Les technologies du Smart Building connaissent actuellement une véritable phase de test et de montée en puissance. Prévues pour apporter davantage de confort, de sécurité et de flexibilité aux bâtiments, elles doivent aujourd’hui s’adapter à des solutions additionnelles, à de nouveaux risques également, et à des réorganisations de l’espace et des modes de travail.
Pour Prudence Soto, directrice générale de Sauter Régulation SAS, « c’est parce que les possibilités technologiques évoluent que les utilisateurs deviennent plus exigeants. Si vous avez la chance de vivre dans une “Smart Home”, vous voulez bénéficier du même confort sur votre lieu de travail. C’est pourquoi les solutions dites “Smart Building” d’aujourd’hui doivent offrir bien plus que les fonctions classiques d’automatisation de bâtiments ». Il existe beaucoup d’idées et de solutions prêtes à l’emploi, qui ne représentent toutefois souvent que des solutions isolées pour des tâches spécifiques, par exemple le chauffage et la climatisation des locaux, la protection solaire et l’éclairage intelligent des lieux de travail ou encore la gestion efficace de l’énergie. Mais le point clé est le suivant : à chaque fois qu’une nouvelle fonction est intégrée, un nouveau système avec de nouveaux composants de réseau, de nouvelles interfaces et de nouveaux contrôles entrent en jeu. Bien que chaque fonction, individuellement, ait une valeur ajoutée, il est d’autant plus compliqué de conserver une bonne vision d’ensemble et de les utiliser correctement.
« Le plus grand défi actuel en matière d’automatisation des bâtiments est de mettre en place un système rassemblant et unifiant toutes les fonctionnalités des solutions existantes, mais aussi futures, dans un bâtiment devenant de plus en plus intelligent. Ce système est clé pour garantir une certaine facilité d’utilisation, mais présente un autre avantage décisif : tous les composants en réseau sont en effet en mesure de communiquer entre eux, même entre différents lots techniques, créant ainsi des fonctions totalement nouvelles, avec des possibilités pratiquement illimitées. » Qui plus est, cela garantit la flexibilité et l’adaptation aux usages futurs.
Des solutions évolutives pour mettre en place de nouvelles organisations
L’après-Covid modifie la donne pour les usages à l’intérieur du bâtiment tertiaire, qui, s’il est smart ou s’appuie sur des solutions smart, va pouvoir rapidement être reconfiguré et adapté pour sécuriser les espaces de travail et de circulation, mais aussi pour mieux téléopérer les fonctions de la GTB du bâtiment.
Pour Pascal Tigréat, responsable du département Automation de Wago, « si la flexibilité est pensée dès la conception, il est possible de transformer rapidement les usages d’un bâtiment ». Pour exemple de reconfiguration dynamique et recloisonnement, la reconfiguration de l’open space du siège social Wago France en bureaux individuels a été très vite réalisée, dès lors que la nouvelle conception avait intégré les contraintes et capacités d’occupation. « Il n’y a pas eu de rajouts de capteurs, à l’exception de quelques sondes de température en liaison radio pour quelques espaces particuliers, et nous sommes notamment passés d’un grand open space à des bureaux cloisonnés de 1 à 2 personnes, et à des bureaux à double accès. Des cloisons fines transparentes ont été ajoutées pour séparer les postes de travail et nous avons utilisé notre solution d’hypervision 3D « Immersive by Wago » pour, par exemple, expliquer au nouvel arrivant ou bien aux personnes qui avaient été déplacées les cheminements possibles jusqu’à leur nouveau poste de travail. Des règles de circulation ont été instaurées pour éviter les croisements et, là encore, l’hyperviseur a fourni une représentation 3D simple et intuitive des cheminements et règles à respecter à l’intérieur du bâtiment. En parallèle de la reconfiguration des espaces, nous avons opté pour modifier les règles de fonctionnement des CTA de renouvellement d’air pour passer en tout air neuf », poursuit l’expert.
Enfin, compte tenu du nouveau contexte Covid, tous les acteurs soulignent la multiplication à la fois du télétravail, mais aussi de la télémaintenance et télé-opérations avec les enjeux de sécurité qui sont associés.
« Dans ce principe d’architecture, l’automate qui sert de passerelle vers l’extérieur du bâtiment intègre un Web serveur et garantit au maximum traçabilité et sécurité, avec, pour certains cas, des accès possibles synchronisés avec l’annuaire LDAP de l’entreprise. La connexion vers les applications cloud comme l’hyperviseur Immersive fait aussi l’objet de tous les mécanismes possibles de sécurisation, par tunnel VPN et encryptage, notamment. Ainsi, de l’extérieur, on ne peut plus accéder aux automatismes du bâtiment directement et l’automate qui sert de passerelle vers les applications en télégestion est lui aussi télémaintenu, avec une page Web d’administration, des fonctionnalités de backup/restore. Les mises à jour logicielles peuvent se faire également via le Wago cloud, avec des mécanismes sécurisés d’ouvertures restreintes dans le temps, et une porte spéciale réservée à un profil d’utilisateur système, les autres ports d’accès étant désactivés », illustre Pascal Tigréat, de Wago. Ce principe peut s’appliquer aussi dans des contextes de rénovation ou mixant des technologies récentes et plus anciennes, et ce, dès l’instant ou celles-ci sont capables de communiquer via Modbus ou TCP.
Selon Ludovic Bécourt, responsable pôle Prescription au sein de BEG France , « quel que soit l’usage final du bâtiment, on peut désormais envisager une conception qui va permettre de faire évoluer les usages, un peu comme une coquille vide que l’on va pouvoir cloisonner de façon flexible et modifiable. Une salle de réunion peut devenir ainsi showroom, puis être cloisonnée en bureaux. Peu importe le changement d’organisation, car les solutions connectées, détecteur de mouvement et gestion de présence pour l’éclairage, peuvent être modifiés avec un simple paramétrage. Le bus communicant DALI2 a une réelle interopérabilité et permet d’adresser chaque dispositif et de les reparamétrer simplement, même à distance et sans intervention physique, et avec les passerelles vers BACnet, KNX ou LON, tout le monde communique avec tout le monde .
La maquette numérique, si elle est bien renseignée par tous les corps d’état, va permettre de simplifier la maintenance et l’évolutivité des systèmes dans la mesure où chaque produit y est référencé et détaillé », conclut l’expert.
Le BIM prépare le Smart Bulding et est support de sa flexibilité et évolutivité
Yohann Riffard, directeur commercial France-Benelux, ALPI
Mehmet Yuksel, responsable produit BIMelec, ALPI
Il est encore fréquent de retrouver des plans au format papier ou DWG sans lien avec une base de données techniques, et donc non exploitables en l’état pour tout ou partie des bâtiments. Le point essentiel est donc désormais de passer au numérique, et le plus souvent possible, dans une approche globale – une méthodologie BIM – qui doit permettre d’être la véritable image de toutes les données numériques – ou jumeau numérique – du bâtiment et être maintenue à jour tout au long de l’exploitation du bâtiment.
« La suite logicielle Caneco ONE 2020, qui regroupe l’ensemble des logiciels Caneco, permet d’exploiter des données électriques au format numérique pour en extraire des plans à jour pour le courant faible (SSI, VDI, CFA) et le courant fort. Toutes ces données sont calculées conformément aux standards en vigueur de dimensionnement d’installations électriques basse tension et moyenne tension. Le processus BIMelec d’Alpi permet de garantir l’intégrité des données exploitées au travers des plateformes de maquette numérique électrique telles que Revit », expose Mehmet Yuksel.
Durant toutes les phases d’un projet, de la conception à l’exploitation, les propriétés des objets électriques sont ainsi enrichies au travers des données issues du dimensionnement : routage automatisé des câbles, calcul des réservations, calculs normatifs en temps réel des circuits pour les sections et protections.
« L’intégrité de ces données est un point clé ; à tout moment, une intervention sur le système électrique du bâtiment passe par un accès à un contenu enrichi, à jour, avec les caractéristiques détaillées des appareillages en place », souligne l’expert.
« C’est un gain de temps énorme, que ce soit pour reconfigurer le bâtiment et changer d’affectation des espaces pour s’adapter à de nouvelles contraintes ou organisations, ou encore pour intervenir rapidement en cas de défaut d’un équipement », conclut Yohann Riffard.
Smart Building, vers le FM 4.0
Avec la communication de plus en plus aisée entre systèmes, évoquer le « FM 4.0 » n’est pas utopique. Tous les acteurs du Facility Management y trouvent leur compte. Par exemple, le gardien dans l’optimisation de ses rondes, mais aussi les équipes de nettoyage qui adaptent leurs activités en fonction des fréquences d’usage des bureaux, ou bien encore le suivi du Facility Manager qui est facilité par la visibilité procurée.
Pour Prudence Soto, de Sauter Régulation SAS, « les entreprises de Facility Management profitent tout particulièrement des avantages de ces nouvelles technologies, car toutes les informations et fonctions importantes et détaillées peuvent converger vers le Facility Manager : avec le BIM, sur un plan de bâtiment numérique, il peut par exemple voir quels locaux ou lieux de travail sont actuellement occupés, quelles fenêtres sont ouvertes ou inclinées, ou encore au niveau confort et hygiène, par exemple concernant la quantité de savon restante dans le distributeur ».
L’outil de maintenance intégré aux technologies smart peut aussi générer automatiquement un ordre de nettoyage, l’envoi par e-mail aux responsables avec un suivi par système de tickets. Le personnel de nettoyage est également aidé dans l’organisation et l’optimisation de sa tournée de nettoyage.
« D’autres fonctions peuvent être intégrées, comme le suivi des biens, la ronde de sécurité, la sécurité incendie ou bien encore, au niveau de l’efficacité énergétique, avec notre système de gestion de l’énergie baptisé Sauter EMS », conclut l’experte.
Jean-François Moreau