Digitaliser les services : facilitation-optimisation-durabilité
La ville intelligente est un territoire d’attractivité, tant pour le développement économique local que pour ses principaux bénéficiaires : les habitants. Le dénominateur commun des Smart Cities est donc la digitalisation des services aux usagers. De plus en plus de villes aspirent à leur proposer un nouveau modèle, en suivant le triptyque facilitation-optimisation-durabilité. Quelques exemples : à Mulhouse, un « Compte Mobilité » permet à l’ensemble des habitants de la métropole d’accéder à l’ensemble des modes de transport de la ville de manière centralisée, sur une seule appli. A Madrid, des capteurs évaluent le taux de remplissage des bacs à ordure pour optimiser le ramassage des déchets. A Cape-Town, pour limiter les pertes par fuite, les acteurs de la gestion de l’eau placent des capteurs sur différents points des réseaux de distribution.
La ville intelligente transforme tous les secteurs de la gestion urbaine (bâtiments, voirie, transports, câblage, canalisations…), et ceci de manière simultanée. Elle se développe dans une démarche transversale d’interconnexion entre les différents services.
La smart city est une politique
Pour chapeauter tout cela, les villes révisent leur organisation interne. En 2017, sur les 25 villes françaises engagées dans le développement de services numériques intelligents, 23 avaient nommé un responsable pour piloter leur démarche globale de transformation digitale. En parallèle se dessine un mouvement d’hyperspécialisation des administrations. Des structures ad hoc, incarnées par des missions rattachées aux Directions Générales des Services (DGS), ont vu le jour à Paris ou Grenoble. Rennes, Lyon ou Toulouse ont fait le choix de créer des directions déléguées à la ville intelligente. Parfois, en externe, le modèle d’une société d’économie mixte est privilégié, comme à Chartres ou à Issy-les Moulineaux.
La Smart City se construit aussi dans une approche bottom-up, fondée sur l’intégration des citadins dans le processus décisionnel. La création de structures de participation citoyenne a ainsi vocation à encourager la contribution des habitants à la stratégie globale. Les outils de crowdsourcing tendent à fluidifier les remontées d’information et à consolider les liens élus-habitants, comme TellMyCity à Issy-les-Moulineaux ou les plateformes de dialogue en ligne à Roubaix ou à Mulhouse. A Paris, l’ensemble des parties prenantes internes et externes de la ville intelligente se réunissent au sein d’un Comité des Partenaires qui intervient très en amont de la définition des grands projets.
Plus largement, la smart city doit être capable d’inspirer les transformations nécessaires de « son » corps social vers plus de souplesse : c’est la notion de « ville engagée » lancée par Vancouver (Canada) en 2012 avec son Engaged City Task Force. Ce qui suppose de transformer les villes sur le modèle du design thinking, en les repensant à partir des usages de citoyens qu’il faut désormais considérer comme des clients qui ont des besoins très concrets, afin que tous ses habitants se sentent concernés. La smart city n’est pas intelligente parce qu’elle est avancée technologiquement, elle est intelligente parce qu’elle parvient à inclure toutes ses populations dans son projet, elle se modernise tout en tenant compte de son héritage. En un mot, la smart city est une politique : elle incarne un nouveau contrat social.
La transformation des villes transforme les compétences
Pour rester compétitives, les entreprises de service doivent s’adapter à ces mutations de la ville. En commençant par une maîtrise totale des territoires et des interconnections entre leurs différentes dimensions, comme la mobilité, l’habitat, la politique sociale ou la sécurité. La multiplication des labellisations, des appels à projets ou des laboratoires d’idées lancés par les collectivités pour stimuler l’innovation les obligent à disposer de moyens pour proposer des démonstrateurs et des expérimentations. La plateforme de partage et d’anticipation « Grenoble, ville de demain » a ainsi mis à contribution des acteurs publics, privés, et des universitaires dans le but de développer et de mettre en œuvre des expérimentations concrètes discutées en concertation avec les habitants. En somme, les villes attendent plus qu’un service : elles exigent une dimension conseil, une capacité d’accompagnement, tant au niveau technique, que dans le cadre de démarches partenariales avec d’autres acteurs locaux ou pour contribuer à leur communication auprès des citoyens et usagers.
Les décideurs des entreprises de services aux collectivités contribuent donc en grande partie à conduire ces changements, et doivent aujourd’hui témoigner des compétences requises pour y parvenir : une forte appétence stratégique, globale et prospective, qui se traduit en une capacité de conseil et de pilotage de projets complexes, intégrant de nombreuses parties prenantes qu’il s’agit de faire fonctionner ensemble. Les collectivités ont aussi pris conscience de la dimension attractive de la ville intelligente qui devient un aspect primordial de leur stratégie de marketing territorial. La capacité à communiquer sur l’innovation fait donc désormais pleinement partie des compétences visées par les groupes de service aux villes.
Mais le bon dirigeant d’une entreprise de services dans la smart city de demain ne doit pas seulement témoigner d’une formation d’excellence. Il doit aussi – et surtout – avoir une forte sensibilité tech. Un profil qui soit capable de penser simultanément les enjeux économiques, sociétaux et environnementaux… mais avant tout un profil inspirant pour toutes ses parties prenantes internes et externes, capable de porter le projet, en apparence paradoxal, de la transformation dans la continuité.