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Florent Dubois: “Nous sommes prêts à accueillir la RE2020”

Les simulations de la future réglementation RE2020 ont été lancées par le Gouvernement. Comment avez-vous accueilli les premières annonces ?  

Les annonces qui ont été faites autour de la RE 2020 ont réorienté de façon assez forte les sujets du carbone et de l’énergie. L’introduction du critère carbone est une réelle opportunité de se concentrer sur ce qui compte vraiment dans le bâtiment pour atteindre la neutralité carbone. Il s’agit d’un critère déterminant qui doit être réglementé pour créer un langage commun et dépasser certaines idées reçues qui pouvaient subsister sur les matériaux.

Nous attendons beaucoup de la concertation qui s’ouvrira au printemps notamment en ce qui concerne les tests réalisés pour définir clairement cet indicateur carbone. La prise en compte du stockage carbone plus ou moins à long terme peut impacter significativement la performance carbone du bâtiment.

 

La prise en compte de la dimension carbone du bâtiment conduit les professionnels à repenser leurs façons de concevoir. Qu’en est-il chez LafargeHolcim ?

Plus de 55% de notre budget en recherche et développement est consacré aux solutions bas carbone au niveau du groupe LafargeHolcim. La performance énergétique, toujours présente dans les évolutions de la réglementation, reste un de nos axes de développement au sein du groupe. Nous avons dans ce cadre proposé des produits isolants innovants, au premier rang desquels des bétons isolants.

Nous menons des tests depuis deux ans maintenant en lien avec ces évolutions sur l’utilisation d’un indicateur carbone. L’enjeu est d’apprendre à l’utiliser et d’aider nos clients dans cette démarche. Cette phase d’apprentissage nous a déjà permis de proposer des services et des outils de traçabilité en complément de nos bétons et ciments bas carbone.

 

Quels enseignements tirez-vous de l’expérimentation E+C- à laquelle vous avez pris part ?

Nous en concluons que nous sommes techniquement prêts à accueillir la RE2020, telle qu’elle se dessine aujourd’hui. Il y a cela dit beaucoup à faire pour que l’ensemble de la profession soit préparée à y répondre avec fiabilité.

D’autant plus que les nouvelles orientations amènent plutôt de la complexité dans le calcul du carbone. Il s’agit par définition d’un sujet complexe et tout l’enjeu de la réglementation consistera à fixer un principe simple qui permette à tout le monde d’avancer vers la neutralité carbone sur le long terme, au niveau de la conception, de la formulation ou de la caractérisation de ses produits.

En tout état de cause, cela nécessitera beaucoup de pédagogie et de sensibilisation auprès des professionnels pour qu’ils montent en compétences. En tant que fournisseur de  matériaux de produits dans le bâtiment, nous voulons nous inscrire pleinement dans un rôle de facilitateur.

 

Comment jouez-vous ce rôle de facilitateur ?

Le plus urgent pour les acteurs de la construction est de se lancer dans cette nouvelle “comptabilité”. Nous pensons que les outils d’accompagnement sont indispensables en complément des solutions techniques, pour vérifier qu’elles permettent bien de réduire l’empreinte carbone. C’est pourquoi nous avons élaboré le “360 score”, un indicateur de traçabilité de l’empreinte carbone et du taux de matériaux recyclés dans nos bétons. L’idée est d’apporter de l’information très simple, accessible aux non-experts, pour mesurer le poids carbone d’un chantier, depuis la conception jusqu’à la livraison du béton.

Nous avons aussi en parallèle mis au point un simulateur d’empreinte carbone qui est totalement gratuit et accessible facilement pour estimer le poids carbone du gros oeuvre en fonction de la localisation et de la configuration du bâtiment. Pour le moment, il est déployé pour les logements collectifs.

 

Dans quelle mesure le béton a sa place dans le bâtiment durable de demain ?

Les qualités du béton le rendent essentiel aujourd’hui dans le gros oeuvre des bâtiments. Il combine en effet des propriétés mécaniques, acoustiques, thermiques et esthétiques et concourt à la stabilité et à la durabilité des structures.

Le mode constructif béton n’est cependant pas encore arrivé au bout de l’optimisation qu’on peut en faire. Au niveau de la conception et du dimensionnement des ouvrages, il est encore possible de gagner en quantité de matière au mètre carré, en jouant sur les épaisseurs de murs et sur les performances attendues des bétons. L’ingénierie et le développement des outils numériques vont permettre de fiabiliser la chaîne de conception et d’aller vers des structures plus optimisées par rapport à l’usage final attendu. Pour s’inscrire dans la transition écologique, nous pensons qu’il faut davantage adapter le produit à sa destination finale, alors qu’on on a tendance au contraire à vouloir utiliser le même produit pour de multiples applications. Et c’est là toute la valeur ajoutée du béton qui est très “plastique”.

Par ailleurs, nous savons formuler des bétons avec une empreinte carbone 10 fois inférieure à un béton standard en utilisant des constituants moins carbonés qui répondent aux mêmes performances. Ce sont des produits plus ou moins matures et disponibles localement, ce qui demande de s’adapter à chaque fois au besoin. Enfin, le développement des puits de carbone minéral est un levier majeur pour atteindre des objectifs de réduction ambitieux.

 

Quelle place selon vous pour le bois ?

Nous n’avons pas le même recul sur la performance du bois que celui que nous avons sur le béton. Ce qui est certain, c’est que nous nous intéressons aussi au bois comme un matériau de construction possible. Nous avons développé des systèmes mixtes bois/béton qui nous paraissent assez performants pour combiner durabilité d’une part, grâce à une enveloppe minérale et efficacité énergétique d’autre part, avec un système assez optimisé d’un point de vue isolation.

 

Que pensez-vous de l’introduction par le gouvernement de l’objectif de confort d’été ?

Aborder la notion de confort d’été dans la RE2020 est intéressant parce qu’on sait que de nombreux bâtiments peuvent être concernés par des besoins en rafraîchissement. C’est moins le cas si les bâtiments sont bien conçus et bénéficient d’énergies thermiques. Le béton précisément, par son inertie thermique, contribue à l’effet tampon du chaud et du froid. Le mode constructif béton répond bien à cet objectif de confort d’été. Nous suivrons les annonces du Gouvernement en la matière avec beaucoup d’intérêt.

 

 

 

Filière 3e: