En quelques décennies, les batteries sont devenues des éléments clés de notre vie quotidienne, du smartphone aux véhicules électriques, mais aussi pour de nombreuses applications industrielles. Pour répondre à des utilisations de plus en plus diversifiées, l’offre évolue. La technologie lithium-ion est très présente, mais de nouvelles technologies pourraient-elles prendre le relais ?
Les piles et batteries sont depuis plus d’un siècle une technique universelle pour stocker l’électricité, les plus utilisées étant alors les batteries de démarrage des véhicules à moteur thermique. Mais en à peine plus de deux décennies, leurs domaines d’utilisation se sont fortement développés pour les usages domestiques (des téléphones mobiles aux jouets en passant par l’éclairage), l’utilisation industrielle (stockage d’énergie et sécurité), la distribution électrique (écrêtage des pointes, intégration des énergies renouvelables et smart grids), les nouvelles mobilités basées sur des véhicules électriques.
Les solutions de stockage de l’énergie pour ensuite la restituer ou la convertir en électricité sont nombreuses : les piles et batteries, les volants d’inertie, les supercondensateurs, l’air comprimé, l’hydrogène ou le méthane de synthèse, qui permettent de produire de l’électricité à l’aide d’une pile à combustible, ou encore, au niveau du réseau électrique, les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage). Mais les batteries restent le système de stockage d’énergie électrique le plus simple pour des puissances allant de moins d’un watt à plusieurs mégawatts, en particulier dans le domaine du véhicule électrique (en attendant peut-être le développement de l’hydrogène), des installations de sécurité pour pallier les microcoupures et coupures d’électricité, et des énergies renouvelables avec le développement de l’autoconsommation.
Des technologies matures aux derniers développements qui permettent de nouveaux usages
Depuis son invention en 1859 par Gaston Planté, la batterie au plomb a longtemps été le seul moyen peu coûteux de stocker de l’électricité pour le démarrage des véhicules ou la traction de petits véhicules électriques comme les chariots élévateurs. Mais dès les années 1950-60, avec l’arrivée des alimentations sans interruption (onduleurs), des installations de batteries stationnaires au plomb se sont développées et protègent encore la grande majorité des datacenters contre les perturbations du réseau. Des batteries au plomb qui évoluent encore, comme le confirme Gilles Gourgouilhon, Business Manager d’Enersys : « Pour répondre à la demande de certains utilisateurs comme Amazon, nous avons développé de nouvelles batteries en technologie au plomb pur pour une plus longue durée de vie à des températures plus élevées. Le plomb pur permet des densités massiques de 20 à 30 % plus élevées, un temps de recharge plus court et une faible consommation d’énergie par rapport aux batteries VRLA AGM traditionnelles. »
Mais dans ce domaine des alimentations de sécurité, où les batteries au plomb n’ont eu longtemps comme concurrent que le nickel-cadmium pour certaines installations soumises à des températures élevées, l’arrivée des batteries lithium offre de nouvelles possibilités avec des arguments souvent très convaincants. Pour Gaël Souchet, Senior Project Manager, Li-ion Batteries Regional Product Champion EMEA de Schneider Electric, cela explique le fort développement des ventes de ces solutions de stockage avec batteries Li-ion pour des datacenters de moyenne et forte puissance : « Le lithium-ion apporte par rapport aux batteries plomb étanches VRLA une durée de vie 2 à 3 fois plus élevée (10 à 15 ans), pour un encombrement plus faible de 40 à 60 %, donc moins de m2 occupés dans le datacenter, une température de fonctionnement plus élevée (jusqu’à 35 °C), un nombre de cycles de charge/décharge supérieur à 3 000. Pour un écart de prix qui se réduit : de 1 à 8 en 2011, il est passé à 1,1 à 1,6 fois celui du plomb en 2019. Tout cela en profitant de l’expérience du véhicule électrique en termes de fiabilité, de résistance aux contraintes (températures, vibrations) et de sécurité. Nous travaillons en partenariat depuis 2011 avec Samsung, avec l’installation en 2012 en Corée pour une banque de 34 onduleurs de 500 kVA avec leurs batteries lithium. En 2019, des batteries lithium équipent 70 % de nos onduleurs de puissance aux USA et 15 à 20 % en Europe. » Ces batteries lithium sont aussi adoptées pour protéger des process industriels sensibles en cas de perturbation du réseau. Ainsi, un fabricant de semi-conducteurs a installé en Italie 15 MW de batteries pour sécuriser son process de fabrication.
Des batteries lithium que propose également Vertiv avec sa solution Vertiv HPL d’armoires contenant six modules de batteries de technologie nickel-manganèse-cobalt (NMC), utilisée dans l’automobile. Ces batteries sont compatibles avec tous les onduleurs de puissance de Vertiv.
Des installations de plus en plus importantes
Le lithium, de par ses performances, va permettre de réaliser des installations de très forte puissance et créer de nouvelles opportunités en accompagnant le développement des énergies renouvelables (production photovoltaïque et éolienne) : stabilisation du réseau, lissage de la production d’énergies renouvelables, support de la fréquence et contrôle de la pente pour intégrer dans le réseau ces productions intermittentes et peu prévisibles. Cet impact peut être important pour des réseaux isolés comme ceux des îles, plus fragiles et plus instables. Le déploiement dans ces îles de réseaux électriques intelligents permet d’insérer ces productions dans le réseau. Les batteries lithium ont pris en quelques années une place grandissante dans ce stockage associé à cette insertion. La baisse du prix et l’amélioration continue des performances de ces batteries ont été également stimulées par le véhicule électrique et les recherches associées.
Pour répondre à ces besoins, Saft a ainsi développé une gamme de systèmes de stockage d’énergie (SSE) lithium-ion en conteneur : Intensium, dont le dernier modèle a été présenté à Intersolar 2019. Ce conteneur standard de 20 pieds (environ 6 m) Intensium Max 20 HE offre une capacité de stockage de 2,5 MWh et une puissance de 1,2 MW. Cette conception « conteneurisée » permet de livrer des systèmes entièrement équipés et testés en usine pour une mise en service rapide. Depuis 2012, Saft a livré plus de 100 MW de solutions de stockage pour des installations comme celle de La Réunion (9 MWh de batteries lithium en 9 conteneurs) ou des îles Féroé (2 MW de batteries pour une ferme éolienne de 12 MW).
Mais aussi une seconde vie pour les batteries des véhicules électriques
C’est l’objectif du partenariat signé en 2015 par Eaton et Nissan pour développer des solutions de stockage d’énergie pour le résidentiel, les datacenters ou les bâtiments à partir de batteries VE de Nissan de seconde vie ou neuves. Cela a débouché sur des solutions xStorage Home, de 4,2 à 10 kWh, et xStorage Buildings, de 20 kWh à 10 MWh. Parmi les réalisations, un système de 3 MW et 2,8 MWh de stockage pour le stade Amsterdam Arena aux Pays-Bas, ou de 80 kW et 250 kWh associé à 1 300 m2 de panneaux solaires à l’Université Catholique de Lille, et à 6 bornes de recharge de VE de 22 kW chacune pour 100 % d’autoconsommation de l’électricité produite, et pour réduire les pics de puissance sur le réseau.
Quelles technologies de batteries pour demain ?
Véhicule électrique oblige, de nombreux laboratoires de recherche travaillent dans le monde entier à l’amélioration des batteries lithium-ion en augmentant la densité d’énergie (Wh/l et Wh/kg) pour réduire la masse et le volume, en améliorant l’empreinte environnementale (émission de CO2 à la production, teneur en cobalt…), en recherchant une charge plus rapide, tout en diminuant les coûts.
Des recherches comme celles sur la technologie lithium à électrolyte solide vont dans ce sens-là et pourraient aboutir vers 2025-2030, mais bien des verrous technologiques restent à lever. Des laboratoires travaillent aussi sur d’autres solutions telles que les batteries métal-air (zinc-air ou aluminium-air) ou les batteries au sodium.
À moins que, d’ici là, l’arrivée de solutions basées sur l’hydrogène ne change la donne.
Jean-Paul Beaudet