La durée moyenne annuelle de coupure du réseau électrique reste élevée en France. En 2018, elle a dépassé une heure, mais avec de très fortes disparités entre les régions dues aux aléas climatiques et à la qualité du réseau. Il n’est donc pas question de se passer, sauf dans de très rares cas, de l’installation d’onduleurs associés à une solution de stockage d’énergie, en général des batteries. Mais cette chaîne d’alimentation qui s’étend du poste HT ou MT jusqu’aux baies et serveurs doit être de plus en plus performante pour répondre aux exigences des exploitants :
• concevoir l’architecture électrique et dimensionner les installations en intégrant les besoins de demain : flexibilité de la solution et adaptation à différents schémas d’installation ;
• limiter l’impact environnemental en diminuant les pertes et les surfaces au sol ;
• permettre la maintenance et les essais sans perturber le process et en toute sécurité pour le personnel ;
• disposer d’une installation et de raccordements faciles ;
• s’intégrer facilement dans les systèmes de communication, supervision et contrôle du site et assurer la traçabilité des événements ;
• assurer une fiabilité maximale.
Une offre de plus en plus large
Pour Séverine Hanauer, Data center & Telecom Sales Director & Consulting & Solutions Director de Vertiv France : « Le paysage des datacenters évolue vers, d’un côté des sites centralisés plus grands et moins nombreux et de l’autre, des sites décentralisés plus petits et plus répartis. Dans les deux cas les besoins sont sensiblement différents en termes de capacité, d’exploitation et de monitoring. Dès lors nos offres progressent naturellement vers ces nouvelles demandes avec des produits et services adaptés aux besoins des grands centres de données nécessitant de grandes puissances énergétiques d’une part, et des solutions plus « packagées » faciles à mettre en œuvre dans le cadre d’un datacenter de proximité. »
Les gammes proposées par les constructeurs se sont donc étoffées pour mieux servir les différents marchés, mais aussi pour répondre à des options de mise en œuvre plus diversifiées : augmentation de puissance, éventuellement « à chaud » (onduleurs alimentant la charge), redondance en schémas N+1 ou 2N. Les solutions au catalogue des constructeurs permettent de réaliser des configurations atteignant 4 MW pour alimenter ces grands datacenters, mais aussi de plus en plus de process industriels automatisés dans les pays où le réseau est de médiocre qualité. Pour la même puissance installée, de 400 kVA par exemple, l’utilisateur peut souvent trouver chez un constructeur deux lignes de produits permettant de réaliser une installation à partir de critères comme la modularité, l’efficacité énergétique ou les options de communication.
La modularité et l’efficacité énergétique pour optimiser les coûts
« Avant tout, les exploitants ont pour objectif d’optimiser les coûts de leurs équipements, tant au niveau de l’installation, de l’exploitation que de l’entretien. Ce qui se traduit en effet par la recherche de la meilleure performance des équipements possible, tant en termes de consommation d’énergie et de capacités électriques que d’encombrement réduit pour optimiser l’utilisation de l’espace disponible. La simplicité d’installation et d’entretien continue bien sûr de compter parmi les critères de choix des exploitants de datacenters », explique Séverine Hanauer.
Pour Xavier Mercier, Market Segment Director de Socomec, « le design modulaire facilite les opérations d’évolution et de maintenance grâce à des possibilités d’extension à chaud. Cela permet d’intervenir de manière sécurisée tout en préservant le fonctionnement normal du système et donc la disponibilité et la qualité de l’énergie travaillant ainsi en double conversion. C’est le cas de nos gammes Modulys GP (25-600 kW) et Delphys GP (200-2 400 kW), cette dernière gamme étant extensible à chaud par ajout de blocs de puissance « Xmodule » à raccorder sur les embases « Xbay » précâblées. Cette capacité d’évolution rapide et sécurisée permet de répondre à l’évolution des besoins en énergie du site ».
Pour des sites en évolution, ces solutions permettent de diminuer les coûts d’investissement (CAPEX) mais aussi les coûts opérationnels, les alimentations fonctionnant à charge plus élevée avec un rendement maximum (en général entre 50 et 100 % de charge).
L’atteinte de rendements élevés fait partie des objectifs prioritaires des équipes de R&D. En quelques années on est passé de 93/94 % de rendement à 96/96,5 %, ce qui représente pratiquement des pertes divisées par 1,5 à 2. D’où un gain très important sur la consommation des équipements, mais aussi de la climatisation pendant toute la vie du produit. De nouveaux schémas de convertisseurs DC/AC, le cœur de l’onduleur, à 3 ou 4 niveaux de commutation permettent d’améliorer le rendement de ce convertisseur, de diminuer le stress des composants et de réduire la taille de composants passifs.
Le dernier onduleur d’ABB, le DPA 250 S4, est basé sur une technologie à 3 niveaux. Le châssis d’onduleur peut contenir jusqu’à 5 modules 50 kW et 6 armoires peuvent être mises en parallèle pour atteindre une puissance de 1 500 kW.
« Pour augmenter la puissance du système au fur et à mesure de l’augmentation de la charge, Schneider Electric a conçu sa nouvelle gamme Galaxy VX avec des armoires électriques de 250 kW, elles-mêmes constituées de modules de 60 kW fonctionnant en « inverter 4 niveaux » bidirectionnel agissant comme un filtre actif, améliorant la fiabilité et le rendement et réduisant la taille des éléments bobinés, explique Patrick Bois, Business Development Director Global Sales Secure Power Division de Schneider Electric. Pour cette gamme, nous avons un mode de fonctionnement exclusif, le Mode ECOnversion, qui assure un très haut rendement, jusqu’à 99 % en restant conforme à la classe 1 de la norme IEC 62040-3 par transfert, sans coupure de l’utilisation en cas de perte du réseau, tout en assurant une correction du facteur de puissance en aval de l’onduleur et un filtrage des harmoniques. C’est une alternative sophistiquée au mode double conversion pour lequel nous dépassons un rendement de 96 % dès 30 % de charge. Et nous avons intégré une protection back-feed qui évite tout risque de retour d’énergie sur le réseau ainsi qu’une fonction Smart Power Test qui permet de tester l’onduleur (UPS) et la batterie sans banc de charge. »
Vertiv a développé une solution de mode « on-line dynamique ». Pour Séverine Hanauer, « ce mode on-line dynamique est capable de supporter les charges les plus fortes tout en offrant une efficacité opérationnelle améliorée. Il n’est donc plus nécessaire de choisir entre disponibilité maximale ou rendement optimal, le système s’en charge tout seul en fonction de l’évolution des besoins. Ce nouveau mode est notamment disponible sur les gammes Trinergy Cube (150 kW-3,4 MW) et EXL S1 (100-1 200 kW), leur permettant d’offrir un taux de disponibilité maximal, un faible coût total de possession ainsi qu’une consommation énergétique et des émissions de CO2 minimales. Ce mode de contrôle permet d’atteindre un rendement de 99 % sans sacrifier la disponibilité ».
Eaton, de son côté, propose pour ses onduleurs de moyenne et forte puissance des technologies propres. Ainsi, explique François Debray, IT Solutions Business Development Manager d’Eaton : « centrés principalement sur des produits haut de gamme, ces onduleurs proposent des technologies uniques et brevetées telles que le Hot Sync pour la mise en parallèle (sans câblage de puissance, donc beaucoup plus fiable que nos concurrents). Ou encore le VMMS (Variable Module Management Systems) pour optimiser le rendement sur les fortes puissances. Nos produits présentent aujourd’hui des rendements de 96,7 % en mode on-line double conversion, soit 2 à 3 % de plus que nos principaux concurrents. Sachant que sur cette gamme de puissance (>100 kVA) 1 % de rendement en plus permet d’économiser environ 10 k€/an sur la facture électrique, on comprend l’importance qu’attache Eaton à cette technologie ainsi qu’à l’ESS (Energy Saving System), qui adapte le mode de fonctionnement de l’onduleur à la qualité du réseau électrique, ceci pour monter le rendement à 99 % sans compromettre la protection de la charge ».
Apparition du lithium pour les batteries
Les batteries au plomb restent les plus utilisées (plus de 95 % des installations) et leur technique s’est beaucoup améliorée, avec comme objectif d’augmenter la durée de vie et d’accepter des températures de fonctionnement plus élevées. Pour Gilles Gourgouilhon, Business Manager d’Enersys France, « les autonomies demandées par les clients diminuent à quelques minutes, voire 30 secondes et la technologie au plomb pur est bien adaptée à ces décharges rapides. Ces batteries ont une durée de vie plus longue, des performances en cyclages supérieures et acceptent une plage de température plus élevée. Elles apportent un gain de 25 à 30 % de densité massique. ».
Si le plomb reste dominant et probablement encore pour de nombreuses années, les batteries au lithium font leur apparition sur le marché des UPS. Pour Patrick Bois, « cette technologie est mature ; avec le marché du véhicule électrique ses coûts sont en constante réduction, sa durée de vie est 2 à 3 fois celle du plomb, elle accepte 10 fois plus de charges et décharges, est 40 à 60 % moins encombrante et 60 à 70 % plus légère pour le même service. Soit une réduction du TCO de 30 à 50 % malgré son prix d’acquisition qui reste 1,5 à 2 fois plus élevé. Nous avons développé des cellules batteries Li de 230 kW par armoire pour une surface au sol de 0,4 m2 que nous pouvons mettre en parallèle jusqu’à 32 armoires ».
Une solution que Socomec a retenue pour le datacenter de Total, avec l’intégration de batterie lithium Flex’ion de Saft, associées à des onduleurs Delphys XTend GP de 550 kW et 7 minutes d’autonomie. La durée de vie attendue est de 15 ans pour ces batteries en technologie Super Lithium Iron Phosphate de Saft. Si le prix d’achat du lithium reste un frein, Eaton propose des solutions moins onéreuses avec des batteries de véhicule électrique Nissan en 2e vie utilisées pour des datacenters.
Jean-Paul Beaudet