Avec un peu plus de 18 000 hôtels, la France propose une capacité d’hébergement importante et qui évolue sans cesse dans un contexte concurrentiel, avec un souci d’efficacité opérationnelle et énergétique de plus en plus prégnant. Les offres pour y répondre sont au rendez-vous, mixant digital et technologie et intégrant objets connectés, GTB et régulations aux systèmes hôteliers traditionnels.
« Selon la définition stricto sensu, il s’agit de mettre à profit l’Internet des objets pour offrir une meilleure expérience de séjour aux clients de l’hôtel. Mais un Smart Hotel doit couvrir un spectre beaucoup plus large. Pour le client, il s’agit de vivre une expérience “sans couture” depuis le moment où la réservation de la chambre est confirmée jusqu’au moment où le client quitte l’hôtel. Cela inclut – mais n’est pas limité à – un guidage vers l’hôtel, puis vers la chambre, l’accès à la chambre sans avoir besoin de s’enregistrer, la configuration des conditions de confort de la chambre en fonction des préférences enregistrées dans le PMS ou Property Management System (notamment température, niveau de lumière, chaînes de TV disponibles, langue des interfaces), la possibilité d’accéder aux différents services offerts par l’établissement de manière uniforme, quelle que soit l’heure de la journée et sans attendre, ainsi que la notification de tout événement se déroulant à proximité, compatible avec le profil du client tel qu’enregistré dans la base des clients de l’hôtel », explique Joël Désiré, chef de produits Solutions de bâtiment connecté de Distech Controls.
Côté services, un client passe en moyenne 30 % de son temps de séjour dans l’établissement et un des objectifs est de le garder au maximum au sein de l’hôtel et de s’adapter à ses besoins, avec des espaces de coworking, fitness, spa et restauration facilement accessibles et réservables, ajoute Alexandre Laidet, responsable Segment Hôtelier pour Schneider Electric.
Le Smart Hotel s’appuie nécessairement sur des applications communicantes
« Il est nécessaire d’adapter les bâtiments et de le faire en rapport avec les logiciels d’exploitation qui y sont existants – le PMS, notamment, pour la réservation –, mais aussi pour la gestion des réclamations, ou bien encore pour la maintenance et les services comme la gestion du nettoyage », explique Steve Mounkala, responsable Marché Hôtellerie pour Siemens Smart Infrastructure France. Pour cela, l’usage de protocoles ouverts, d’interfaces API standards, mais aussi la possibilité de créer des interfaces utilisateurs uniformes et homogènes pour l’exploitant de l’hôtel sont les points clés pour bâtir la solution Smart Hotel.
Gérer sa Smart Chambre en toute simplicité, du bout des doigts… ou à la voix
« De la réservation au check-out, le confort mais aussi la personnalisation et les services possibles pour les clients sont au cœur de toutes les attentions. L’ajout d’un dispositif contrôleur par chambre permet de gérer tous les scénarios de confort local en prenant en compte éventuellement les préférences enregistrées de l’occupant », explique Alexandre Laidet, de Schneider Electric. Le contrôleur HRC (Hotel Room Controller) installé dans chaque chambre peut gérer les circuits d’éclairage multiples, les rideaux, les indicateurs « Do not disturb » et « Make up Room » en liaison avec la gestion des équipes de ménage. Un dispositif qui peut être intégré au système audio-vidéo pour que les clients puissent contrôler par la voix ou via une tablette, voire avec leur propre téléphone.
Chez Schneider Electric, chaque contrôleur échange ensuite avec la plateforme EcoStruxure Guest Room Expert pour donner une visibilité et un contrôle global et centralisé des chambres. Des systèmes externes peuvent y être aussi connectés comme le PMS, la gestion de sécurité ou de verrouillage des portes, la GTB, et donner ainsi une vision globale des conditions des chambres. Et organiser sur événement particulier ou alarme des tâches de maintenance proactive ou bien encore optimiser et améliorer l’efficacité opérationnelle des équipes de ménage.
Suivant la qualité de l’entrant dans la chambre, client ou bien personnel d’entretien, des scénarios différents peuvent être activés. Ainsi, dès que le service de ménage entre dans la chambre, on passe en full light, cela permet d’accompagner et de vérifier la chambre. De même, un scénario de bienvenue avec mise en confort dès l’arrivée de l’occupant est possible, et les scénarios sont multiples car chaque enseigne a ses besoins et l’offre doit être adaptée en conséquence, explique l’expert de Schneider Electric.
Distech Controls et Siemens proposent également chacun des tablettes intuitives s’intégrant dans des solutions complètes permettant ainsi à l’occupant de la chambre d’interagir avec son environnement – éclairage, chauffage, signaler son départ… –, les clients pouvant éventuellement installer des applications mobiles sur leur smartphone.
Pour Joël Désiré, de Distech Controls, « les composants technologiques de l’application mobile my PERSONIFY – que ce soit avec la possibilité d’embarquer les fonctions de confort existantes dans une application mobile tierce ou encore de développer ses propres fonctionnalités dans une application dédiée – offrent une flexibilité inégalée aux exploitants, que ce soit des “boutiques hôtels” ou des chaînes hôtelières, leur permettant d’augmenter la valeur perçue de leur application mobile, et par ricochet, le taux de fidélité de leurs clients ».
Collecter des données pour améliorer aussi la gestion des énergies
« Il est important aussi de permettre au gestionnaire d’avoir une visibilité complète sur ses consommations d’énergie. Les comptages sont donc clés, et ceci passe indéniablement par une collecte de données efficientes à tous les niveaux », explique Benjamin Colboc, directeur de la société Green Systèmes, éditeur de solutions de gestion des consommations énergétiques.
La collecte peut s’effectuer en temps réel et cela passe alors par l’ajout de capteurs, quand ils sont inexistants dans l’hôtel, d’une passerelle multi-protocole de connexion aux différents matériels de l’hôtel (GTB, IoT, compteurs, notamment) et d’un logiciel de pilotage des consommations. « Avec le décret tertiaire, les hôtels vont devoir justifier de leurs consommations d’énergie et surtout réaliser, en premier lieu, 40 % d’économie d’énergie d’ici à 2030. Ce passage s’accompagnera nécessairement par une supervision des consommations », poursuit l’expert de Green Systèmes.
Pour Joël Désiré, de Distech Controls, la collecte des données de terrain est simplifiée grâce à la connectivité sécurisée vers les systèmes IT, localement grâce au RESTful API ou au cloud, proposée en standard sur le contrôleur Eclypse Distech Controls, ce qui permet ensuite de relier la GTB (capteurs et actionneurs) aux solutions verticales développées spécifiquement pour les hôtels proposés par les Entreprises de Services Numériques (ESN) en utilisant des interfaces IT standardisées.
En rénovation, le Smart Hotel prend forme étape après étape
« Toutes les catégories d’établissements se modernisent, et tous ont la nécessité d’améliorer la rentabilité et de suivre et améliorer la performance globale de l’hôtel. Utiliser le digital pour mettre la chambre en confort ou en pré-confort juste avant l’arrivée de l’occupant, mais aussi ouvrir avec une clé numérique et simplifier les interactions avec la réception sont les points qui reviennent le plus souvent. Pour les palaces, l’usage du digital est un peu plus discret, car la relation au personnel est clé », explique Steve Mounkala, de Siemens.
Basé sur sa plateforme d’hypervision Desigo CC, Siemens décline une « version verticalisée hôtel » qui propose ainsi une offre adaptable à des contextes hôteliers différents, et qui partage notamment les informations utiles avec le système de réservation de l’hôtel pour piloter les installations et gérer les indicateurs clés de l’hôtel.
Et en rénovation, le plus simple est de procéder par étapes, soit en suivant les évolutions de la GTB en place quand celle-ci est présente, soit en mettant une priorité sur tout ce qui touche au confort de la chambre. Le travail est parfois complexifié par la nécessité de conserver l’hôtel ouvert, d’assurer une continuité de services avec des contraintes physiques, par exemple par étage, et en travaillant en parallèle avec le matériel existant, ajoute l’expert de Siemens.
En ce cas, des protocoles ouverts et sans fil comme ZigBee sont bien adaptés car, par exemple, il est aisément possible d’ajouter des capteurs sans fil sur les fenêtres pour, si nécessaire, couper la ventilation en cas d’ouverture, illustre encore Alexandre Laidet, de Schneider Electric.
Outils et services innovants sont bien au rendez-vous
Pour l’hôtelier, il s’agit d’allier un taux de satisfaction client élevé – la fidélisation étant un point crucial de la rentabilité des hôtels – à un OPEX optimum, qu’il s’agisse de la consommation de ressources (énergie, eau…) ou de la bonne utilisation du personnel. Pour l’exemple, l’usage de technologies telles que le geofencing, qui permet d’envoyer des messages ou notifications push aux utilisateurs lors de leur entrée ou départ d’une zone géographique donnée, offre la possibilité de gérer des événements comme un « happy hour » au spa en liaison avec l’agenda des réservations pour éviter les périodes de sous-capacité, illustre l’expert de Distech.
Et cela dans un contexte de marché en effervescence, d’une part avec les JO 2024 et la Coupe du monde de rugby 2023, et d’autre part avec un parc quelque peu vieillissant, il n’y a pas de place pour l’à-peu-près dans un objectif de confort étendu pour le client et d’efficacité énergétique. L’usage de solutions adaptées au contexte hôtelier, mais aussi ouvertes et flexibles, est une des clés du succès pour le décisionnaire. Avec toujours comme objectif global que « c’est le Smart Hotel qui va s’adapter au client et non l’inverse », conclut Alexandre Laidet.
Jean-François Moreau
Smart Hotel, peut-on faire une place au soleil aux ENR ?
Pour aller au-delà des objectifs de confort et de l’efficacité énergétique, pourquoi pas des projets d’autoconsommation pour les hôtels ? « Mais pour mettre en place une autoconsommation optimale, au-delà de couvrir le talon de consommation, il est nécessaire au préalable d’une part de maîtriser parfaitement les consommations de l’établissement hôtelier, en fonction des usages, et d’autre part de connaître le gisement solaire de son hôtel ou ses parcs d’hôtels en toitures ou bien en ombrières », explique Benjamin Colboc, de Green Systèmes. Green Systèmes a conclu un partenariat avec la société Cythelia (qui fait, elle aussi, partie du Groupe Trace) qui apporte son expertise sur l’établissement du gisement solaire, mais aussi dans l’analyse temps réel de production PV et la prévision de production. Côté consommation, avec un algorithme de prédiction de consommation qui se base sur les historiques de consommation, il est possible de maximiser le taux d’autoconsommation, de décaler et arbitrer sur certains usages, bornes de recharge, stockage thermique avec les cumulus électriques par exemple, explique l’expert.
Exploiter le capital soleil ? Le solaire thermique peut être aussi un investissement rentable pouvant couvrir de 40 à 70 % des besoins d’eau chaude, en toute indépendance également par rapport aux fluctuations du prix de l’énergie. Qui plus est, la fréquentation estivale est corrélée avec la productivité maximale des capteurs solaires et peut s’appuyer aujourd’hui sur des solutions fiables et une filière structurée. Enfin, des aides sont possibles en soutien du projet.
AVIS D’EXPERT
Les palaces passent au smart pour toujours plus de confort
Yann Plévin, ABB
« Une “smart rénovation” se doit d’être aussi discrète que complète, avec une revue totale de l’esthétique de la chambre, intégrant des interfaces tactiles adaptées pour une expérience client unique et une personnalisation poussée pour toujours plus de confort. L’accueil de chaque client prend en compte aussi bien sa langue et son pays, une température préconfigurée selon ses habitudes, ses préférences audio et vidéo, jusqu’à l’accès à sa série TV du moment ! Le must est de lui suggérer du contenu qui l’intéresserait ou encore de lui communiquer des messages personnalisés en fonction de son profil afin de lui indiquer les activités possibles à pratiquer au sein de l’hôtel », explique Yann Plévin, responsable marketing Smart Building pour ABB France.
Pour Frédéric Dubal, directeur commercial du Groupe Prestige, distributeur de solutions haut de gamme pour le résidentiel et l’hôtellerie de luxe, « cette valorisation digitale s’appuie sur la convergence des solutions domotiques ainsi que la remontée des données du système PMS du palace et tous les systèmes tiers tels que la réservation des spas ou autres services ». On passe dans une logique extrêmement poussée de gestion des chambres avec des couches de sécurité ad hoc pour les accès distants, ainsi que des services qui permettent de simplifier l’assistance et la maintenance technique.
Enfin, certains hôtels peuvent proposer un prix remisé de la chambre en fonction du comportement écologique et responsable de l’usager, en se basant par exemple sur une analyse de la consommation énergétique et des déchets lors de son séjour. D’autres hôtels s’engagent sur le confort des occupants avec un suivi de la qualité de l’air intérieur (QAI) dans les chambres basé sur un dispositif de ventilation et de surveillance de la QAI qui affiche les critères de performances.
Investir dans les ENR est aussi un élément de différenciation pour le Smart Hotel
Dans un contexte concurrentiel important, se différencier et valoriser une démarche vertueuse et anti-gaspillage est un choix stratégique de certains responsables hôteliers, car les clients sont de plus en plus sensibles aux démarches environnementales, près de 50 % des particuliers prennent en compte la certification environnementale dans leur choix d’hébergement touristique. Cela se décline par exemple dans les propres gestes des clients au sein de l’établissement, et ce notamment au niveau du traitement du linge puisque celui-ci représente près de 10 millions de m3 d’eau et environ 10 à 15 % des consommations d’eau de l’hôtel (source UMIH). Certains établissements l’ont bien compris et mettent en place les démarches d’affichage environnemental ou vont plus loin encore lorsqu’ils s’engagent avec l’Ecolabel Européen, notamment à limiter la consommation d’énergie et à utiliser au moins 50 % d’électricité renouvelable, mais aussi à limiter la consommation d’eau. Avec des résultats puisque dès la première année, il a été constaté jusqu’à 30 % de réduction des consommations d’eau, d’énergie, et de déchets dès la première année de certification (source Ademe 2016). « Tout cela n’est possible qu’avec un état des lieux précis des consommations, permettant d’identifier ensuite les pertes et gaspillages en eau, énergie et déchets, et définir les indicateurs eau, énergie et déchets pour évaluer les économies financières résultantes », précise l’expert de Green Systèmes.