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La formation professionnelle se modernise

Alors que l’e-learning peinait encore à percer il y a quelques mois, avec la diffusion du virus, toutes les organisations s’y mettent. Si on peut trouver des aspects positifs à la crise sanitaire, c’est d’avoir fait évoluer à marche forcée les comportements face au virtuel, qui s’est imposé comme la seule solution de substitution à la présence physique. « La visioconférence, les tutoriels et les formations en ligne se sont retrouvés banalisés dans la composition des journées de travail. La courbe générale d’évolution des compétences s’est sans doute orientée très positivement, pendant cette période. En parvenant à maintenir cette dynamique, notre secteur arriverait à faire le bond en avant d’appropriation de multiples technologies innovantes qui sont à sa portée depuis des années », explique Xavier Hornung, Secrétaire Général de la CSEEE.

Un nouveau regard sur la formation à distance

La formation à distance a longtemps souffert d’une image négative en France. Les responsables de formations et les organismes de formations préféraient le présentiel, plus rémunérateur. De leur côté, les apprenants n’étaient pas très motivés pour suivre à distance des modules présentation PowerPoint de 45 minutes, seuls devant leur écran. Mais avec la crise, tout le monde a dû télétravailler et suivre des visioconférences sur Zoom. Les enfants ont écouté leurs professeurs pour poursuivre leurs études. C’en est fini de la formation à distance synonyme de formation en solo en e-learning. Avec des outils comme Zoom ou Bluejeans combinés à des plateformes LMS et des contenus de qualité, on peut vivre des expériences apprenantes d’une qualité proche, voire meilleure que la formation présentielle. Les entreprises ne reviendront pas au stage de sitôt. Et cela pour trois raisons : budgétaire, logistiques et sanitaires.

« La crise du Covid-19 a été pour nous le déclencheur pour initier le virage que nous aurions dû prendre depuis longtemps. Nous étions en réflexion, et nous avons déployé à vitesse grand V. Très vite, nous avons pu proposer des modules sur différents sujets techniques comme les bornes de recharges de véhicules électriques ou la domotique, et des sujets d’entrepreneurs sur la gestion des affaires et les ressources humaines », explique Hervé jacques, directeur du développement formations chez Formapelec. « Nous avons mis en place des formations très rapidement et dès le confinement pour, dans un premier temps, occuper les électriciens, mais surtout pour les éduquer. Nous avons fait beaucoup de webinaires autour de la NFC 15-00, et de l’habitat connecté. Chacun était accompagné de plan numérique comme le Guide de la NFC 15-00, avec des infographies animées », détaille Stéphane Droxler, directeur marketing Home & Distribution chez Schneider Electric.

Certains en ont même profité pour former les installateurs sur le plan commercial, en les aidant à construire une offre et à garder le lien avec leurs clients. « Nos commerciaux et notre CCC étaient toujours disponibles en ligne. Pour les aider dans cette nouvelle approche client, nous avons construit des modèles de courriels à adresser aux contacts à la suite des approches téléphoniques, comme des renvois d’outils digitaux pour le chiffrage, de la documentation pour tel ou tel produit… tout en respectant le RGPD », précise Stéphane Droxler. 

Vers un mix des solutions
On appelle cela le « Blended training » : une formule pédagogique qui combine formation en ligne et formation en présentiel. Par exemple, chez Delta Dore, les formations en ligne ont rassemblé 650 participants et enregistré un taux de satisfaction de 97 %. Cette formule devrait être pérennisée et comprendre un webinaire de 45 minutes (offert), des classes virtuelles de 2 h et un cycle de formations en présentiel. « La première phase du plan de soutien aux professionnels du bâtiment a rencontré une forte adhésion. Cette opération, menée à bien dans un temps record par les équipes Delta Dore, a su d’abord répondre aux besoins urgents de nos clients, mais nous a également permis de nous rapprocher d’eux, en tant qu’acteurs d’une même industrie. Si la seconde phase de ce projet va continuer d’évoluer jusqu’à la fin de l’année, nous savons déjà que nous en sortirons grandis et plus solidaires que jamais », souligne Pascal Portelli, président du directoire de Delta Dore.

Tous les secteurs sont concernés par cette mutation, y compris ceux qui nécessitent de manipuler. Dans le chauffage, la structure de formation de Viessmann, l’Académie, est constituée de 5 formateurs, spécialistes et experts du métier, à temps plein, qui forment près de 5000 professionnels du chauffage par an. « En France, 9 structures Viessmann peuvent accueillir nos partenaires pour ces formations. Nos formations portent sur les caractéristiques techniques, sur le produit en lui-même, mais également sur l’environnement, son installation, la réglementation, la maintenance et le dépannage. Nous avons étendu nos formations à des domaines périphériques comme l’aspect commercial : argumentation, fiche produit, scripts… », illustre Yves Carl, directeur technique et marketing Viessmann France. Nous avons trois axes de travail : de la formation sous forme de webinaires pour la partie théorique, de la formation vidéo sous forme de tutoriel et de la formation en présentiel. Nous scindons toutes les formations existantes selon ces trois parties pour être réactifs et pouvoir continuer nos formations en toutes circonstances. »

Des formats adaptés

Les professionnels ne peuvent plus prendre du temps sur la journée pour se former. C’est pourquoi toutes les organisations réfléchissent à des contenus qui peuvent être consommés comme des séries TV. « Un webinaire productif doit être limité à 1 h, avec des séquences questions/réponses, et être fait avec un formateur qui explique et un formateur qui répond au chat et gère l’intendance, souligne Yves Carl, de Viessmann. Le webinaire permet d’avoir du contenu de formation disponible même après la fin de la session. Les MOOC sont des séquences vidéo plus courtes, de 10 à 15 min, et les participants peuvent les visionner quand ils en ont besoin et le temps. »

Lorsqu’un cours physique est reproduit simplement en numérique, une part du travail et de la responsabilité est déportée sur les apprenants, dont 48 % se sentent en difficulté pour réussir à s’organiser correctement et assurer leur télétravail de façon efficace en ce moment (source QAPA). « Nous n’avons pas encore trouvé une plateforme qui rassemble toutes les fonctionnalités. Pour l’instant, nous avons plusieurs outils (visio, stockage, projet…) », Hervé jacques, Formapelec. « Nous avons des outils supplémentaires qui nous permettent de créer des séquences de formation organisées. C’est-à-dire que nous partageons des documents, des films, nous mettons à disposition un espace numérique de travail, nous animons avec des sondages et des échanges questions/réponses de vive voix et nous avons un tableau blanc numérique. Nous les faisons également chercher sur Internet. »

« L’apprenant, comme le formateur, doit accepter ce nouveau format. Les contenus sont nécessairement adaptés, car la formation en ligne nécessite plus d’interactions avec les apprenants. Les exercices, travaux dirigés et études de cas permettent de mieux soutenir l’attention et de s’assurer de la progression des acquis. Par ailleurs, la formation à distance permet de travailler sur des contenus beaucoup plus courts », insiste Xavier Hornung, Secrétaire Général de la CSEEE. « C’est pour cela que nous avons mis en place des webinaires et des modules e-learning de qualité sur des thématiques propres aux besoins et aux nécessités de nos clients. Pendant ce confinement, nous avons eu à cœur d’aider nos clients à se préparer au déconfinement et d’entrevoir le futur de leur activité d’une autre manière, en s’adaptant aux nouveautés technologiques et digitales », confirme Sébastien Hivert, responsable pôle communication résidentielle chez Hager.

Hager – webinaire

Le numérique permet surtout de réagir très vite à des situations. Une visioconférence n’est pas une formation certifiante et peut donc s’adapter à l’actualité pour informer. Ce que confirme Fabrice Canton, responsable customer service chez Hager : « Les électriciens ont des besoins en termes de sécurité des personnes, de gestion des réseaux sociaux, de stratégie d’entreprise, et des besoins en termes de nouveaux contacts. » C’est toute la profession qui est à former, car l’enseignement était jusque-là technique et non marketing/commercial.

Pour capter un auditoire seul derrière son ordinateur et sujet aux perturbations externes, les sessions de formation ou de sensibilisation digitales doivent être inventives. La période de confinement a été une parenthèse de test et chacun était bienveillant sur le contenu et sur la manière de le dispenser. À l’avenir, les organismes et organisations devront être plus professionnels. « Pour nos webinaires, nous avons fait le choix de faire appel à un électricien partenaire qui parlait à ses confrères de son métier au quotidien. Il a expliqué son expérience avec les produits et leur utilisation. Ce n’est pas à Schneider Electric de dire si les produits sont bons », ajoute Stéphane Droxler.

Mieux préparer les formateurs
Cette profusion de formations, sensibilisations et webinaires a amené de nombreux formateurs à dispenser leur savoir sans y être vraiment préparés. Un constat s’impose : les formateurs doivent être mieux formés aux outils technologiques et à la pédagogie à distance. Ce n’est déjà pas évident de transmettre son savoir en présentiel, cela devient beaucoup plus difficile de s’adapter quand le formateur ne voit pas les mimiques et réactions de l’auditoire. Seule la formation réellement utile, réellement opérationnelle, réellement de qualité s’imposera. Il y a un travail de fond à réaliser par chaque organisme de formation pour se réinterroger sur ses contenus et sa pédagogie.
Il est important de faire la distinction entre formation à distance et formation digitale. Rien n’empêche un formateur d’envoyer du matériel pour manipuler à distance. Les exercices peuvent se faire sur papier en travaillant à distance, un peu à l’image de l’enseignement du Cned.
Christophe Lavergne, dirigeant de Smart Building Experts, est certificateur KNX et prépare les intégrateurs à la certification. « J’avais déjà quelques sessions 100 % online pour former au protocole KNX. Avec la crise, j’ai créé de nouveaux modules, notamment pour la certification. Le maximum se fait à distance, mais il reste une journée en présentiel. Quand on se voit, même avec un masque, les questions viennent plus spontanément. Rien ne remplace d’avoir les produits sous la main et de voir comment ils réagissent. » Avec la reprise des chantiers, en effet, beaucoup d’installateurs préfèrent suivre, quand ils le peuvent, leurs sessions à distance et ne venir qu’une journée en présentiel. « J’ai effectivement des demandes pour un mix online et présentiel. Je prévois de travailler sur cette solution cet été. »

« Nous avons formé tous nos formateurs dans un cursus « animateurs classe virtuelle ». Nous les avons même certifiés animateurs classe virtuelle dans un centre de formation. Nous avons formé plus de 150 personnes en quelques semaines », précise Hervé jacques, Formapelec. Comme le magasin doit se réinventer et apporter une expérience différente pour exister par rapport à l’achat Internet, la formation en présentiel devra être distinctive pour revaloriser le présentiel face au distanciel.

Financement des formations
L’article L. 5122-2 du Code du travail permet aux salariés placés en activité partielle de bénéficier, pendant les heures où ils ne sont pas en activité, de l’ensemble des actions de formation mentionnées aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1, réalisées notamment dans le cadre du plan de développement des compétences (formations hors temps de travail). Les actions de formation suivies pendant les périodes d’activité partielle doivent concourir au développement des compétences. 

Les actions de formation suivie par les salariés en activité partielle peuvent être financées par l’État à hauteur de 100 % des coûts pédagogiques (sans plafond horaire), dans le cadre d’une convention conclue avec l’entreprise. Ce financement intervient au titre de l’aide à la formation du Fonds national de l’Emploi « FNE-Formation ». Lorsque le projet fait porter des coûts pédagogiques inférieurs à 1500 € TTC (ou net de TVA si l’organisme de formation est exonéré de TVA) par salarié, la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) valide automatiquement la demande. Au-delà de ce montant, le dossier doit faire l’objet d’une instruction plus détaillée, notamment sur la justification du coût horaire.

Les dossiers de demande de subvention FNE-Formation sont instruits par les Direccte. Toutes les actions relevant du champ de la formation au sens de l’article L.6313-1 du Code du travail sont visées, à l’exception des formations par apprentissage et des formations obligatoires.

En contrepartie des aides de l’État, l’employeur doit s’engager à maintenir dans l’emploi le salarié formé pendant toute la période de la convention. Le CSE doit en principe être consulté sur les projets de convention au titre du FNE-Formation. Enfin, le contrat de travail étant suspendu pendant la période d’activité partielle, l’employeur doit recueillir l’accord écrit du salarié pour le suivi de la formation.

Formations à distance pour les électriciens

FORMAPELEC

CONSUEL

ANITEC

N’oubliez pas de vérifier vos obligations et donc de suivre les formations obligatoires et continues des principaux organismes (Constructys, Aforp, Formapelec…). 

Filière 3e: