Même si les datacenters hyperscales continuent à se déployer, tous les regards se tournent désormais vers le nouveau marché du Edge. Jusqu’à présent, les traitements informatiques ont convergé dans ces centres de données géants, dont le but n’est pas d’être près de l’usager, mais d’amener le meilleur coût de production, en positionnant une grande mutualisation de surface là où le foncier, l’énergie ou la fiscalité sont bon marché.
Ainsi, suite aux régulations sur le rapatriement des données des citoyens en Europe, environ 1 milliard d’euros ont été investis chaque année en Irlande, qui voit actuellement le Danemark tenter de se positionner en concurrent sur ce marché.
Les datacenters Edge, à l’inverse, vont d’abord chercher à être près de l’usager, qu’il soit humain ou objet connecté, pour lui proposer un temps d’acheminement réseau et un traitement informatique ultra-rapide.
Ils stockeront des données d’usage local (exemple : streaming dans un stade pour améliorer l’expérience des spectateurs), ils interpréteront sur place, via l’intelligence artificielle, les communications machine-to-machine entre objets connectés, ils donneront une instruction en une fraction de milliseconde à une Google Car.
Pour les ingénieries spécialisées, même si ces bâtiments sont de véritables datacenters, il s’agit clairement d’un marché différent, réclamant de nouvelles expertises.
La qualification technique des terrains ne répond pas aux mêmes critères. Les bâtiments hyperscales doivent se préoccuper avant tout du risque de panne (car l’impact d’un arrêt est majeur), et tout risque en proximité est discriminant (prolongement de pistes d’aéroport, lit de rivière, proximité d’industrie chimique…). Même la présence de population aux alentours n’est pas un plus, comme on a pu le voir avec les tentatives de procès sur des exploitants de datacenters au nord de Paris. À l’inverse, le datacenter Edge mise d’abord sur la proximité des zones d’usage (aéroports, routes, zone de population dense). Compte tenu de son périmètre décentralisé, son impact en termes d’indisponibilité de service est bien moindre. La puissance électrique requise est également totalement différente : la disponibilité de dizaines de MW pour un datacenter hyperscale fait place à des besoins plus minimes, mais qui doivent répondre à des contraintes environnementales accrues. Ce sera sans doute l’occasion de développer de nouvelles innovations en performance énergétique, voire en production d’énergie verte.
Sur le plan de la conception, les datacenters hyperscales ont une réserve foncière qui permet de recourir à des architectures dont les objectifs principaux sont uniquement le coût et la granularité (un colocateur doit pouvoir accueillir une demande de quelques MW supplémentaires en quelques mois). Sur des terrains de plusieurs hectares, l’aménagement est libre. À l’inverse, la contrainte principale d’un datacenter Edge est l’espace. Les locaux urbains hébergeant ces nouveaux centres sont parfois triangulaires, exigus, avec une faible charge autorisée, et présentent des contraintes de copropriété ou de normes acoustiques, etc. En conséquence, l’ingénierie doit déployer des trésors d’imagination pour faire rentrer « au chausse-pied » les architectures électriques et de refroidissement requises pour un centre de données professionnel.