Alors que le récent épisode de canicule a placé le réchauffement climatique au cœur de l’actualité, le principe de neutralité carbone semble aujourd’hui incontournable pour limiter la hausse de la température sur la planète. L’enjeu est particulièrement important dans le secteur du bâtiment, où la RE2020 devrait s’inscrire cet objectif dans la réglementation dès l’an prochain.
Dans son premier rapport publié le 25 juin, le nouveau Haut conseil pour le climat (HCC) a pointé du doigt « l’insuffisance » de l’action de la France pour réduire des émissions de gaz à effet de serre (GES) et tenir ses engagements climatiques. Dans ce diagnostic d’une cinquantaine de pages, les 11 experts ont estimé que les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le changement climatique restent à la « périphérie des politiques publiques ». Et qu’à ce rythme, l’Hexagone n’a « aucune chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », ainsi que le prévoit la loi française. Pour ce faire, la réduction des émissions de GES doit devenir une véritable « priorité nationale, au cœur des décisions des acteurs publics et privés », souligne Corinne Le Quéré, climatologue et présidente du HCC. Même si la France a diminué ses rejets de 4,2 % en 2018, la partie est toutefois loin d’être gagnée. Pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050, les Français devront en effet diviser leurs émissions de GES par six d’ici là. Et s’assurer que les autres pays jouent aussi le jeu sans attendre. Afin de limiter le réchauffement de la température planétaire d’1,5°C d’ici 2100, comme l’ambitionne l’Accord de Paris, les émissions mondiales de CO2 devront chuter de 45 % dès 2030. Tandis que certains pays comme le Bhoutan et le Suriname affichent déjà un bilan de zéro émission nette, d’autres comme les États-Unis, les pays du Golfe et plusieurs pays d’Europe de l’est comme la Pologne en sont encore loin. D’où la menace d’Emmanuel Macron, le président français, de ne pas signer la déclaration du sommet du G20, qui s’est tenu les 28 et 29 juin à Osaka, si elle ne défendait pas « l’ambition climatique » exprimée lors de l’Accord de Paris.
Les énergies renouvelables et l’électricité décarbonée au service de la neutralité carbone du bâtiment
En France, l’effort vers la neutralité carbone portera principalement sur les transports, responsables de 31 % des rejets, mais aussi sur le bâtiment, qui compte pour 23 % du total. Premier consommateur d’énergie au niveau national, ce secteur bénéficie déjà de mesures incitant à réduire les émissions de GES. Mais pour atteindre la neutralité carbone, le recours à des énergies bas carbone, en complément des énergies renouvelables, doit encore être accentué dans le bâti neuf, à en croire les spécialistes. Avec le tarissement à venir des réserves en gaz renouvelable, principalement affectées au transport lourd et au secteur industriel, l’essor des énergies décarbonées doit permettre de faire disparaître les énergies fossiles comme le charbon, le gaz naturel ou le fioul. À la place, les équipements fonctionnant à partir d’énergies vertes (bois, pompe à chaleur, réseaux de chaleur renouvelable, chauffage biomasse…) et/ou d’électricité décarbonée doivent être privilégiés pour réduire drastiquement les émissions de GES des bâtiments neufs. La France est déjà bien engagée dans cette démarche avec un mix électrique composé à 71,7 % d’origine nucléaire, 12,5 % d’hydraulique, 5,1 % de solaire et 1,9 % d’éolien, soit plus de 90 % d’électricité décarbonée. Pour aller plus loin et tenir ses engagements climatiques, le gouvernement s’apprête à adopter une nouvelle réglementation : la RE2020.
RE2020 : une future réglementation moins favorable aux énergies fossiles ?
La réglementation environnementale 2020 s’inscrit à la suite de la RT2012, mise en place en janvier 2013 pour améliorer l’efficacité énergétique du bâti neuf. Elle limite à 50 kWh/m2/an la consommation d’énergie primaire, telles que le gaz, et le fioul. Pour les énergies secondaires qui, comme l’électricité, nécessitent une transformation, la RT2012 applique un coefficient de 2,58, qui fixe donc la consommation maximale autorisée à 19 kWh/m2. Depuis son application, cette mesure est cependant fortement contestée car elle favorise le recours aux énergies fossiles, plus polluantes, plutôt qu’à l’électricité décarbonée. Un appartement de 60 m2 chauffé au gaz émettrait ainsi quatre fois plus de CO2 qu’un logement neuf de même taille chauffé à l’électricité, d’après l’ADEME. Ce paradoxe du bâtiment français doit justement être revu dans la future RE2020. La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) préconise ainsi de rabaisser ledit coefficient à 2,1, tel que recommandé par la Commission européenne. La baisse du coefficient devrait donc faciliter son utilisation, accélérant ainsi la décarbonation du mix énergétique français. Pour faire de la RE2020 une véritable vitrine de l’ambition climatique chère à Emmanuel Macron, certains proposent même de fixer un critère carbone sur les phases de construction et d’exploitation des nouveaux logements.