Avec le développement des énergies renouvelables électriques, notamment l’éolien et le photovoltaïque, la question de la qualité de l’énergie et de l’équilibrage des réseaux se pose. Chauvin Arnoux Energy, filiale du groupe Chauvin Arnoux, est spécialisé dans les équipements de mesure pour applications critiques. Patricia Rouquette nous explique les nouvelles contraintes auxquelles le réseau devra faire face.
Quels sont les impacts du développement des énergies renouvelables sur les réseaux électriques ?
Patricia Rouquette – Le réseau électrique nécessite un ajustement constant entre la production et la consommation d’électricité, du fait de l’insuffisance de capacités de stockage viables d’un point de vue technico-économique.. L’intégration de sources de production intermittentes comme l’éolien et le photovoltaïque crée un déséquilibre. En particulier, l’intermittence à très court terme de la production photovoltaïque complexifie la prévision précise de la production à tout moment. La décentralisation et l’interruptibilité de ces sources rendent l’intégration d’intelligence dans les réseaux électriques incontournable, afin de garantir la maîtrise des flux d’énergie. De plus, l’implantation de nouvelles sources décentralisées implique une complexité accrue pour les gestionnaires de réseaux électriques, du fait du plus grand nombre d’équipements raccordés et d’acteurs du réseau. Enfin, si la production dépasse la consommation, des nœuds de congestion intermittents peuvent apparaître, nécessitant une intervention coûteuse sur le réseau.
Comment ces sources peuvent-elles polluer le réseau ?
Patricia Rouquette – La tension de sortie du dispositif de production n’étant pas compatible directement avec le réseau, une adaptation doit être effectuée. Pour cela, on l’équipe de dispositifs d’électronique de puissance (onduleurs) qui formatent le signal, mais de manière imparfaite. Le traitement du signal laisse des traces dites « tensions harmoniques », qui peuvent créer des échauffements et altérer l’infrastructure du réseau. Les variations de tension sont également possibles. Si le niveau de tension augmente, cela peut entraîner la perturbation ou la dégradation de certains matériels de l’infrastructure du réseau, comme les câbles ou les transformateurs. Si le niveau de tension est trop bas, certains équipements cessent de fonctionner ou fonctionnent en mode dégradé, dont les datacenters, les process chimiques ou les réseaux ferrés. Enfin, une autre source de perturbation possible est liée aux variations de fréquence sur le réseau : si la consommation est inférieure à la production, la fréquence augmente, et inversement dans le cas contraire. Ces décalages de fréquence peuvent notamment dérégler les horloges synchronisées au réseau ou créer un découplage des générateurs.
« L’intégration de nouvelles sources intermittentes nécessite une gestion plus intelligente du réseau électrique »
Quelles sont les conséquences de ces mauvaises qualités d’énergie sur le réseau et comment s’en prémunir ?
Patricia Rouquette – Injecter une énergie de mauvaise qualité dans le réseau peut en endommager l’infrastructure et altérer le fonctionnement des équipements. On estime le coût annuel de la non-qualité sur les réseaux européens à près de 150 milliards d’euros. Deux méthodes permettent de s’en prémunir : renforcer la robustesse des équipements sensibles et agir directement sur les infrastructures du réseau et de production d’électricité. La connexion au réseau à l’aide de convertisseurs statiques contribue au réglage du facteur de puissance, et l’installation de dispositifs de filtrage actif ou passif limite l’introduction d’harmoniques. Des qualimètres contrôlent les paramètres de l’énergie électrique au point de raccordement et vérifient le respect des limites. Si l’énergie délivrée n’est pas conforme, les gestionnaires peuvent interrompre l’injection d’une installation de production pour protéger les autres clients du réseau. Aujourd’hui, la connaissance de ces phénomènes et les solutions pour y remédier garantissent l’introduction des énergies renouvelables dans de bonnes conditions.
Propos recueillis par Alexandre Arène