À l’issue d’une période qui a bouleversé notre vie de tous les jours, nos relations au travail et notre économie, la transformation numérique sera au cœur des enjeux de sortie de crise. Mais avec de nouveaux usages plus proches des besoins, une responsabilité environnementale accrue et la nécessité de sécuriser le traitement des données, telles que les données médicales. Le Edge Computing devrait encore se développer dans toutes les activités industrielles, de santé, les services ou encore la ville intelligente (Smart City). Bonne nouvelle : les outils et équipements sont là pour répondre à tous ces besoins.
Les mois et les années qui viennent, cette période que l’on qualifie déjà « d’après-Covid », seront synonymes d’incertitude pour nos économies et annonciatrices de changements pour les entreprises industrielles petites ou grandes, le commerce et toute sa chaîne logistique, mais aussi le monde de la santé, de l’énergie ou des télécommunications.
« Au lendemain de la crise, les entreprises vont être confrontées à une “nouvelle norme”, propice aux opportunités et aux changements. Il est cependant nécessaire de réévaluer la pertinence et l’impact des entreprises, avec une perspective plus équilibrée des valeurs et des moteurs économiques afin de relever les défis de demain en matière de responsabilité, de décarbonisation, d’inégalité, de sécurité et de l’impact éthique des technologies », explique John Hall, rédacteur en chef de Journey 2024 au sein de la communauté scientifique d’Atos. Comme le mentionne ce rapport d’Atos « Journey 2024 Future Vision: Redefining Enterprise Purpose », dans la perspective de l’après-crise, il reste à anticiper si les entreprises et la société vont entrer dans une nouvelle norme ou connaître un continuum de changements qui nécessiteront des ajustements réguliers avec la refonte des chaînes d’approvisionnement et des écosystèmes de valeur ou l’adoption de technologies permettant le travail à distance et l’augmentation des compétences.
Un des outils informatiques qui devrait aider tous ces secteurs d’activité dans leur transformation ou adaptation numérique tout en assurant leur responsabilité environnementale est le Edge Computing. Prévu pour décentraliser le traitement des données au plus près des besoins des utilisateurs, le Edge Computing va présenter des avantages en termes de temps de latence réduit, de performance énergétique mais aussi de cybersécurité et de disponibilité accrue en réduisant les coûts d’infrastructures avec des mini ou micro-datacenters de dernière génération.
L’Edge Computing va encore gagner du terrain dans l’industrie
Pour garantir la pérennité de leurs activités, les entreprises doivent reconsidérer leur modèle traditionnel à l’aide de la technologie numérique afin de surmonter l’effondrement économique, la crise environnementale ou les révolutions technologiques de l’Internet des Objets (IoT), de l’intelligence artificielle, du machine learning ou de la fabrication additive. Ces technologies ou services vont tous générer une masse exponentielle de données à traiter au plus près des équipements et process. Selon Damien Giroud, National Sales Director & Secure Power France de Schneider Electric, « les experts estiment que le Edge permettra aux systèmes de mieux fonctionner, de travailler de manière autonome et de délivrer de l’information aux décideurs de manière plus rapide et plus efficace ».
Selon une étude récente (2018), 65 % des TPE/PME françaises reviennent du cloud et installent/réinstallent de l’informatique dans leurs locaux.
Pour François Debray, chef produit Onduleurs & Solutions associées d’Eaton, les causes principales sont :
- Les coûts élevés des services des hébergeurs pour des sociétés de petite et moyenne taille.
- La souveraineté des données. De plus de professionnels souhaitent que leurs données soient hébergées en France et non « on ne sait où » dans le cloud.
- La restauration des donnéesen cas de pépin. Plus facile et plus rapide si l’hébergeur est local qu’à l’autre bout de la France, de l’Europe.
- Plus généralement la réactivité en cas de problèmeet le contact. Avoir un interlocuteur que l’on connaît au bout du fil, plutôt qu’un opérateur lambda souvent peu au fait des spécificités de tel ou tel business.
« De plus, ajoute François Debray, nous vivons dans un monde de plus en plus connecté avec de plus en plus de données à échanger. Le Edge permet de collecter et de compiler les informations en local, au plus proche de leur source, et de les traiter avant de les envoyer. Cela est fondamental pour ne pas surcharger les réseaux 4G actuels. Il faut aussi prendre en compte qu’en France, tout le monde n’a pas encore accès la fibre… »
Cela ne se limite pas aux entreprises de l’Industrie 4.0, note Vincent Ouin, directeur Legrand Data Center Solutions, du groupe Legrand : « L’automatisation de lignes de production, la digitalisation des espaces de vente (par exemple l’essayage virtuel de vêtement en magasin, l’adaptation des lieux de vente en fonction de la fréquentation…) imposent de fortes contraintes sur les réseaux de communication (latence, volume…). Très grossièrement, l’ensemble des secteurs de l’industrie, du commerce, de la logistique vont être impactés par l’arrivée de technologies variées basées sur la collecte de données, le computing de ces données, les algorithmes (intelligence artificielle). En conséquence, l’arrivée de ces applications va avoir un fort impact sur le développement futur de capacité de calcul et de stockage à proximité du lieu de mesure de la donnée. » Ces données seront contrôlées, traitées et stockées à proximité des utilisateurs et le traitement sera effectué par le périphérique qui génère les données ; un traitement local qui limite les risques sécuritaires liés au transfert de données et réduit les coûts de bande passante.
« La sécurité est importante, explique Luc Alsène, responsable du pôle Technique et Développement d’Efirack & Rittal, pour des données qui peuvent être hautement sensibles, comme des données de production. La diminution de la latence est aussi importante, en particulier pour des échanges dans le domaine médical ou le domaine du retail pour la gestion en temps réel. La solution peut être un Edge Datacenter avec climatisation innovante de la série Blue e+ Rittal, pour une utilisation en milieu industriel, des infrastructures IT constituées d’une ou plusieurs baies avec toutes les caractéristiques d’une grande salle informatique ou un micro-datacenter en coffre-fort protégé contre tous les risques (poussière, feu, eau, intrusion). Pour des puissances de calcul et de stockage plus importantes, on peut utiliser un Edge Datacenter en conteneur, pour installer rapidement des systèmes standardisés, personnalisés suivant les besoins. »
Ces plateformes de Edge Computing vont aussi être utilisées par les acteurs de la grande distribution pour exécuter des applications dans tous leurs points de vente, gérer les actifs et les stocks avec des solutions interopérables et pouvant se déployer rapidement en toute sécurité. Cela leur permettra de répondre aux nouveaux besoins de la clientèle et améliorer l’expérience client.
Des offres pour aider les entreprises à sauter le pas de la digitalisation
Alors que des plans de redémarrage industriels sont en cours pour aider l’écosystème des PME/PMI à sortir de cette crise sans précédent, la digitalisation des usines apparaît comme un levier pour la modernisation, la performance et la durabilité de l’industrie, mais également pour attirer de nouveaux talents, voire accompagner de possibles relocalisations. Mais Éric Lefevre, responsable marketing Industrie digitale de Schneider Electric, constate : « Un bon nombre d’entreprises se retrouvent un peu perdues face à la multitude de nouvelles technologies, alors que selon la CCI des Hauts-de-France, plus de 70 % des entreprises veulent utiliser les nouvelles technologies pour accélérer la sortie de crise. Par ailleurs, au niveau national, on estime que 60 % d’entre elles n’ont pas encore démarré à cause de la méconnaissance des usages, et du fait que la transformation digitale ne consiste pas en une simple mise à jour de logiciels. La crise a montré le besoin de gestion à distance de la machine ou de l’automate pour pouvoir intervenir. Pour cette connexion à distance, ce qui est important c’est la flexibilité : l’industrie doit s’adapter à des environnements numériques de plus en plus intégrés. L’efficacité énergétique devient aussi un besoin sociétal, il faut mesurer les consommations électriques pour détecter les dérives ou définir des seuils. Pour la maintenance prédictive, les données vont rester en local, en réalité augmentée le traitement se fera également en local pour des latences très faibles.
Pour aider les utilisateurs, nous lançons une nouvelle solution Starter Pack 4.0, une solution packagée pour les industriels souhaitant cadrer et accélérer la transformation digitale de leur usine, prête à installer sur un parc existant, sans arrêt de production. »
L’offre de micro-datacenters s’est aussi beaucoup développée avec des solutions clé en main, testées en usine, modulaires, intégrant le refroidissement, l’alimentation sécurisée et la surveillance et supervision à distance. Une solution qui, pour Damien Giroud, « doit avoir le même niveau de sécurité et de disponibilité que ce que l’on attend pour les grands datacenters utilisés par les géants du Web. Ces micro-datacenters peuvent ressembler à de gros boîtiers jusqu’à de grosses armoires telles que notre Smart Bunker ».
De nouvelles solutions pour améliorer les services aux patients et l’efficacité de tous les services de santé
Ces derniers mois ont montré que, plus que jamais, les services de santé (médecine libérale, hôpitaux, laboratoires) dépendent des technologies numériques : télémédecine, systèmes de traitement, d’archivage et de transmission de données de santé, d’images ; mais aussi gestion administrative du personnel et de très nombreux malades. Ce pic d’activité accélérera l’adoption à long terme de nouvelles solutions numériques et une mise à niveau des infrastructures numériques.
Pour Séverine Hanauer, directrice des ventes Data Center & Telecom chez Vertiv France, « la crise sanitaire actuelle, pendant laquelle énormément de données ont été échangées entre les établissements de santé, a mis en relief les besoins et les exigences dans le domaine des analyses prédictives. D’ici 20 ans, de nouvelles technologies verront le jour qui nous permettront d’aller encore plus loin dans les détails. Et le développement de l’Edge Computing y contribuera également ».
Une évolution qui se fera en sécurisant les équipements et les données avec des solutions « standards » pour réduire les coûts et simplifier l’exploitation et la maintenance. Mais Vincent Ouin explique : « Le secteur de la santé a déjà largement modifié sa façon de traiter les données. Il faut étudier deux cas :
- La gestion de la donnée (stockage, partage…), qui requiert des datacenters avec une sécurisation accrue, suivant des normes de sécurisation strictes. Ces normes sont aujourd’hui en vigueur et certains hébergeurs se spécialisent dans le stockage de ce type de données sensibles. Legrand propose d’ailleurs un ensemble de technologies compatibles avec ces normes.
- Le traitement, par exemple avec des algorithmes particuliers, de l’imagerie médicale, requérant des capacités de calcul et des bandes passantes importantes… Ce dernier doit souvent se faire dans le “edge”, c’est-à-dire au plus proche des instruments fournissant la donnée. »
Pour toutes ces applications d’e-santé en fort développement, les problèmes de sécurité des installations, des baies ou des serveurs et de cybersécurité sont très importants et doivent être pris en compte dans un environnement de soin fortement réglementé. Des attaques de hackers ont montré ces derniers mois que des hôpitaux ou des centres de recherche ne sont pas à l’abri de ce type de problèmes, qui peuvent mettre en danger la vie des patients.
Les villes intelligentes, les télécommunications et le secteur de l’énergie se tournent aussi vers le Edge
« Les villes intelligentes, les véhicules autonomes ou les services de sécurité nécessitent le besoin d’une mise à disposition permanente de données sécurisées. Cela requiert des salles informatiques qui garantissent une fiabilité maximale, un temps de latence très réduit. Les Edge Datacenters qui sont économiques en consommation électrique et qui nécessitent peu de place constituent la solution », explique Luc Alsène.
Pour les télécommunications, l’arrivée de la 5G va créer de nouvelles opportunités avec des vitesses plus grandes, des latences plus faibles et la possibilité de recueillir et traiter plus de données pour des applications telles que la réalité augmentée, l’intelligence artificielle, la métrologie. Les opérateurs télécoms travaillent déjà sur un projet de Multi-access Edge Computing (MEC). Selon l’organisation de normalisation européenne ETSI, ce MEC offre aux développeurs d’applications et aux fournisseurs de contenus des capacités de cloud computing et un environnement de services informatiques à la périphérie du réseau. Le MEC, déjà utilisable avec la 4G, facilitera l’optimisation des ressources du réseau 5G.
Les réseaux d’énergie avec une production décentralisée des énergies renouvelables vont dépendre de plus en plus des technologies de pointe émergentes et de l’utilisation efficace et sécurisée des données produites localement. Ces énergies renouvelables (vent, soleil) vont nécessiter un besoin de prévisibilité mais aussi de mieux cerner les futurs comportements de consommation des utilisateurs afin de permettre au système de s’auto-équilibrer. Cela nécessitera de recueillir et traiter des données au niveau de la production, du réseau de distribution et du client final. Des données qui seront souvent traitées à la périphérie (Edge).
Bienvenue dans l’ère de l’informatique de proximité.
Jean-Paul Beaudet
3 Questions à…
Séverine Hanauer
Directrice des ventes Data Center & Telecom de Vertiv France
La Smart City et la gestion de ses nouvelles applications vont-elles voir se développer des micro-datacenters de proximité ?
Séverine Hanauer – Les villes intelligentes sont des communautés territoriales qui s’appuient sur le digital pour gérer leurs actifs dans le but d’améliorer le quotidien des citoyens. Elles développent les applications qui vont faciliter la mobilité, la circulation, le tri des déchets. Avec la mise en place de tous ces systèmes, les villes ou d’autres organismes étatiques ou privés seront obligés d’installer des solutions de micro-datacenters. Prêt à l’emploi, le micro-datacenter est plus simple à déployer qu’une architecture classique, et peut donc s’installer un peu partout, dans n’importe quel bâtiment de la ville intelligente. Ils sont installés sur les sites où il n’y a souvent jamais de personnel en continu. Tout y est donc télésurveillé, via des remontées d’alarmes pour les interventions de premier niveau, jusqu’aux alarmes d’intrusion ou de cyberattaques. Quant à la disponibilité des micro-datacenters pour les Smart Cities, elle est à la fois impérative du point de vue financier et pratique. La continuité de services des micro-datacenters est particulièrement critique lorsqu’il s’agit pour une ville de gérer ses actifs intelligents. Imaginons le chaos que peut provoquer l’arrêt d’un système de la gestion du trafic urbain. L’interruption des services de la Smart City n’est donc pas une option, et sa résilience relève d’une considération vitale.
L’industrie 4.0, qui devrait continuer à se développer dans le « monde de demain », a-t-elle encore plus besoin du Edge Computing ?
S. H. – Avec la digitalisation qui s’invite dans tous les secteurs d’activité, à tous les niveaux, même dans nos domiciles, il est clair que le Edge Computing va se développer automatiquement, car il est impossible de traiter, depuis un gros datacenter central, tous les besoins de traitement numérique au plus près des utilisateurs. La relocalisation d’un datacenter dépendra de l’activité de l’entreprise et de sa stratégie informatique. Quand on parle de relocalisation, c’est plutôt dans une optique de regroupement de plusieurs anciens datacenters sur un nouveau site informatique centralisé. C’est aussi parfois le cas pour des entreprises qui externalisent une partie de leur système informatique et font appel à des fournisseurs de cloud pour héberger l’activité digitale qu’elles ne souhaitent plus gérer en interne. À l’inverse, on voit arriver sur le marché des hyperscalers qui ont besoin, pour mieux servir leurs clients, de disposer également de datacenters de taille plus réduite. De même, une entreprise ayant externalisé tout ou partie de son informatique peut être amenée à recréer une petite salle informatique sur son site pour son cœur d’activité, profitant des gains de place qu’offrent aujourd’hui les équipements IT toujours plus petits mais plus performants.
Le domaine de la santé va-t-il avoir de nouveaux besoins et utiliser de plus en plus de solutions Edge ?
S. H. – Dans un système d’information hospitalier (SIH), on trouve toutes sortes d’applications cliniques : systèmes critiques ou encore des applications spécifiques pour les laboratoires de test d’équipement à ultrasons, les laboratoires d’analyses ou encore les établissements de recherche. En parallèle et depuis peu, ce sont les applications et plateformes mobiles (données et dossiers médicaux des patients) qui se développent. De ce fait, le système de santé est très propice à l’adoption du Edge Computing. Ce dernier est particulièrement utile pour les appareils dont les données cruciales doivent être traitées immédiatement sur plusieurs sites hospitaliers : par exemple des données issues des capteurs des unités de soins intensifs pour surveiller le taux d’insuline, la respiration, le rythme cardiaque, etc. L’un des scénarios où le Edge Computing est nécessaire est le service d’urgence. Dans ce cas de figure, il est très utile de pouvoir transmettre les données depuis l’ambulance à l’hôpital en temps réel.