Début 2020, le monde découvre le Corona Virus et ce qui semble être une grosse grippe. Après une campagne sanitaire de recommandation des « gestes barrières » hygiéniques et de distanciation sociale, la décision d’un confinement au niveau national est annoncée au soir du lundi 16 mars 2020 par le Président de la République, Emmanuel Macron, lors d’une adresse à la nation. Il indique à plusieurs reprises que la France est en « guerre sanitaire » contre la Covid-19, alors que le pays au « stade 3 » des mesures sanitaires gouvernementales est en pleine expansion épidémique. La situation va durer 12 semaines. Pénurie de masque et de respirateurs. Les services de santé débordés dans certaines régions et la France à l’arrêt.
Les responsables de la filière électrique prennent la parole pour Electricien+
Et maintenant rebâtir !
par Jacques Chanut, Président de la Fédération française du Bâtiment FFB
Après la guerre contre la pandémie, nous entrons dans la reconstruction de l’économie. Certes, la crise sanitaire n’est pas terminée, mais aujourd’hui vient le temps des bâtisseurs ; bâtisseurs de croissance, de futur, d’espoir. Notre secteur, plus que tout autre, sait ce que cela représente.
Dans ce défi hors norme, les chefs d’entreprise sont en première ligne. Plus que jamais, ce sont eux qui, avec leurs équipes, vont remettre le pays en route, redonner un cap pour demain.
Il faut reprendre l’activité, mobiliser les salariés, trouver des marchés, contacter les clients, tenir l’entreprise, maintenir l’équilibre financier, chercher des solutions… C’est l’esprit d’entreprise, c’est notre métier de dirigeant. Mais ne sous-estimons pas les difficultés économiques qui sont devant nous. Elles sont très importantes ; et si l’implication personnelle, la volonté et bien sûr les mesures de relance sont indispensables, elles ne sauraient être suffisantes. Deux clés sont essentielles pour réussir.
Tout d’abord, la solidarité. Plus que jamais le collectif est indispensable pour traverser la crise. Parce que chacun peut avoir des moments de doute, parce qu’il y a nécessité de se serrer les coudes, parce que partager entre chefs d’entreprise les difficultés et les réussites est une source de progrès. C’est dans ces moments-là, tout particulièrement, que se manifeste pleinement le rôle d’une organisation professionnelle comme la FFB, en permettant de rompre l’isolement, de partager les bonnes pratiques et d’accompagner chaque adhérent. Mais solidarité également au sein de la filière, entre tous les acteurs, car nous avons destin lié. Échanger pour trouver les solutions ensemble, dans le respect de chacun.
La deuxième clé est la confiance ; on sait l’importance qu’elle revêt pour la santé de notre secteur. Nous pouvons tous agir pour développer cette confiance, auprès de nos salariés, de nos clients, mais aussi auprès de nos fournisseurs et partenaires. Nous avons cette responsabilité de chef d’entreprise de porter une forme d’assurance en l’avenir, de porter ces valeurs des bâtisseurs qui, à chaque fois, nous ont permis de repartir de l’avant. Cela implique de la part de chacun un travail de communication permanent, volontaire et positif.
Oui, il y a encore beaucoup d’incertitude. L’avenir n’est pas écrit, il ne se prédit pas, il se construit. L’envie, le dynamisme, la solidarité, la confiance sont les pierres de cette reconstruction.
A l’heure ou ce magazine est en écriture, Jacques Chanut était encore président de la FFB et a laissé sa place à Olivier SALLERON le 12 juin 2020. Smarthome Electricien+ n’a donc pas pu recueillir les propos du nouveau président.
Emmanuel Gravier, Délégué général de la FFIE
« Des chantiers et des projets vont être perdus par manque d’anticipation et un retard considérable à rattraper. »
Quel est votre sentiment sur la période écoulée ?
Comme la plupart des professionnels tous domaines confondus, les électriciens ont énormément souffert de la crise sanitaire actuelle, et notamment sur la partie bâtiment. La partie industrie a réussi à tenir malgré tout. Fort heureusement, les aides ont contribué au maintien et à la pérennité de la plupart de ces professionnels : prise en charge immédiate du chômage partiel, prêts bancaires plus rapidement et plus facilement accordés…
Baisse d’activité en chiffre avérée sur avril, mai et juin
L’activité du mois d’avril a connu une chute abyssale, car seulement 10 % de ce qui était prévu par rapport à un mois normal a pu être honoré. Les électriciens ont souffert, mais se sont adaptés. Maintenant, la grande interrogation est : quelle reprise aurons-nous pour les mois à venir ? À la FFIE, nous estimons une reprise allant jusqu’à 60 % de l’activité sur mai. Nous espérons que l’activité de juin aura atteint 90 %, mais avec des surcoûts et une baisse de productivité.
Malgré la faiblesse de l’activité, il n’y a pas de problème d’approvisionnement chez les distributeurs et les constructeurs qui ont bien géré leurs stocks et nous ont permis de continuer de travailler autant que faire se peut. Néanmoins, il y a des ruptures sur des éléments spécifiques tels que les éclairages qui viennent de Chine et les câbles qui viennent d’Espagne ou d’Italie.
Le message que nous passons à nos adhérents est qu’il faut tout mettre en œuvre pour reprendre de l’activité ; c’est nécessaire ; il est inconcevable de rester dans le confort relatif et virtuel des aides mises en place, car in fine des chantiers et des projets vont être perdus par manque d’anticipation et un retard considérable à rattraper.
Protections et consignes de sécurité
Le sujet portant sur les masques, les visières, les gels était central fin avril, cela ne l’a plus été mi-mai. Les professionnels ont fait le nécessaire et ont été très précautionneux pour anticiper la réouverture des chantiers.
En revanche, les transports en commun restent « le » point difficile sur le secteur parisien en raison de la densité des utilisateurs, leur proximité, certains sans masques et cela même avant le déconfinement.
À la FFIE, nous ne nous sommes pas arrêtés. Nous avons opté pour le télétravail. Les commissions et les bureaux ont été maintenus et réalisés en visioconférence. Nous avons, bien évidemment, annulé tous les événements physiques qui étaient prévus sur avril-mai-juin, et nous nous interrogeons sur la forme à prendre à partir de septembre.
Nous avons pu travailler sur tous les sujets qui structurent l’action de la FFIE. Le Lab était en « chantier » et sera livré au tout début de l’été. Nous prévoyons d’ores et déjà une inauguration début décembre. Nous avons veillé à être fidèles à notre leitmotiv : informer nos adhérents à propos du passage de l’installation à l’intégration, avec la présentation de conclusions fortes pour chacun de nos adhérents pour l’automne prochain.
Évolution du métier sur la partie intégration
Il s’agit également d’un message politique et stratégique vis-à-vis de la filière. Notre objectif est de tout mettre en œuvre pour que tous les adhérents s’en sortent en prenant en compte le financement, les EPI, la protection des collaborateurs sur les chantiers… et nous nous projetons sur le moyen terme avec le sujet de l’intégration.
Le vrai enjeu est de faire prendre conscience à chaque adhérent que son marché évolue et qu’il lui sera indispensable de se former et de monter en compétence pour évoluer avec lui. Et c’est en cela que le magazine Electricien+ est indispensable.
Christophe Bellanger, président de l’UNA Équipement électrique et électrodomotique de la Capeb
« En tant que chef d’entreprise et représentant des artisans électriciens à la Capeb, j’ai une bonne compréhension des attentes du métier. »
Comment avez-vous vécu la crise du Covid-19 et le confinement ?
Comme la plupart des entreprises, j’ai dû renvoyer tout le monde chez soi pour respecter les règles de confinement préconisées par le gouvernement. Les entreprises du bâtiment se sont arrêtées le temps que le guide de l’OPPBTP sur les recommandations sanitaires à mettre en œuvre soit publié. Je tiens à saluer l’implication de la CAPEB dans ce travail réalisé dans un contexte d’urgence sanitaire. Les retours du terrain montrent une baisse de 90 % des chantiers et 80 % de l’activité clientèle particuliers. La première raison est que nous n’avions pas le matériel de sécurité d’hygiène nécessaire (masque, gants…) pour nos collaborateurs. La seconde est que les clients ne souhaitaient pas que l’on soit chez eux pendant cette période si particulière.
Au 15 avril, nous avons repris, avec seulement 30 % de notre activité mais pas une seule demande de devis pendant la période du confinement.
Quelle a été la communication pendant le confinement ?
La CAPEB nationale, à travers le pôle économique, a mis en place une campagne de communication auprès de ses membres sur ce à quoi ils pouvaient prétendre : les aides, les PGE… et nous avons fait des visioconférences dans tous les départements avec certains adhérents pour prendre la température, trouver des solutions, recentrer leurs besoins et surtout, comment remettre en confiance le client final en le rassurant.
Dès le 2 avril, une fois que le guide de l’OPPBTP a été diffusé, nous avons créé un questionnaire à remplir avant chaque intervention afin d’informer et expliquer l’intervention en période de Covid. Nous avons également travaillé conjointement avec la FFIE et l’OPPBTP à créer quatre fiches spéciales électriciens pour sensibiliser le chef d’entreprise, les salariés et les clients sur les procédures de travail à appliquer : dépannages ou travaux urgents dans les logements, dépannages ou travaux urgents dans les parties communes ou le tertiaire ou l’industrie, travaux dans les logements et travaux dans les communs ou le tertiaire ou l’industrie. Ce travail, complémentaire des recommandations issues du guide de l’OPPBTP, a été réalisé avec l’Iris-ST à la suite des remontées terrain qui considéraient que les recommandations du guide OPPBTP n’étaient pas assez opérationnelles et pas suffisamment adaptées aux marchés des artisans du bâtiment.
Quel est votre regard sur l’évolution du marché après le confinement ?
Mon sentiment est mitigé. Je suis positif au vu des commandes enregistrées depuis la sortie du confinement, mais moins lorsque je sais que nous n’avons pas fait un seul devis pendant deux mois et que notre stock est épuisé. Actuellement, la machine repart trop tranquillement à mon sens. Au 1er juin, je n’avais pas récupéré 100 % de mes salariés. Il est nécessaire que le volume du carnet de commandes soit suffisant pour éponger ce retard et permettre un développement.
Comme je le disais auparavant, la majeure partie de la clientèle des artisans électriciens adhérents de la CAPEB est constituée de particuliers. Or, ces particuliers, qui ont constitué une épargne de précaution pendant ces deux mois de confinement et si on écoute les enquêtes, ne semblent pas prêts à utiliser cet argent pour faire des travaux par peur de l’avenir.
La deuxième source d’inquiétude est sur le plan financier. Les entreprises ont bénéficié d’aides pour passer le cap. Mais il faudra bien rembourser le prêt garanti. De même, nous estimons à 1 h 30 par jour la perte de temps, non facturée, pour l’application des mesures de protections et barrières pour nos salariés et nos clients.
Face à des clients surinformés et dans un contexte de plus en plus concurrentiel, être un technicien compétent ne suffit plus. L’artisan doit aller plus loin dans son approche commerciale et dans sa capacité à argumenter son offre.
Emmanuel FRANCOIS – Président de la Smart Buildings Alliance
« Le télétravail grandissant…, les immeubles monolithiques pour une seule entreprise ou seulement la fonction bureau n’existeront plus, c’est de la préhistoire. »
Comment la crise du Covid-19 a-t-elle impacté votre activité ou votre vie ?
Cette crise a mis en évidence certains dysfonctionnements des entreprises et notamment la fracture numérique ou l’hypercentralisation freinant l’agilité et la réactivité. Au-delà de cela, elle a permis de propulser certaines transitions, initiées auparavant, comme le télétravail, l’e-santé, l’e-commerce et l’enseignement à distance.
Cette adaptation nous a fait prendre conscience que certaines activités sont possibles, et parfois mieux faites à distance que localement, et de quelques bonus comme le gain de temps, plus d’efficacité et un impact environnemental positif certain, en raison de la consommation énergétique globale et de l’empreinte carbone qui ont baissé.
Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur le prolongement de cette tendance, car un retour en arrière est, selon moi, impossible, mais de manière plus « light » que pendant le confinement. Nous allons vers une « hybridation » de notre société, avec des activités déportées et d’autres physiquement réalisées.
Cette mutation doit être progressive et optimisée.
Adapter les espaces de travail aux nouvelles habitudes
Un changement d’état d’esprit à 180° est en train de s’opérer, concernant le télétravail. Avant, une entreprise ne pouvait pas refuser, pour certaines, jusqu’à 2 jours de télétravail par semaine alors que maintenant elles sont en mesure de l’imposer. Par conséquent, il faut repenser les espaces de travail, car aujourd’hui nous parlons de 15 % de télétravail, avec la volonté de monter jusqu’à 30 % dans un avenir proche.
De ce fait, il y aura une migration de la consommation avec la fin de ces fameuses villes dortoirs, peu humaines. Il faut repenser l’aménagement de ces villes, de ces villages et de ces quartiers, mais également repenser les plans de transport. La diminution de nos déplacements va avoir une conséquence sur les transports publics et sur l’industrie de la mobilité.
Exit les immeubles de bureaux monolithiques mono-entreprise
Le télétravail grandissant et s’imposant comme un réel changement, les immeubles monolithiques pour une seule entreprise ou seulement la fonction bureau n’existeront plus, c’est de la préhistoire. Dorénavant, les immeubles accueilleront plusieurs preneurs, entreprises, pour plusieurs usages, bureaux, logements, salle de sport, restaurants comme le projet Morlan et les Tours Duo.
Selon l’Arcep, d’ici 3 à 5 ans, 30 % de l’immobilier de l’Île-de-France devra se réinventer, et la migration s’opère déjà. À ce sujet, l’un des besoins qui vont s’imposer en termes de Smart Building concerne la gestion optimisée des espaces et le comptage des personnes.
Fracture numérique, comment s’améliorer
Le travail et l’enseignement posent deux sujets. Le premier est l’accès au numérique par une bonne infrastructure, un bon équipement et surtout le bon débit. Le second porte sur le déploiement numérique dans tous les bâtiments. Même s’il existe un plan numérique de déploiement de la fibre, qui avance bien avec l’objectif 2021, peut-être devrions-nous envisager dans certains cas un réseau hertzien, en 4G-5G qui serait plus rapide à mettre en œuvre et moins coûteux.
Pour mener à bien la rénovation énergétique, il faut à tout prix que la dimension numérique soit au cœur de chaque plan de rénovation et pas conjointement pour d’autres services, en s’appuyant dans le meilleur des cas sur le référentiel ou l’esprit Ready to Service (ouverture des données et interopérabilité).
Il faut également prévoir des espaces de travail partagéà proximité des résidences, dans un rayon de 400 m, voire 1 km au maximum, afin d’assurer le télétravail dans les meilleures conditions sociales, de connectivité et techniques.
Xavier ROSA – Président de la CSEEE
« Pour mesurer l’impact de nos actions, nous avons fait une grande campagne de phoning, où tous nos permanents ont appelé plus de 200 adhérents. »
Comment la crise du Covid-19 a-t-elle impacté l’activité de la CSEEE ?
Nous avions installé le système numérique peu de temps avant, ce qui nous a permis d’organiser l’équipe en télétravail et de mettre en place le SVP social à distance. Ce support aux adhérents a été fortement sollicité pendant cette période, car ils avaient besoin de clarifications sur les obligations et les contre-ordres quotidiens. La CSEEE faisait une synthèse des informations, puis communiquait chaque jour les résumés des décisions prises et accompagnait les adhérents sur la mise en place d’actions comme le chômage partiel, ainsi que les mesures sanitaires à appliquer pour ceux qui continuaient à travailler (interventions urgentes, dépannages) principalement.
Cette démarche nous a permis de montrer notre plein potentiel à nos adhérents, à des moments où ils avaient encore plus besoin de nous. Nous avons su répondre présent sur différents tableaux.
La deuxième phase a commencé lors de la parution du rapport de l’OPPBTP le 2 avril, où nous avons accompagné nos membres pour résoudre des problématiques très concrètes, telles que la mise en application des directives, la fourniture du matériel nécessaire (masque, gel, etc.). Nous avons organisé deux webinaires pour nos adhérents, avec l’OPPBTP, afin de les éclairer sur ces différents points.
Enfin, pour mesurer l’impact de nos actions, nous avons fait une grande campagne de phoning où tous nos permanents ont appelé la totalité des adhérents. Sur plus de 200, nous avons réussi à en avoir environ 150. L’objectif était d’échanger avec eux sur l’état financier de l’entreprise, leur santé personnelle, quel était leur ressenti. Nous voulions être en lien avec eux et créer de la valeur humaine.
Et maintenant, comment estimez-vous la reprise ?
Nous estimons une reprise à 80 % avec différents niveaux. C’est souvent lié à la composition de la clientèle et aux contacts et affaires engagés. Pour ceux dont la clientèle est peu variée et se situe dans des secteurs fortement impactés par le Covid, la reprise est difficile. Pour ceux qui ont juste subi une rupture dans une dynamique bien engagée avec un réservoir de clients, il a suffi de bien assimiler et appliquer les mesures OPPTBP pour repartir énergiquement. Cependant, les gros chantiers ont redémarré plus lentement à cause de la sécurité sanitaire : coactivité, mise en place de bases vie, transports en commun, prise en charge des surcoûts Covid…
Aujourd’hui, les entreprises ont besoin de travailler, donc elles prennent en charge le surcoût sanitaire. Mais nous leur avons recommandé de faire apparaître sur leurs devis une ligne « Covid » déterminée en pourcentage, avec, en amont, un estimatif par poste des surcoûts se référant aux grilles d’analyse de la FFB. Même si ce n’est pas accepté par le client, les arguments sont réels et cela fait une source de négociation et d’amorce du dialogue. Il faut veiller à ne pas fragiliser l’entreprise encore plus qu’elle ne l’est déjà avec cette charge supplémentaire, surtout que le programme PGE, censé les aider à surmonter cette mauvaise passe, n’est pas accessible à toutes les entreprises. Celles qui sont les plus fragiles en sont écartées.
Un autre frein est, selon moi, la conversion digitale et numérique ; il va y avoir une distinction entre les entreprises qui vont franchir le cap de la formation à distance, des outils numériques et celles qui préfèrent se replier sur leurs acquis, sur les valeurs qui les rassurent.
Qu’en est-il de l’emploi ?
C’est une certitude, beaucoup d’entreprises vont fermer leurs portes en septembre et en octobre en mettant beaucoup de gens sur le carreau. Les sociétés d’intérim peinent à placer leurs inscrits, car elles préfèrent reprendre leurs techniciens avant les intérimaires. Autre souci : l’apprentissage risque malheureusement de payer un lourd tribut. Même si l’État pousse et essaye d’aider pour que les entreprises prennent des apprentis, l’avenir est incertain. Par exemple, le CFA Delépine ne manque pas de jeunes apprentis, mais d’entreprises qui les recrutent. Nous allons nous appuyer sur le plan de soutien qui vient d’être mis en place pour convaincre les entreprises de ne pas relâcher l’effort de formation des jeunes, c’est indispensable.
Alexandra Del Medico, Secrétaire général et Thierry Grosdidier, responsable service technique – Qualifelec
« Le télétravail, à peine considéré auparavant et devenu incontournable, voire obligatoire dans certains cas, va amorcer une véritable transformation des habitudes et des environnements de travail : le “flex office”. »
Quelles sont les nouvelles méthodes post-/confinement que Qualifelec met en place pour continuer de qualifier ?
Déjà, nous avons dématérialisé une grande partie de nos dossiers, pendant le confinement. Nous avons continué à instruire et à mener à bien d’autres dossiers pour les finaliser et les présenter en comité. Nous nous sommes appuyés sur un nombre d’experts représentatifs de chaque région pour mener à bien cette démarche de dématérialisation.
Concernant les instructions en cours sur des sujets un peu spécifiques, notamment les pompes à chaleur et le photovoltaïque, nous n’avons pas de retard. Concernant les installations électriques au sens large, il faut savoir que 70 % des qualificateurs ont la compétence pour les instruire, ce qui nous a permis d’instruire et qualifier très rapidement.
Avec le confinement, les personnes étaient joignables et disponibles. La plupart de nos interlocuteurs ont eu le temps de rattraper leurs chiffrages (devis, facturation…) et une fois fait, ils se sont mobilisés pour finaliser leurs dossiers de qualification. Étant aussi plus disponibles, nous avons pu présenter les dossiers en comité beaucoup plus rapidement qu’en temps normal. À ce sujet, nous ne remercierons jamais assez les 3 collèges de qualificateurs que nous avons réunis pendant le confinement.
Aujourd’hui, il y a une incertitude liée au Covid, même si à nouveau 100 % des équipes sont mobilisées pour finaliser les chantiers qui ont été arrêtés et ceux dans les souffrances d’organisation et de trésorerie que nous connaissons. Nous risquons de subir une sorte de trou d’air à la rentrée en septembre, car beaucoup de projets stoppés redémarrent actuellement en prenant en compte les nouvelles préconisations de l’OPPBTP avec de surcroît un coût supplémentaire non envisagé. D’autre part, les chiffrages, qui ont été réalisés pendant le confinement, n’ont pas pris en compte les surcoûts du Covid-19. Ils doivent être analysés et validés avant de pouvoir être lancés. Les devis acceptés avant le confinement ne sont même pas sûrs de pouvoir être honorés pour des raisons de sécurité sanitaire, de coûts, ou tout simplement de volonté (changement de projet). Gageons que les annonces du président Emmanuel Macron, fortement orientées sur la rénovation énergétique des bâtiments, sauront donner à nos entreprises qualifiées des perspectives d’activité durable.
Ces nouvelles méthodes de travail que les entreprises vont appliquer ont-elles un impact sur vos qualifications ?
Oui, tout à fait. Nous n’avons pas attendu le Covid pour adapter nos qualifications. Nous avions déjà mis au point et sommes en train de développer des qualifications portant sur la qualité de la connexion et sur la sécurisation des réseaux. Deux axes que nous avons ancrés dans nos « qualifications courants faibles » pour le tertiaire, mais également pour le résidentiel.
Au-delà de ces paramètres, cela implique aussi un focus sur le réseau fibre, sur l’accessibilité à la fibre. Les offres dans la durée restent chères. On constate un retour à un réseau filaire de qualité dans le tertiaire, ce qui va convenir à nos électriciens.
Il faut aussi que les entreprises prennent en compte les moyens qu’elles devront mettre au service de leurs employés lorsqu’ils sont en télétravail : qualité du matériel, réseau, sécurité, infrastructure pour l’environnement de travail (bureau, équipements, etc.). Des opportunités vont survenir, avec plus de connectivité numérique et plus de points électriques.
L’électricien – un métier de plus en plus complet
L’électricien d’aujourd’hui doit pouvoir compléter son offre de service au-delà de ce qu’il a été mandaté de faire. Il doit avoir une sensibilité commerciale, la notion de service, de maintenance et de dépannage qui ne se limite pas à « lorsqu’on m’appelle, je viens ».
Nous faisons le constat que de plus en plus d’entrepreneurs et d’artisans souhaitent se
former aux nouvelles technologies domotiques, aux nouvelles normes dans le cas où le client leur demanderait d’installer du KNX ou du EnOcean. Nous nous devons de les accompagner dans une réflexion inverse : « Je sais faire cela, je vais pouvoir le proposer à mes clients, actuels ou futurs. »
La crise du Covid a-t-elle changé la façon de voir les constructions ?
Oui, nous nous posons de grandes interrogations sur les projets qui ne sont pas encore lancés. La définition de l’espace alloué à chaque salarié sera peut-être revue, compte tenu du télétravail. Avons-nous besoin d’autant de mètres carrés que nous avions prévus ?