KNX est un standard mondial, normalisé, pour le Smart Home et le Smart Building, qui existe depuis près de 30 ans. L’objectif de ce standard est de connecter les différents usages du bâtiment avec une grande liberté de choix et d’options. KNX est présent dans le monde entier avec 470 membres constructeurs, répartis dans 190 pays. Au total, plus de 83 000 partenaires design mettent en œuvre et font évoluer les installations KNX dans les bâtiments, avec un outil unique et commun à tous.
Quels sont les atouts de ce protocole ?
Rémy Ostermann – Le premier atout de KNX est l’expérience de ses membres, dont certains promeuvent ce protocole depuis près de 30 ans. Nos bases sont donc très solides. Nos partenaires fabricants bénéficient également d’une large expérience dans le développement d’offres connectées pour le bâtiment. Les produits KNX mis sur le marché sont tous certifiés par des laboratoires indépendants, ce qui permet d’assurer une compatibilité à 100 % entre les produits. Les solutions KNX sont robustes et la filière a de plus en plus d’expérience dans le développement de produits connectés. L’autre atout est la flexibilité et l’évolutivité des solutions KNX, qui suivent les développements technologiques. Cela permet de faire évoluer les installations dans le temps, en proposant par exemple des interfaces pour les utilisateurs de type écran en lieu et place de simples boutons, avec plus de fonctions simples et intuitives. Ou bien de piloter des éclairages DALI de dernière génération et ainsi proposer un management de l’éclairage des plus performant, et bien sûr de créer un système plus global et interopérable.
Pour quelles raisons a-t-il su s’imposer comme une référence dans le petit tertiaire et les logements connectés ?
R. O. – Ce succès est lié aux atouts de KNX que sont la fiabilité, l’évolutivité et la flexibilité. Les technologies se sont adaptées au fil du temps, au départ avec les paires torsadées, puis la transmission radio et aujourd’hui l’IP. Depuis plus de 25 ans, KNX propose des solutions robustes et fiables et sait adapter le bâtiment aux nouvelles applications et aux nouveaux usages. Nos solutions ont su s’imposer principalement dans le tertiaire et le logement, car pour les grands bâtiments, les systèmes de pilotage sont le plus souvent confiés au lot chauffage, qui prend en charge la GTB/GTC. Dans les logements et le petit et moyen tertiaire, la gestion revient aux entreprises d’installation électrique, qui connaissent KNX. Historiquement, KNX vient du monde de l’électricité et s’adresse davantage aux électriciens. Cette situation est amenée à changer, car de plus en plus de fabricants d’équipements CVC rejoignent KNX et proposent des offres pour adresser ce lot CVC. En parallèle, une formation spécifique sera proposée pour compléter celles déjà existantes au sein des nombreux centres de formation KNX qui couvrent déjà le territoire.
La filière a connu une véritable guerre entre les protocoles propriétaires et les grands protocoles mondiaux. Qu’en est-il aujourd’hui ?
R. O. – Cette situation a tendance à se lisser en bonne intelligence. Les grands acteurs du Smart Building proposent des protocoles ouverts, complémentaires aux protocoles existants (BACnet, Modbus, LON…). Les protocoles propriétaires et les grands protocoles peuvent se rendre interopérables, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Ce qu’il est important de comprendre, c’est que les investisseurs veulent que leurs installations soient pérennes et donc évolutives et flexibles, pour qu’ils puissent avoir de la liberté dans le choix des solutions à installer dans leurs bâtiments.
Pensez-vous que les protocoles vont continuer d’exister dans un monde où l’interopérabilité est nécessaire ? Pourquoi ne voit-on pas émerger un protocole unique, comme ce pourrait être le cas de l’IP, par exemple ?
R. O. – Je pense que les protocoles vont continuer d’exister, mais en créant des convergences, dans le but d’éviter le cloisonnement pour une meilleure mise en œuvre. Même si un protocole prend le pas sur les autres, il existera toujours des alternatives et je pense que tout ne va pas s’uniformiser. Pour l’instant, de nombreux développements partagés et partenariats sont mis en place en combinant les forces des protocoles existants. Dans le futur, il sera de plus en plus aisé de les rendre interopérables pour créer de véritables bâtiments intelligents.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les partenariats de KNX avec BACnet, ainsi qu’avec les autres acteurs de la filière ?
R. O. – Le partenariat que nous avons noué avec BACnetest un bon exemple. Il s’agit d’un développement technique en commun qui concerne les couches de communication des protocoles. L’objectif est de développer l’interopérabilité en facilitant l’accès aux Web Services. KNX se rapproche de plusieurs organismes de la filière afin d’enrichir l’expérience de chacun. Pour cela, l’association a développé des partenariats notamment avec la FFDomotique et le Cluster éco énergie Auvergne Rhônes-Alpes. Grâce au concours de la FFDomotique, KNX France crée un réseau de professionnels spécialistes. KNX et la FFDomotique souhaitent, via ce rapprochement, donner une ouverture concrète aux électriciens avertis avec notamment la création d’un KNX Userclub qui constitue une plateforme commune d’échanges entre professionnels qualifiés, susceptibles d’interagir avec les solutions KNX. KNX France est également partenaire du Cluster éco énergie Auvergne Rhônes-Alpes. KNX, en tant que solution globale pour le smart home et le smart building agit efficacement pour une réduction des consommations d’énergie et la performance énergétique et environnementale des bâtiments. Ce partenariat se caractérise par des actions communes via une commission formation, thème commun aux 2 associations et plusieurs événements communs passés (Congrès National du bâtiment Durable, salon Be Positive) et à venir.
KNX a su créer un programme de formation pour les installateurs et les électriciens. Quel en est l’objectif ?
R. O. – Il s’agit d’une stratégie visant à faire monter la filière en compétence sur l’installation de solutions connectées. KNX propose donc un programme de formation solide destiné aux metteurs en œuvre opérationnels. Cela permet de garantir le résultat de l’installation et d’éviter les contre-références. Les bureaux d’études et les installateurs doivent pouvoir répondre aux enjeux du bâtiment connecté. L’enjeu est donc de professionnaliser la filière, de la conception à l’exploitation en passant par la mise en œuvre. Le nombre de centres de formation augmente, tout comme le nombre de partenaires. KNX propose trois niveaux de certification : le premier, pour les fonctions les plus simples, le deuxième pour les fonctions avancées et le troisième pour devenir formateur. Nous proposons ces formations à l’éducation nationale pour que les nouveaux électriciens connaissent KNX.
Le bâtiment intelligent ou « Smart Building » commence à s’imposer dans certains gros projets de construction. Quels sont selon vous les piliers du Smart Building ?
R. O. – Le Smart Building consiste à intégrer des systèmes intelligents aux bâtiments pour en automatiser les fonctions et remonter des données. L’objectif est d’offrir du service aux occupants et aux exploitants, mais également d’interconnecter le bâtiment à son environnement dans une dimension plus large autour d’écoquartiers, de Smart City… Cela permet de répondre aux enjeux énergétiques, de mobilité et de services pour les villes. La première brique du Smart Building est constituée des équipements intelligents, qui rendent le bâtiment évolutif et connecté à son environnement. Ces produits connectés sont reliés aux contrôleurs « Edge Control ». Cette couche permet de remonter les informations vers les « Advisors », constitués des logiciels de supervision et de services. Mais pour pouvoir réellement s’imposer, le bâtiment connecté devra intégrer de la cybersécurité pour éviter les piratages ou les dysfonctionnements.
Quelles fonctions devront remplir ces bâtiments connectés et intelligents ?
R. O. – L’objectif est de rendre les bâtiments plus autonomes et adaptables, pour apporter de la flexibilité aux gestionnaires. L’utilisation du bâtiment pourra ainsi dépendre des besoins de ses occupants et l’intérêt sera d’apporter le bon service ou la bonne consigne au bon moment. Cela permettra d’éviter les surconsommations énergétiques, mais également la perte d’espace et d’augmenter le confort et la concentration des usagers.
Quelle est la prochaine étape du Smart Building ?
R. O. – La prochaine étape interviendra lors du développement de produits plus intelligents, qui adaptent leurs paramétrages à l’occupation et aux usages. L’objectif n’est pas seulement d’améliorer le pilotage. Il faut rendre les bâtiments auto-performants pour assurer l’autoproduction et l’autoconsommation, intégrant la gestion de la production des panneaux photovoltaïques, du stockage et des véhicules électriques. Il faut donc combiner les équipements terminaux intelligents à la gestion intelligente.
Nous commençons aujourd’hui à entrevoir les possibilités offertes par le BIM (Building information modeling), notamment pour l’exploitation et la maintenance des bâtiments.
De quelle manière KNX s’intéresse-t-il à ce sujet ?
R. O. – Aujourd’hui, nous voyons fleurir de nombreuses initiatives sur le BIM. Les références KNX des grands fabricants sont disponibles en fichiers BIM.
Comment KNX contribue-t-il à l’efficacité énergétique des bâtiments ?
R. O. – L’automatisation des usages permet un fonctionnement optimisé en faisant marcher les équipements au bon moment, au bon endroit et au bon niveau. Le bâtiment peut ainsi prévoir et s’interfacer aux nouveaux usages, par exemple le véhicule électrique et l’autoconsommation. KNX est une brique du management du bâtiment qui lui permet de s’intégrer à son environnement.
Une autre technologie, l’intelligence artificielle, commence à trouver des applications dans le bâtiment. Comment KNX s’empare-t-il de ce sujet ?
R. O. – Je crois beaucoup en l’intelligence artificielle, qui permettra d’apporter encore davantage de flexibilité. Le bâtiment ne réalisera plus des actions automatiques mais pourra s’adapter intégralement aux habitudes de ses occupants. Les produits devront donc remonter des données d’usage, qui permettront d’optimiser le fonctionnement de tous les équipements.
Pourra-t-on dans le futur imaginer une ville entière pilotée en KNX ?
R. O. – J’aurais tendance à répondre non. KNX va continuer d’évoluer et les produits seront installés dans de nombreux bâtiments et communiqueront avec leur environnement. L’une des orientations de KNX est le développement de l’offre KNX IoT, qui vise à intégrer le protocole dans des objets connectés, comme des luminaires ou des capteurs. De plus en plus d’objets connectés pourront fonctionner en KNX IoT.
À titre personnel, vous avez été élu à la tête de KNX France en début d’année. Quelles sont les premières orientations que vous souhaitez donner à l’association ?
R. O. – Je souhaite m’inscrire dans la continuité de mes prédécesseurs. KNX est un système professionnel, intégré à la filière électrique. Nous souhaitons orienter le discours autour des usages du bâtiment plutôt qu’autour de la technologie. KNX est une des briques du bâtiment connecté et nous souhaitons donner de la hauteur sur les usages, tout en offrant une véritable garantie aux utilisateurs. Les produits KNX sont stables, performants, robustes et intégrés dans un environnement évolutif. Sans oublier la sécurité, qui est une valeur poussée par KNX via l’encryptage des solutions. À court et moyen terme, nos partenaires fabricants vont proposer une gamme de produits « sécures », certifiés par l’ANSSI. De plus, cela entraînera l’évolution du protocole KNX Secure avec la certification ISO/IEC 18033-3. L’objectif sera de faire de KNX la solution la plus sécurisée du marché pour le Smart Home et le Smart Building. Nous souhaitons également répondre aux enjeux des bâtiments publics avec un haut niveau de sécurisation des données.
Comment imaginez-vous KNX dans les années à venir ?
R. O. – KNX restera l’un des protocoles les plus utilisés dans le monde pour le Smart Home et le Smart Building. Afin de faciliter l’accès au marché pour les intégrateurs non experts, différents fabricants lancent actuellement des outils de conception et de paramétrage plus simples, il en est de même pour KNX qui propose désormais ETS Inside. En parallèle, un certain nombre d’Apps viennent améliorer la productivité des intégrateurs dans l’outil ETS. Nous souhaitons également étoffer notre réseau professionnel en proposant des offres de formation plus musclées. Enfin, nous souhaitons faire évoluer KNX avec son temps en poursuivant le développement de technologies permettant de répondre aux nouveaux usages, tout en améliorant la sécurité de nos solutions et la pérennité des installations des bâtiments.
Propos recueillis par Alexandre Arène