Lors de l’élaboration, en 2011, du schéma directeur d’aménagement lumière de la ville de Rennes, l’agence de conception lumière parisienne Concepto a proposé aux élus de porter un regard différent sur les édifices historiques ; de ne plus les considérer comme des objets architecturaux à mettre systématiquement en lumière, mais comme des éléments urbains, porteurs d’échanges et d’imaginaire. La ville de Rennes comptait alors un très faible nombre d’illuminations patrimoniales, comparé à d’autres villes françaises de taille semblable. Ce déficit semblait offrir une chance et une occasion unique de repenser totalement l’idée même d’un ensemble d’illuminations de monuments, statique et pérenne. « Les élus souhaitaient développer l’attrait touristique, mais faisaient face à des moyens limités », explique Roger Narboni, concepteur lumière, Concepto.
Lumières virtuelles vs scénographies réelles
Les concepteurs lumière avaient imaginé au départ de mettre en scène de toutes petites parties de quelques édifices patrimoniaux majeurs non encore illuminés (portail, fenêtre, tourelle), afin d’attirer le regard des passants et susciter un questionnement et une redécouverte nocturne du monument. Parallèlement, Concepto souhaitait élaborer en collaboration avec l’office du tourisme rennais des promenades nocturnes virtuelles libres, afin de découvrir sur son smartphone ou sur une tablette informatique en prêt des infographies et des vidéos 3D nocturnes représentant différentes illuminations des monuments. Cette démarche, originale, innovante et unique en France comme à l’étranger, offrait aux yeux des concepteurs lumière l’avantage de lectures nocturnes multiples du patrimoine rennais, éventuellement renouvelables dans le temps, sans consommation énergétique, sans investissements importants et sans travaux difficiles d’installation d’appareils d’éclairage et de câbles électriques disgracieux sur les édifices historiques concernés. « Pour finir, les deux types d’installation ont été réalisés : des illuminations virtuelles ainsi que de véritables projections d’images sur les façades, précise Roger Narboni. Rennes constitue un riche terreau de startups, donc nous n’avons eu aucune difficulté à nous associer à deux d’entre elles pour mener à bien notre projet d’illuminations virtuelles. » L’application peut être téléchargée à tout moment, mais les illuminations, qu’elles soient réelles ou virtuelles, sont reliées à une horloge astronomique qui ne se déclenche que la nuit tombée.
Des illuminations au bout des doigts
Dès le début de l’étude, Concepto a voulu que ces infographies et ces vidéos dédiées aux illuminations virtuelles ne soient visibles qu’à la nuit tombée et accessibles uniquement à l’approche de l’édifice concerné (dans un rayon de 50 mètres au maximum), de manière à encourager et à induire le déplacement physique des visiteurs et des touristes dans la ville de Rennes. Progressivement, les fragments d’illuminations réelles ont été réduits à deux façades seulement, alors que les illuminations virtuelles ont été développées pour sept édifices historiques. La première promenade nocturne dans le centre ancien a été inaugurée en septembre 2018. L’application Lumi-R, téléchargeable sur smartphone et tablette, est gratuite.
Elle permet aujourd’hui deux fonctionnalités :
– activer, sur les deux façades, trois mises en lumière réelles et interagir directement sur les possibilités d’éclairage des façades
– activer des mises en lumière virtuelles et découvrir des infographies/vidéo 3D en 180 et 360 degrés (vidéos relatant des scènes anciennes en lien avec la façade ou la rue concernée), avec la possibilité de passer en mode immersif (3D) en utilisant un casque de réalité virtuelle en carton fourni gratuitement et sur lequel peut être installé directement son smartphone.
« La déambulation nocturne est proposée librement, sans ordre défni : l’application permet de géolocaliser les différents sites activables. Devant chacun des sept bâtiments, chacun peut appréhender le dispositif à partir de son smartphone, selon ses envies. Des logos de l’application sont projetés au sol pour signaler aux visiteurs le meilleur angle de vision. Des symboles ont été disposés sur les façades et indiquent aux visiteurs si l’illumination est réelle ou virtuelle, détaille Roger Narboni. Lumi-R est une application évolutive, le nombre de façades illuminées virtuellement devrait s’étendre, dans les prochaines années, sur d’autres secteurs du centre-ville et d’autres villes, en France et à l’étranger. » Cette réalisation, très innovante sur le plan technologique, répond parfaitement aux nouvelles exigences de réduction de la facture énergétique des villes et de pollution lumineuse. Les retours des habitants, des commerçants et de l’office du tourisme rennais sont très positifs. Pour Roger Narboni, « il sera facile par la suite de coupler, par exemple, avec des informations historiques sur le site ou architecturales sur le bâtiment ». Le dispositif Lumi-R vise à concevoir autrement l’éclairage architectural patrimonial en ville et à imaginer à terme une ville nocturne virtuelle capable de proposer aux citadins différentes images et silhouettes nocturnes à expérimenter.