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Transformateurs : une maintenance très spécialisée pour assurer la sécurité et la continuité de service

Décuvage d'un transformateur en atelier avant réparation. (c) TSV

Le transformateur est l’un des équipements les plus importants d’une installation électrique pour les producteurs et distributeurs d’électricité, de la centrale à la distribution terminale, mais aussi pour toute l’industrie, de l’alimentation de l’usine, des ateliers ou de machines pour des process spéciaux. Une panne de ces transformateurs peut alors provoquer un arrêt de ce process industriel pour une période qui peut être très longue. Des activités qui vont reposer sur la fiabilité et la continuité de service de cet appareil complexe, quelquefois fabriqué selon des spécifications très particulières, donc difficile à remplacer rapidement. Et pour rendre toute opération difficile, ce sont des appareils dont le poids peut atteindre plusieurs centaines de tonnes avec des composants immergés dans une cuve métallique contenant une grande quantité d’huile en contact avec des éléments sous haute tension.

La durée de vie d’un transformateur peut atteindre 30 à 40 ans de fonctionnement continu mais cela nécessite des conditions de fonctionnement normales (température, charge) ainsi qu’une surveillance continue d’un certain nombre de paramètres. Une maintenance régulière est donc essentielle pour préserver la sécurité, la fiabilité des équipements et la continuité de service.

Pour Christian Madelon, président d’AGCEI, fabricant de transformateurs basse et moyenne tension jusqu’à 4 MVA, « les transformateurs, comme toute installation électrique professionnelle, doivent être maintenus en conformité avec les règles de conception, surveillés et gardés en bon état. Cette surveillance ne doit être confiée qu’à des personnes qualifiées (code du travail et normes NFC). Ces contrôles et maintenance doivent être assurés par des sociétés spécialisées ».

Quelles opérations de maintenance préventives et curatives effectuer et à quelle fréquence ?
La construction des transformateurs de puissance est similaire pour des puissances allant de quelques dizaines de kVA à plusieurs centaines de MVA pour les transformateurs en sortie des centrales nucléaires. On va ainsi retrouver plusieurs sous-ensembles ou équipements de contrôle et sécurité :
– Le circuit magnétique et les enroulements, généralement en cuivre, qui sont le cœur du transformateur, et des isolants (papier, carton ou bois). Pour réguler la tension et ajuster le rapport de transformation, un régleur en charge est souvent intégré au transformateur.
– Un fluide diélectrique (huile minérale ou synthétique) pour refroidir les enroulements ou un refroidissement par air pour certains équipements.
– Un système de refroidissement de ce fluide naturel ou forcé (pompes, ventilateurs…).
– Une cuve métallique renfermant tous les composants et le liquide de refroidissement.
– Des accessoires (bornes, relais, traversées isolantes…).

Tous ces sous-ensembles devront être surveillés en fonction de l’utilisation du transformateur, de sa charge, des perturbations qu’il a pu subir (surcharge, hausse de température, surtension, court-circuit) et de son âge. Ces opérations de maintenance préventives et curatives sur les sites devront se faire en optimisant les durées d’intervention pour augmenter la disponibilité du transformateur, de la distribution électrique ou du process alimentés et en assurant la sécurité de la zone de travail.

Pour Emmanuel Moutin, directeur technique de TSV, entreprise basée à Vénissieux (69) et spécialiste de la maintenance et réparation des transformateurs : « la maintenance des transformateurs s’articule autour de 5 axes : l’analyse de l’huile, son traitement, la révision des changeurs de prise s’ils existent, les travaux d’étanchéité de la cuve et la maintenance des accessoires. Mais l’analyse de l’huile est un élément essentiel de la maintenance car les traceurs de l’analyse de l’huile peuvent montrer la dégradation des isolants (papiers, carton) liée par exemple à la température de fonctionnement. L’eau contenue dans l’huile ou son acidité sont aussi des facteurs d’accélération de la dégradation de ces isolants. Une contrainte électrique trop importante peut dépasser leur tenue diélectrique à des endroits critiques et provoquer un amorçage à cet endroit. Selon la criticité, cette analyse peut être annuelle. Les équipements périphériques comme le thermostat de refroidissement doivent être maintenus et réparés dès l’apparition d’un problème, car au-dessus de 70 °C toute augmentation de la température de 6° divise la durée de vie du transformateur par 2 ».

Lorsqu’ils existent, les régleurs en charge pour ajuster le rapport de transformation sont des appareils électromécaniques particulièrement sollicités et doivent faire l’objet d’une maintenance attentive car leur moindre défaillance peut endommager sérieusement le transformateur. Rachid Jerradi, chargé d’affaires de Transfo Services, filiale de Schneider Electric France, le confirme : « le régleur en charge est l’organe critique du transformateur de puissance HTB (haute tension), sa maintenance est en général à réaliser toutes les 20 000 manœuvres et/ou tous les 5 ans. Afin de prévenir les défauts internes sur ces transformateurs, Transfo Services propose une série de mesures ciblées (régleur en charge, traversées condensateurs et transformateurs) pour connaître l’état mécanique et électrique des appareillages. Ces mesures électriques accompagnent l’analyse de l’huile pour laquelle nous proposons des packs de mesures avec des préconisations de fréquence en fonctionnement normal ou sur défaut. Ces analyses se font dans un laboratoire accrédité COFRAC ».

(c) Transfo Services

Des solutions de réparation sur site ou en atelier pour prolonger la durée de vie d’un transformateur

En cas de défaut, une série de mesures et d’analyses sur site va permettre aux spécialistes de décider si l’équipement peut être réparé sur site pour une intervention localisée ou si cette réparation doit se faire dans un atelier de réparation spécialisé, notamment lorsqu’une intervention sur les bobinages est nécessaire. Cette opération peut être lourde : démontage et transport en atelier, démontage des sous-ensembles, rebobinage partiel ou complet, travaux sur les circuits magnétiques, remise en état complète (cuve, joints, accessoires), remise en place et en service sur site.

Étape 1 : retour en atelier d'un transformateur pour réparation lourde. (c) Transfo Services
Étape 2 : démontage de tous les éléments et bornes à remplacer. (c) Transfo Services
Étape 3 : fin de réparation en atelier. (c) Transfo Services
Étape 4 : sortie d'atelier et retour sur le site. (c) Transfo Services

Mais pour Emmanuel Moutin, « cela peut valoir la peine pour des transformateurs de process très spécifiques dont le délai de fabrication serait beaucoup plus long que la réparation. Cette solution peut aussi être plus économique que le remplacement par du neuf, et plus écologique. Les délais peuvent être ainsi optimisés pour limiter les pertes d’exploitation ».

Rachid Jerradi donne l’exemple de la réparation en atelier d’un transformateur de 2004 de 36 MVA (poids 55 t) pour lequel les opérations suivantes ont été effectuées : expertise, remplacement de tous les accessoires, remplacement de régleur, rebobinage complet de la partie active, sablage et peinture de la chaudronnerie, remplissage sous vide en huile neuve et passage en plateforme pour essais suivant la norme. « Les avantages de cette réparation par rapport à un transformateur neuf ont été : un délai de réparation de 4 mois contre 10 pour un neuf, et un coût moins élevé. » Les photos du chantier permettent de voir l’importance du travail.

Réparation sur site d'un transformateur HT. (c) Transfo Services
Transformateur en fin de rénovation. (c) Transfo Services

Les réparations sur site peuvent aussi être très techniques, comme le montre cette intervention récente de TSV. TSV est intervenu sur le site du gestionnaire de réseau de transport français de Pont- sur-Sambre suite à une avarie sur un transformateur 100 MVA. Une expertise par endoscopie du sélecteur, de l’ensemble bloc de résistance et tête rupteur ainsi que de la partie active du transformateur a été réalisée. L’expertise a permis de déceler un problème majeur sur le régleur. Le sélecteur, les mâchoires de contacts et les interrupteurs présentaient des traces d’amorçages importants. Les contacts fixes ainsi que les rouleaux ont été endommagés par le passage d’un fort courant de défaut. Enfin, les essais d’investigation (résistance dynamique et rapports de transformation) mettaient en évidence des coupures au niveau du régleur. La partie active du transformateur était quant à elle en parfait état. De ce fait, le client pouvait envisager la remise en exploitation de ce transformateur en prise fixe (sans régulation de tension).

TSV est donc intervenu sur le régleur et a créé un nouveau point neutre. Pour accéder au régleur et procéder aux modifications à moindre coût, il a été nécessaire de réaliser deux trappes de visite sur la cuve. Un shuntage des contacts internes défectueux a permis de recréer le couplage des enroulements du transformateur pour une exploitation en prise fixe du transformateur. L’ajout d’une borne neutre a été indispensable pour recréer le point neutre. Après reconditionnement, l’appareil a été remis en service avec succès.

Opération de réparation sur site nécessitant des dispositions de sécurité pour le technicien. (c) TSV

Ces interventions sur site pour identifier la cause d’un dysfonctionnement ou d’une alarme permettent souvent d’éviter un retour en atelier avec décuvage. Cette solution a une plus petite empreinte écologique et permet un délai de réparation plus court.

Jean-Paul Beaudet

Filière 3e: