Alternative au wi-fi, la communication par la lumière pourrait devenir la norme en matière de transfert de données dans les années à venir.
Après les signaux de fumée, le courrier sur papier, les technologies électriques (télégramme, téléphone, radio et télévision) et numériques (internet, e-mails, chat), la lumière deviendra-t-elle le prochain mode de communication principal ? C’est ce que laissent entendre les dernières constatations scientifiques face à l’explosion du transfert d’informations dans le monde. D’ici 2021, les volumes de données seront multipliés par trois par rapport à 2016, prédit Cisco, leader mondial des télécommunications. Alors pour répondre à la future demande planétaire et désengorger un réseau électrique déjà au bord de la saturation, l’industrie se tourne vers un moyen de communication plus rapide encore que l’électricité : la lumière. Les photons lumineux se déplacent en effet cent fois plus vite que les électrons du signal électrique. La communication à la vitesse de la lumière constitue donc une alternative très sérieuse au wi-fi et au bluetooth, qui commencent à atteindre leurs limites. Elle se matérialise sous deux formes assez proches : le li-fi (« Light Fidelity ») et la VLC (« Visible Light Communication »). Transitant par fibre optique, toutes les deux fonctionnent sur le principe du clignotement d’une LED (« Light-Emitting Diode ») de manière imperceptible à l’œil humain (plusieurs millions de fois par seconde). Cette modulation ultra-rapide de la diode agit en remplacement des ondes électromagnétiques du wi-fi. Comme lui, la technologie par signal lumineux permet de transmettre des données, transformant ainsi la lumière en réseau de télécommunication.
Concrètement, les technologies li-fi et VLC font de nos appareils luminaires (lampes, spots, caméras de téléphone, lecteurs de codes-barres, etc.) des outils de communication sans fil. Dans le cas du li-fi, les informations sont envoyées à partir d’un modem vers la LED, qui les module vers un boitier relié par USB à un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Ce boîtier sert également à renvoyer des informations vers le réseau, d’où la dimension bidirectionnelle du li-fi. Grâce aux propriétés de la lumière, ce système garantit une bande passante sans interférences. D’après les données du cabinet SIA Partners, le débit moyen du li-fi serait sept fois plus élevé que celui du wi-fi (50 mégabits par seconde contre 7,3) et son spectre environ 10 000 fois plus large que celui des ondes radiophoniques (400 à 770 THz contre 2,4 à 5 GHz). De quoi fournir une connexion de qualité pour plusieurs dizaines d’utilisateurs sur le même luminaire. En comparaison, la VLC dispose d’un fonctionnement unidirectionnel qui autorise une utilisation uniquement dans le faisceau lumineux dédié à un seul appareil. Mais la technologie commune du li-fi et de la VLC présente, outre sa vitesse, un énorme avantage en termes de sécurité : les données ne sont pas accessibles en dehors du spectre lumineux. Un atout considérable par rapport aux réseaux wi-fi, dont les ondes électromagnétiques traversent les murs et sont donc facilement piratables. « C’est une technologie qui va principalement être utilisée par les professionnels : les banques, les centres de R&D, les sièges sociaux d’entreprises, l’univers de la sécurité privée et de la défense », explique Édouard Lebrun, directeur délégué de Lucibel, entreprise spécialisée dans la communication par la lumière.
Nombreux domaines d’applications
Plus rapide, plus puissante et plus sécurisée, la télécommunication par la lumière dispose d’un potentiel de développement que l’on imagine immense, tant ses domaines d’application sont nombreux. « Tous les fabricants d’éclairage dans le monde pourraient travailler avec nous en utilisant notre technologie », se réjouit Benjamin Azoulay, directeur de la startup OledComm, qui commercialise des lampes et des modems proposant une connexion internet par la lumière. Les technologies li-fi et VLC ne se limitent pas aux luminaires traditionnels, mais s’appliquent aussi aux caméras de nos téléphones ainsi qu’aux lecteurs laser. Havr, une autre startup française, propose ainsi de déverrouiller une serrure grâce au flash d’un smartphone. Le code lumineux généré permet en effet d’authentifier l’utilisateur et d’autoriser l’ouverture. « La serrure connectée de Havr illustre une réelle rupture technologique : la lumière va devenir un vecteur essentiel de communication et de transmissions de l’information, commente Cédric Lewandowski, Directeur Exécutif du Groupe EDF Stratégie, Innovation et Responsabilité d’Entreprise, qui a expérimenté la solution. Les atouts du li-fi et de la VLC sont en effet notables : un fort potentiel de transmission, une géolocalisation circonscrite à la stricte proximité et une sécurité accrue car la lumière ne traverse pas les murs. Tant pour les postes de commandement militaire sécurisés que pour les zones sans réseau, ces technologies offrent des perspectives intéressantes. »
Plusieurs exemples d’application sont déjà mis en œuvre dans différents domaines en Europe, y compris en France. À Palaiseau (Essonne), 77 lampadaires de la ville sont ainsi équipés depuis 2016 d’éclairage li-fi, qui permet de diffuser des informations directement sur le mobile des passants. Dans plusieurs centres commerciaux comme celui d’EuraLille, la communication par la lumière sert également à indiquer aux usagers où se trouvent les produits qu’ils recherchent. Dans certains musées, elle permet d’apporter des informations aux visiteurs sur les œuvres d’art qu’ils regardent. Au Musée international de la parfumerie de Grasse, un diffuseur d’odeur se déclenche même à chaque passage sous un LED dédié. D’autres types d’utilisation se révèlent encore plus pertinentes, à l’image de l’hôpital de Perpignan. Depuis 2016, l’établissement a réduit par 10 ses émissions d’ondes électromagnétiques en troquant le wi-fi par le li-fi dans plusieurs de ses services. Résultat : moins de dysfonctionnement d’appareils médicaux et de nuisances pour le personnel et les patients.