Lors de son conseil d’administration du 5 juin 2020, la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC) a élu Laurent Tardif, président de la région Europe du Sud Prysmian Group, à sa présidence pour un mandat de trois ans. Depuis l’assemblée générale du 7 juillet, il succède à Gilles Schnepp, qui devient président d’honneur de la Fédération.
Comment jugez-vous la santé de la filière électrique française aujourd’hui ?
Laurent Tardif – La reprise est là mais elle est relativement fragile. Le confinement aura marqué un vrai coup d’arrêt, et la reprise des chantiers dans lesquels nos entreprises sont engagées n’est toujours pas assez rapide, en particulier s’agissant des chantiers publics. Le contexte institutionnel dans les collectivités locales ne facilite pas non plus le lancement de nouveaux marchés. Nous espérons que la fin du temps des élections municipales et l’installation des intercommunalités permettront d’accélérer les choses. Au plus fort de la crise, vers fin mars, le taux d’activité moyen de nos entreprises tournait autour de 30 %. À présent, nous sommes plutôt à 70 % mais il est encore trop tôt pour mesurer efficacement l’impact. Si on en croit de nombreux experts, c’est plutôt à partir de la rentrée de septembre que nous devrions commencer à avoir une vision précise de la nouvelle donne économique, de la santé de la filière et donc de la capacité des entreprises à rebondir. Mais la santé de la filière dépendra aussi des soins qu’on veut bien lui prescrire. C’est pourquoi nous attendons beaucoup des mesures qui seront proposées dans le plan de relance du gouvernement.
Comment la crise du Covid-19 a-t-elle impacté vos adhérents ?
L. T. – Le premier impact pour les entreprises adhérentes de la FIEEC était avant tout social et managérial : protéger la santé des femmes et des hommes qui font vivre l’entreprise. Sans eux, l’activité ne fonctionne pas ; nous l’avons encore constaté pendant le confinement. Cet impact s’est donc traduit dans certains cas par une transformation du fonctionnement quotidien de nos activités, et partout par une application des mesures sanitaires, adaptées selon les différents secteurs, pour prévenir les risques de contamination et permettre à chacun de travailler dans un climat de confiance. Ces protocoles sanitaires n’ont pas tous été simples à mettre en œuvre mais je sais que nos entreprises se sont toutes fortement impliquées car elles ont le sens des responsabilités. Ensuite, il faut quand même dire qu’il y a évidemment un impact économique majeur, même si celui-ci est très inégal selon les secteurs d’activité. C’est pourtant à mon sens insuffisamment reconnu, car nous nous focalisons essentiellement sur les activités économiques qui ont été contraintes de s’arrêter pendant le confinement, et qui ont – il est vrai – particulièrement souffert. Mais c’est également le cas de nombreuses autres activités économiques qui fournissent ces entreprises à l’arrêt, et qui se sont donc trouvées tout autant pénalisées.
Quels sont les principaux axes de développement et de relance pour la filière électrique, numérique et de communication dans les mois et les années à venir ?
L. T. – À court terme, la reprise puis la relance ne pourront se faire véritablement qu’avec des mesures spécifiques et sectorielles. Si une majorité de secteurs ont été touchés par cette crise, ils ne l’ont pas tous été de la même façon et c’est pourquoi les représentants professionnels et les acteurs publics doivent évaluer ensemble, secteur par secteur, les conditions d’une relance tangible (reprise de la demande, soutien de l’offre…). C’est, je crois, ce sur quoi le gouvernement travaille, et nous lui avons adressé des propositions concrètes pour soutenir les industries électroniques, électriques et numériques. À moyen et long terme, les enjeux paraissent beaucoup plus globaux et concernent tous les acteurs : il s’agit de construire une véritable renaissance industrielle qui intègre de manière prioritaire les questions environnementales (économie circulaire, efficacité énergétique) et celles de souveraineté (industrielle et numérique). On parle beaucoup du « monde d’après », parfois à tort et à travers, mais il y a une donnée pour laquelle tous les acteurs semblent d’accord, c’est que celui-ci ne pourra se faire sans des industries françaises à la fois solides et engagées dans les nouveaux enjeux environnementaux.
Dans le cadre du plan de relance annoncé par le gouvernement, quelles sont les orientations retenues pour la filière électrique ?
L. T. – Le soutien au secteur électrique et la volonté d’accélérer son développement ont beaucoup été traités jusque-là sous le prisme de nos partenaires de l’automobile, avec notamment une détermination marquée pour la massification du véhicule électrique. C’est un premier pas très important pour nos industries qui innovent depuis de nombreuses années pour un usage du véhicule électrique à travers tout le territoire. Mais demain, le second enjeu important va être celui du plan de relance bâtiment, prévu pour les prochains mois. En effet, la filière électrique détient une place primordiale dans la construction du logement et bâtiment de demain : connecté, intelligent et bien entendu plus efficace sur le plan énergétique. Nos industries et leurs services sont déterminants pour les politiques publiques à venir en matière de bâtiment. Dans sa dernière allocution, le président de la République a annoncé son souhait d’inclure la rénovation énergétique des bâtiments dans son futur plan de relance. Nous sommes prêts à nous y engager.
Quelles sont les attentes de vos adhérents à ce sujet ?
L. T. – Nos adhérents attendent une détermination sans faille de la part des pouvoirs publics sur les enjeux et objectifs énergétiques : plan carbone, rénovation logement et tertiaire… Ils attendent également une relance forte de la demande sur tout le territoire et une exemplarité de la commande publique sur ces questions. Le secteur électrique est à la fois le moteur et la solution pour la ville de demain, mais l’impulsion des pouvoirs publics pour le mettre au cœur des politiques à venir reste un élément majeur de son développement.
Avant la crise liée au Covid-19, les nouvelles technologies du bâtiment et de l’industrie connaissaient une importante phase de développement. Qu’en est-il aujourd’hui ?
L. T. – Elles sont inévitablement ralenties en raison de ce contexte inédit. Mais nous voulons conserver une certaine forme de confiance car ces nouvelles technologies apportent véritablement des réponses concrètes à des besoins encore plus importants depuis cette crise. Chacun aura pu constater un vrai bouleversement des habitudes, avec la montée en puissance du télétravail, le développement de l’école à domicile ou encore la télémédecine. Il est important de dire que c’est grâce aux entreprises de notre secteur que nos concitoyens ont pu avoir accès au haut débit et bénéficier d’un environnement numérique adapté à la continuité de leurs activités professionnelles, mais aussi personnelles. Et dans les foyers, entreprises ou villes où cela n’a pas été possible, je pense qu’il y a dorénavant une vraie prise de conscience de la nécessité d’accélérer la transition numérique pour permettre à chacun d’accéder à ces nouvelles technologies.
Propos recueillis par Alexandre Arène