Respirer, c’est si naturel qu’on en oublie la qualité de l’air inspiré. Un sujet pourtant sensible, avec un coût social annuel de près de 19 milliards d’euros. Dans les espaces tertiaires, ERP ou non, la qualité de l’air intérieur (QAI) est-elle prise à sa juste mesure, tant pour la santé des occupants que pour la valeur et la durabilité du bâtiment ? Y a-t-il des solutions adaptées ?
Quels polluants sont primordiaux en tertiaire ?
« Le CO2 est l’indice premier du confinement de l’air, car il est directement lié à l’occupation humaine. L’humidité est liée à l’environnement extérieur et à la présence humaine. Ils ont tous deux un effet direct sur les occupants et le bâti. Le CO2 impacte la concentration et la productivité des occupants. Un taux d’humidité trop élevé génère inconfort et nuit à la santé des occupants et du bâti en favorisant les développements de moisissures et bactéries », introduit Mathieu Poirier, responsable produits pour Lindab France.
Viennent ensuite les particules fines (PM), issues de la pollution extérieure principalement, et les composés organiques volatils (COV). Leurs effets négatifs sont ressentis à court terme – allergies, asthme… –, mais aussi à long terme – cancer, maladie cardio-respiratoire, notamment.
Deux COV sont particulièrement dangereux : le benzène (provenant de l’extérieur) et le formaldéhyde (matériaux de construction, décoration et produits d’entretien). « C’est pourquoi le dispositif de surveillance de QAI, qui a commencé à s’appliquer en 2018 dans les crèches et les écoles élémentaires, ainsi que l’ANSES, mettent en exergue ces deux composants avec des valeurs guides. Ce dispositif s’étend au 1er janvier 2020 aux lycées et collèges », explique Yves Bazin, responsable marketing tertiaire d’Aldes.
Une bonne QAI en bureaux en ERP rime donc avec confort et productivité. Ont été mesurées des baisses importantes, jusqu’à − 21 %, sur les performances cognitives des employés en cas d’augmentation de la concentration de CO2 de + 400 ppm, et jusqu’à – 13 % de performance cognitive en cas d’augmentation de COV totaux de + 500 µg/m3 (2015, Étude Harvard University)
La norme NF ISO 16890 propose un nouveau classement des filtres selon leur efficacité face à 3 tailles de particules fines (PM10, PM2,5, PM1).
Ci-dessous, le tableau des équivalences avec l’ancienne norme.
Cette nouvelle norme est applicable depuis juillet 2018.
Des solutions qui ne manquent pas d’air !
« Une bonne qualité d’air intérieur passe généralement par des augmentations du renouvellement d’air. Néanmoins, ces augmentations ne sont pas nécessaires en permanence, la détection des besoins et une modulation des débits s’avèrent être une nécessité afin de respecter les critères de performances énergétiques des bâtiments », explique Mathieu Poirier, de Lindab France.
Aujourd’hui, la modulation des débits d’air est une réalité, qu’elle soit asservie par des sondes de CO2 ou des détecteurs de présence, et l’on constate une demande croissante sur les régulateurs VAV qui combinent le mieux confort intérieur et économie d’énergie, et permettent d’allier une bonne QAI et une efficacité énergétique, surtout si ces régulateurs sont couplés à une ventilation double flux. « Les régulateurs VAV de dernière génération Lindab UltraLink sont sans croix de mesure et fonctionnent aux ultrasons. Ils permettent de réduire notablement les pertes de charge mais aussi l’entretien du système de ventilation », poursuit l’expert.
Céline Desportes, responsable marketing du marché tertiaire pour France Air, explique : « L’important est d’apporter des solutions pour concilier bonne QAI et performance énergétique, tout en garantissant un haut niveau de confort pour l’occupant. Les centrales double flux avec filtration haute efficacité et régulées sur sondes locales de QAI (COV, humidité, et CO2), pour ajuster le débit d’air ventilé en conséquence, sont de plus en plus recherchées. Pour 2020, nous travaillons sur des optimisations majeures, comme différents étages de filtration ou des sondes de QAI combinant plusieurs paramètres. Pour concilier la performance énergétique, nous étudions aussi des solutions de ventilation couplées avec du photovoltaïque, avec autoconsommation. »
Aldes peaufine également ses gammes, tant pour le logement que le tertiaire, avec des solutions de modulation simple ou double flux, mais aussi des systèmes décentralisés très bien adaptés au marché de la rénovation des environnements scolaires. « En rénovation dans les écoles, le plus pratique, ce sont les solutions décentralisées installées classe par classe. Si la hauteur sous plafond le permet, elles peuvent être en montage en façade (mural) avec des piquages horizontaux, ou bien encore semi-encastré dans un faux plafond (avec piquages verticaux), avec une régulation sur sonde CO2 et possibilité de gestion à distance par une GTC », explique Yves Bazin, d’Aldes.
Le référent QAI, pour bien cadrer le projet
La QAI, ce sont plusieurs polluants et risques, et des solutions plurielles. Le référent QAI peut recommander en amont des projets les solutions adaptées, mais aussi pendant l’exploitation des bâtiments, indiquer les bonnes pratiques, les réglages à effectuer sur les différents locaux du parc, introduit l’expert de Lindab.
« Le référent QAI apporte une contribue significative sur de nouveaux projets en conception : choix de la technologie, des filtres, des niveaux de débit, de la localisation des entrées d’air de la centrale, des matériaux (sol faiblement émetteur, isolant de qualité, peinture pouvant annihiler le formaldéhyde, etc.). Il contribue aussi à contrebalancer une vision purement court terme cherchant à minimiser le coût d’investissement, ce qui peut nuire à la mise en place des meilleures solutions pour le bien-être, la santé et donc la performance des occupants, qui créeront la réelle valeur économique dans le temps pour ce bâtiment. Pour les bâtiments existants, le référent aura des leviers plus limités mais peut quand même contribuer à l’amélioration de la situation, car on sait que le parc est très dégradé par manque d’équipement, mais aussi du fait d’installations défaillantes ou d’absence d’entretien », précise Yves Bazin, d’Aldes. Pour illustrer, 30 % des bureaux ont une valeur mesurée de benzène supérieure à la valeur guide de l’ANSES (2018).
Ouvrir les fenêtres, c’est insuffisant
La ventilation naturelle a ses limites, la mise en place d’une ventilation mécanique permet d’améliorer la QAI de manière flagrante, et ce, tout au long de l’année et indépendamment des conditions climatiques, introduit Mathieu Poirier.
« L’ouverture des fenêtres n’est souvent pas suffisante pour abaisser le taux de CO2 ou de COV dans une pièce, à moins de le faire de manière très prolongée, et dans ce cas, c’est une source énorme de déperdition énergétique et d’inconfort thermique pour les occupants, et qui plus est, introduit de la pollution extérieure sans filtration, ainsi que le bruit en milieu urbain », ajoute Yves Bazin, d’Aldes.
Vers des systèmes de ventilation de plus en plus performants
Bien sûr, les réglementations françaises – future RE – et européennes – future écoconception – vont demander aux industriels d’abaisser encore les consommations énergétiques. Cela va se jouer sur la conception physique de la machine, mais aussi sur des éléments clés tels que le moteur, la roue, les filtres, etc. Est étudié de près comment optimiser tous ces points, souligne Yves Bazin.
« La consommation propre de l’auxiliaire est à prendre en compte, mais aussi les pertes liées aux déperditions. Tout dépend de l’application et des conditions intérieures souhaitées. Dans certains cas, une ventilation simple flux est plus économe, dans d’autres, un système double flux est obligatoire. Les nouvelles motorisations EC ont permis de réaliser de grandes économies d’énergie au niveau des auxiliaires. Dans les locaux, la modulation des débits avec des systèmes VAV asservis à des sondes de CO2 ou des détecteurs de présences limite les consommations en cas d’inoccupation. Cette modulation par local devient maintenant quasi systématique dans tous les systèmes double flux, notamment sur les gros dossiers tertiaires », ajoute Mathieu Poirier, de Lindab.
Enfin, pour Céline Desportes, les systèmes double flux ont plusieurs avantages :
– Garantir une bonne qualité d’air intérieur avec la possibilité de filtrer plus ou moins finement l’air extérieur.
– Offrir un confort thermique grâce à la récupération des calories sur l’air extrait pour préchauffer ou pré-refroidir l’air entrant.
– Préserver un niveau acoustique des plus faible, avec la diminution de l’impact du bruit extérieur.
– Ajouter un système de modulation des débits pour maximiser les économies d’énergie.
Les clés d’une installation de ventilation performante
« Deux points sont fondamentaux : le contrôle à réception de l’installation, puis ensuite, faire en sorte que la maintenance soit irréprochable », introduit Céline Desportes, de France Air.
Notamment avec des opérations de vérifications régulières de nettoyage des bouches, le changement des filtres, la vérification des débits/pression au niveau des auxiliaires, le nettoyage des réseaux, en particulier la prise d’air neuf.
« Il n’est pas rare de voir des CTA mal installées, mal raccordées, mal paramétrées. C’est pourquoi nous proposons à nos clients des offres de mise en service. Il faut veiller également à la bonne installation du réseau et des terminaux de diffusion d’air, ainsi que leur réglage. Ensuite, on peut vérifier que les débits visés sont bien atteints et mesurer les taux de polluants clés comme le CO2, si on dispose de capteurs dans les pièces », ajoute Yves Bazin, d’Aldes.
Jean-François Moreau
Pour approfondir le sujet :
Auprès de l’Alliance HQE :
Guide pratique pour favoriser les mesures des bâtiments neufs ou rénovés à réception
Protocoles de mesures QAI des bâtiments neufs ou rénovés à réception puis en exploitation
Auprès des fabricants :
France Air – Guide de conception des bâtiments tertiaires présentant des solutions concrètes par typologie de bâtiments
Aldes – « 5 marques expertes s’engagent sur le confort des enfants »
Uniclima – « Tous acteurs de la Qualité de l’Air dans le bâtiment »
Le radon, un risque à ne pas sous-estimer
Triste bilan officiel : 3 à 5 000 morts par an dues au cancer du poumon seraient liées à l’exposition au radon en France ! C’est le second facteur de risque après le tabac, selon l’OMS et l’IRSN.
« Dans un premier temps, il est primordial en phase d’étude d’effectuer un dépistage du radon. C’est une disposition obligatoire pour les écoles, hôpitaux, pourquoi ne pas le faire partout ? », souligne Mathieu Poirier, de Lindab. Si la présence de radon est avérée, il est nécessaire de traiter le bâti en isolant totalement le sol du bâtiment, puis en réalisant une bonne ventilation du vide sanitaire. Si toutefois du radon est encore détecté dans le bâtiment, on peut alors mettre un système de ventilation en surpression afin d’éviter l’entrée d’air non traitée/contrôlée dans le bâtiment, poursuit-il.
« Il est ainsi possible d’opter pour une ventilation simple flux par insufflation ou une ventilation double flux en déséquilibre ou en surpression », ajoute Céline Desportes.
Vélizy-Villacoublay, une expérimentation en école qui… ne manque pas d’air – Olivier Turc, directeur de l’innovation au sein d’Engie Solutions
Un volet QAI au sein d’un CPE global conclu par la ville
L’expérimentation de mesures et d’amélioration de la QAI au sein de l’école maternelle Exelmans, de Vélizy, débutera début 2020. « Cette opération s’inscrit dans un contexte global plus large de contrat de performance énergétique (CPE) entre la ville de Vélizy et Engie Solutions », introduit Olivier Turc. L’expérimentation est supportée majoritairement par Engie Solutions avec l’aide de la région Île-de-France, qui soutient les solutions innovantes pour purifier l’air des bâtiments publics comme les écoles et les crèches, par exemple. « Sont mesurées en intérieur et en extérieur les teneurs en PM (2,5 et 10) et la concentration en NO2 (dioxyde d’azote). Pour l’intérieur, s’ajoutent des mesures de COV et d’ozone (O3) dans l’espace semi-ouvert de la cour. Une supervision sera mise en place afin de faire remonter les données de mesures dans une plateforme digitale accessible au responsable technique de la ville », précise l’expert.
Mais le projet sera également présenté en détail aux encadrants, aux parents et aux enfants début 2020, et il sera décidé à ce moment-là des modalités et fréquences d’accès aux mesures.
Mesurer et remédier en espace ouvert ou semi-ouvert
Un procédé de purification innovant est mis en place, basé sur un procédé de lavage de l’air par échange avec une solution saline. « C’est un système adaptable aux espaces clos et ouverts, et qui couvre jusqu’à environ 4 000 Nm3 d’air traités par heure. Son déploiement dans un établissement recevant du public est une première en France », détaille Olivier Turc.
Le dispositif piège plusieurs polluants : particules fines (PM) et COV, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), monoxyde de carbone (CO), dioxyde de carbone (CO2), ozone (O3), oxydes d’azote (NOx), mais aussi les pollens.
« L’expérimentation doit confirmer les performances des dispositifs grâce à des systèmes de mesure indépendants, et progresser sur la répartition spatiale de ce type de dispositifs pour en limiter la quantité en environnement urbain dense. » Déjà expérimenté en Italie, en intérieur, hall d’aéroport et centre commercial, son efficacité a démontré une réduction des concentrations en PM (jusqu’à − 65 % pour les PM10), et près de − 30 % pour les PM2,5 et COV totaux. En extérieur – cour d’école, rue saturée… –, des taux d’abattement ont été évalués pour les PM10 (− 30 %), les NOx (− 20 à − 62 %), le CO (− 8 à − 39 %) et les SOx (− 7 à − 24 %), ajoute l’expert.
Jean-François Moreau