On parle souvent des déchets ménagers, le recyclage des DEEE professionnels reçoit lui aussi une attention croissante et en particulier de la part des acteurs de la filière électrique. Selon l’équipement en question, sa nature, son usage, son détenteur, il ne sera pas géré de la même façon en fin de vie. Ainsi, les circuits de collecte des biens ménagers et des biens professionnels sont spécifiques, et leurs éco-organismes dédiés.
Le recyclage en fin de vie des DEEE professionnels n’est qu’une des responsabilités de la profession. En effet, bien en amont, de multiples opportunités existent pour réparer, moderniser et, plus généralement, prolonger la vie des installations et produits. L’émergence d’objets toujours plus connectés, la digitalisation, les nouveaux services, tous permettent une économie plus circulaire !
La filière électrique et le recyclage
Selon Xavier Houot, directeur Environnement de Schneider Electric, et président du Comité Stratégique Économie Circulaire du Gimélec : « la réglementation DEEE couvre les équipements électriques et électroniques basse tension en fin de vie. Pour ces équipements et appareillages électriques basse tension, les entreprises de la profession se sont organisées depuis 2015 pour se mettre en conformité avec la réglementation et satisfaire leurs clients, en partenariat avec l’éco-organisme ESR ou en filières individuelles.
Pour les installations haute tension non visées par la réglementation DEEE, nos filières disposent d’une très forte expérience historique, du fait même de la nature des installations : fabriquées sur mesure, installées et maintenues par des professionnels dont les interventions sont contractualisées, d’une durée de vie allant jusqu’à 60 ans, de tailles significatives… des modèles économiques propres à des biens d’investissement ont émergé. Ils réussissent à maximiser la durée de vie, et à préserver la valeur des installations comme de leurs ressources, pour des durées optimales ».
Ainsi, un grand nombre des installations électriques de process, de réseau de transport et de distribution d’électricité, fait déjà l’objet de filières de dépose, collecte et recyclage organisés de longue date par les professionnels.
Certains autres équipements haute tension peuvent avoir été soumis à d’autres réglementations pour des raisons spécifiques, comme cela a été le cas pour les transformateurs au PCB, par exemple, qui ont été éliminés dans des filières appropriées dès fin 2010.
Des responsabilités contractualisées
« La présence de professionnels tout au long du cycle de vie des équipements permet de formaliser et contractualiser la traçabilité et la bonne gestion des DEEE. Cette présence s’impose pour des raisons évidentes d’expertise et de sécurité bien sûr, on n’imagine pas un particulier s’improviser « réparateur » du tableau électrique général d’un bâtiment », explique Xavier Houot.
« Un exemple d’organisation correspondant à un modèle économique vertueux : dans le domaine des moteurs, des transformateurs de puissance, ou encore des onduleurs par exemple, des constructeurs ont créé leurs propres réseaux de réparateurs agréés, assurant à la fois la garantie, les services, la modernisation et, quand elle a lieu, de la fin de vie des équipements. »
C’est une vraie différence de logiques entre les DEEE professionnels et ménagers. C’est pour cette raison que la feuille de route sur l’économie circulaire, dont découlera la loi du même nom, se focalise essentiellement sur les biens ménagers de grande consommation qui sont entre les mains des particuliers au moment de leur fin de vie.
Des synergies au service de la gestion des DEEE professionnels
Concernant les DEEE professionnels, la filière a mis en avant sa volonté d’améliorer le taux de collecte et de recyclage des équipements en fin de vie. La fusion des deux éco-organismes Éco-systèmes et Récylum sous l’entité commune ESR va dans ce sens. Récylum est en charge de la collecte des lampes, des DEEE professionnels et des petits appareils extincteurs, quand Éco-systèmes se charge des DEEE ménagers (électroménager). Des synergies existent donc entre ces deux acteurs.
L’objectif de cette fusion est de mutualiser la collecte, le transport, la dépollution et le recyclage, comme nous l’explique Hervé Grimaud, directeur de Récylum : « Nous travaillons en amont avec les metteurs sur le marché. Pour ces acteurs, s’adresser à un interlocuteur unique leur apporte une simplification administrative. En aval, nous assurons la collecte des différents types d’équipements, que nous pouvons ainsi collecter d’un seul coup. Cette fusion nous permet donc de mutualiser la logistique et ainsi de gagner en efficacité. » Une réorganisation qui implique quelques réglages : « Cette réorganisation a démarré par l’amont et se poursuivra par l’aval avec une mutualisation des flux effective courant 2020 », poursuit Hervé Grimaud.
Augmentation du volume d’équipements recyclés
Cette nouvelle organisation permet donc de faire augmenter les volumes collectés. Un autre facteur concourt au même objectif : les habitudes des professionnels. Ils sont de plus en plus habitués à trier dans leur sphère privée, habitude qui se répercute sur leurs habitudes professionnelles. « Pour le segment des professionnels, le geste de tri arrive plus progressivement, en raison de diverses contraintes techniques que n’ont pas les particuliers. Depuis 2010, Récylum apporte une réponse pour chaque détenteur, avec notamment la mise à disposition de bacs de tri chez les différents distributeurs de matériel électrique ou chez les acteurs de la maintenance. Nous constatons que l’appétence des professionnels pour le sujet du recyclage augmente, et de plus en plus d’entreprises comprennent les enjeux », poursuit Hervé Grimaud.
Récylum a lancé en 2015 une expérimentation sur le recyclage des déchets de second œuvre du bâtiment, baptisée Démoclès, en partenariat avec l’Ademe. L’objectif de cette démarche est d’accroître le recyclage des déchets de second œuvre issus de la démolition ou de la rénovation des bâtiments en améliorant leur traçabilité : « La traçabilité est pour les déchets électriques un enjeu de taille, car leur trafic à l’échelle mondiale est un fléau qu’il faut endiguer. Pour cela, nous avons besoin de l’appui des pouvoirs publics, mais aussi de la coopération de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur du bâtiment. La traçabilité des déchets électriques issus des chantiers sera aussi un moyen de les détourner des bennes à ferrailles où ils finissent trop souvent et ainsi permettre une dépollution appropriée avant leur valorisation », conclut Hervé Grimaud.
Zoom sur la démarche Play EC du Gimélec
Annoncée il y a quelques mois et prévue pour être débattue avant l’été, la loi sur l’Économie circulaire cible essentiellement les biens de grande consommation ménagers et elle ne pourra que renforcer la dynamique de progrès pour les biens professionnels. Une Loi qui viendra fixer des mesures sur la réparabilité, redéfinir les obligations des metteurs sur le marché et renforcer les actions en cours, pour le secteur du B to C en priorité.
Rappelons que la France bénéficie d’une certaine avance sur le sujet du recyclage des DEEE professionnels, souvent en raison de l’engagement des fabricants. Il est important toutefois de rappeler que seuls 25 % des DEEE professionnels font actuellement l’objet d’une dépollution et d’un recyclage conformes à la réglementation. Des marges de progression existent donc.
Alexandre Arène