou encore les différentes évolutions qu’il subira pour s’adapter au besoin de l’exploitant. Le fait de détenir une maquette numérique de l’ouvrage permet de centraliser l’ensemble des informations susceptibles d’être utilisées pour la maintenance, et ainsi un gain de productivité pour les collaborateurs qui ne perdent plus du temps à aller rechercher des informations sur le terrain. Si on se recentre sur la partie électricité, la maquette permettra d’effectuer des simulations d’évolutions, rajouter par exemple une pompe, on pourra lancer le routage automatique des câbles, connaissant le taux d’occupation actuel des chemins de câble, on pourra mettre en avant les répercussions suivant différents scénarios de cheminement, ou encore si un tableau électrique divisionnaire devait être déplacé, on pourrait obtenir l’impact sur la conformité de l’installation de façon quasi immédiate. »
Jérôme Mullie poursuit : « On va pouvoir générer les nomenclatures des matériels et identifier leur localisation directement pour planifier, par exemple, une campagne de changement de luminaire. La maquette doit rester en permanence le jumeau numérique du bâtiment. »
Et, pour ALPI, « en tant qu’éditeur de logiciels pour la conception et la réalisation des installations électriques basse et haute tension, les solutions d’ALPI permettent de répondre aux enjeux du BIM en électricité. Au travers du processus BIMelec, nos logiciels de calcul et de dimensionnement communiquent avec les plateformes telles que Revit pour mettre à jour la maquette numérique d’un bâtiment avec des données électriques. BIMelec contribue ainsi à l’optimisation de la rénovation des bâtiments industriels et tertiaires, à leur maintenance ainsi qu’à l’amélioration de leur efficacité énergétique ».
AVIS D’EXPERT
Olivier Delepine, vice-président Buildings & Channels de Schneider Electric
Le plan de relance présenté par le gouvernement constitue une réelle avancée en matière de compétitivité des entreprises, de cohésion sociale et territoriale, et de transition écologique.
C’est en particulier sur ce dernier axe portant notamment sur la rénovation thermique des bâtiments et l’aide à la décarbonation de l’industrie que nous pouvons proposer toute une gamme de solutions de supervision et de pilotage de l’énergie.
Le 7 septembre, le plan France Relance a lancé deux appels à projets destinés à soutenir un vaste programme de rénovation des bâtiments publics. Le premier concerne les établissements « affectés aux missions de l’enseignement supérieur, de recherche et aux œuvres universitaires et scolaires » ; le second cible les autres bâtiments publics et les propriétés de l’État (hors Ehpad et hôpitaux). Côté timing, les appels à projets seront clos dès le 9 octobre et les programmes de rénovation devront être engagés avant le 30 décembre 2023 et livrés deux ans plus tard (voire trois ans pour les plus grosses opérations). L’annonce des projets sélectionnés se fera au plus tard le 1er décembre 2020.
Parmi les caractéristiques que devront présenter les projets figure le fait de posséder ou de s’engager à déployer « des moyens de comptage de suivi des dépenses énergétiques, et plus généralement d’un système de management de l’énergie (optimisation technique des équipements et amélioration de l’usage) ». En effet, tous les projets candidats doivent obligatoirement proposer non seulement des équipements efficients (comme des LED, des VMC double flux ou des panneaux photovoltaïques), mais aussi des technologies de comptage, de mesure, de régulation et de management de l’énergie (comme des logiciels de suivi énergétique ou des GTB). Les appels à projets complètent leurs critères d’éligibilité en suggérant de réaliser par la même une mise aux normes électriques des bâtiments.
Dans la pratique, les systèmes de GTB produisent des effets particulièrement intéressants : un potentiel de 25 % d’économie de chauffage en moyenne, selon le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), à partir de la norme NF EN 15232. Pour donner quelques exemples, Kedge Business School à Marseille a déjà franchi le pas et opté pour une GTB Schneider Electric dans le cadre d’une opération de transformation de l’école vers un établissement connecté, avec la supervision de ses consommations d’énergie. L’Université Grenoble Alpes a choisi, quant à elle, de réaliser un management global de l’énergie de tous ses sites (29 établissements dans les régions de Grenoble, Valence et les Hautes-Alpes) grâce à EcoStruxureTM Power Monitoring Expert.
Quelle démarche pour réussir cette rénovation des bâtiments ?
Pour Benjamin Colboc, c’est le pragmatisme, car pour rentrer dans une démarche quelle qu’elle soit, le professionnel doit pouvoir baser sa réflexion sur des informations : « Dans le cadre du management énergétique, ce sont des données de consommation. Beaucoup de données existent, ne serait-ce que par les compteurs généraux, mais sont inexploitées par les usagers. Le logiciel est là pour les agréger, les consolider et les mettre à disposition de son utilisateur afin qu’elles soient analysées et qu’un plan d’action soit mis en place. Bien sûr, les clients peuvent et doivent être accompagnés dans l’analyse s’ils n’ont pas les compétences nécessaires disponibles en interne.
Pragmatisme signifie aussi évolutivité. Commencer par les compteurs généraux est simple (et donc économique), permet de lancer la démarche et de se rendre compte de sa pertinence. Par la suite, pour bien exploiter son bâtiment, il faut pouvoir en suivre son comportement. Cela passe par la mise en place de sous-comptage et/ou de capteurs. Les données engendrées permettent de créer et de suivre des indicateurs de performance énergétique (IPE) et d’aboutir à un bâtiment toujours plus performant.
Typiquement, l’éclairage et la CVC seront suivis particulièrement dans le tertiaire, tandis que dans l’industrie ce sont les utilités (production, distribution et régulation) et les principaux consommateurs qui bénéficieront de leurs propres IPE. »
Jean-Paul Beaudet