L’hydrogène sera-t-il le futur de la mobilité ? Ce gaz, invisible, inodore et bien connu des scientifiques pour être l’élément chimique le plus abondant dans l’univers, intéresse de plus en plus les acteurs du secteur du transport, secteur qui est l’un des premiers émetteurs de gaz à effet de serre (GES) – et, à ce titre, l’un des plus concernés par l’urgence de la transition énergétique. L’hydrogène permet en effet de remplacer les véhicules thermiques et donc de limiter la pollution atmosphérique. Il permet surtout, en étant stocké dans des véhicules électriques, de se substituer aux batteries classiques et d’alimenter, une fois transformé en électricité, une pile à combustible embarquée dans une voiture, un camion, un train, un bateau… et même, en théorie, dans un avion.
A condition que les constructeurs automobiles accélèrent leur production de modèles compatibles. L’hydrogène vert, ou bas-carbone, pourrait en effet, selon l’Afhypac, la principale organisation de la filière en France, alimenter d’ici 2050 près de deux véhicules de fret et de transport de passagers sur dix. Il pourrait également contribuer à décarboner le transport ferroviaire – la SNCF, dont un millier de trains fonctionne toujours au diesel, a commandé une quinzaine de trains à hydrogène à Alstom –, le transport maritime – en équipant des ferries parcourant de courtes distances – ou le transport fluvial – la ville de Nantes dispose depuis un an d’une navette à hydrogène. « L’hydrogène peut devenir l’un des piliers d’un modèle énergétique neutre en carbone, selon Nicolas Hulot. Cette molécule, qui renferme énormément d’énergie, va devenir indispensable compte-tenu de l’étendue de ses propriétés ».
Une énergie potentiellement décarbonée
Indispensable à la transition de notre modèle, selon l’ancien ministre de l’Ecologie d’Emmanuel Macron, l’hydrogène n’est, cependant, pas à proprement parler une énergie, mais plutôt un « vecteur énergétique » nécessitant d’être produit et stocké avant de générer lui-même de l’énergie. Or l’hydrogène demeure, aujourd’hui, encore produit à plus de 94% à partir de ressources fossiles (gaz naturel, pétrole et charbon), selon la technique dite de vaporeformage de méthane – c’est l’hydrogène « gris », particulièrement polluant, puisqu’il est responsable du rejet, sur le seul territoire français, de 11,5 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit l’équivalent de 3% des émissions nationales.
Mais l’hydrogène peut aussi être « vert », si et seulement s’il est produit selon la technique de l’électrolyse de l’eau (consistant à utiliser de l’électricité pour dissocier l’hydrogène (H) de l’eau (H2O)), elle-même permise par l’utilisation d’énergies bas-carbone ou renouvelables. C’est cet hydrogène vert qui peut contribuer à décarboner sensiblement le secteur des transports. Toujours selon l’Afhypac, l’hydrogène décarboné pourrait, d’ici 2050, répondre à 20% de la demande finale d’énergie de la France, participant ainsi à réduire nos émissions de l’ordre de 55 millions de tonnes de CO2 chaque année. « La France est à la pointe sur cette filière », se félicitait encore Nicolas Hulot, selon qui « elle constitue un atout pour notre indépendance énergétique mais également un immense gisement d’emplois ».
Une filière est en train de se structurer
Bonne nouvelle : la filière est, précisément, en train de se structurer. En France, la société Hynamics, une filiale de l’énergéticien EDF, s’est lancée il y a plus de dix ans dans la production d’hydrogène bas carbone par électrolyse de l’eau. Visant « le leadership européen de la production d’hydrogène » vert, selon sa PDG, Christelle Rouillé, Hynamics s’intéresse particulièrement « à la mobilité lourde, les flottes de bus ou de camions à ordures ménagères par exemple ». En dépit du désavantage compétitif de l’hydrogène vert par rapport à son équivalent obtenu par vaporeformage, « nous avons une feuille de route ambitieuse, avec des investissements conséquents », affirme Mme Rouillé, qui rappelle qu’EDF a investi 17 millions d’euros dans le fabricant français d’électrolyseurs McPhy.
De plus en plus d’acteurs se positionnent sur ce secteur, tels qu’Hydrogène de France ou Symbio (qui produit des piles à hydrogène) et des sites pilotes émergent un peu partout sur le territoire : en Vendée (Lhyfe, 110 tonnes/an via l’éolien), en Provence (HyGreen, via le solaire) ou en Bourgogne (Dijon Métropole Smart Energy, 182 tonnes/an, via la combustion de déchets). Et en Europe aussi, l’hydrogène attire l’attention. La plus grande usine de production d’hydrogène vert (3 000 tonnes/an), alimentée à partir d’énergie éolienne, devrait ainsi voir le jour aux Pays-Bas, d’ici à 2022.
L’Europe ne veut pas manquer le coche
L’Europe, justement, ne doit pas manquer le coche de l’hydrogène vert si elle veut répondre à ses objectifs climatiques. La Commission européenne a annoncé, le 8 juillet, faire de l’hydrogène vert l’un des investissements prioritaires de son plan de relance économique, dans le cadre du « green deal », en visant une part de 14% d’hydrogène dans le mix européen en 2050, contre seulement 2% aujourd’hui. Articulée autour de trois piliers (production, stockage et transport), la stratégie européenne table sur 6 gigawatts de capacités d’électrolyseurs d’ici 2024, et 40 d’ici 2030, contre 1 seul gigawatt actuellement. « Un effort supplémentaire, pour Frans Timmermans, vice-président de la Commission, pour rester en tête car le reste du monde nous rattrape rapidement ».