Chaque bâtiment aura-t-il bientôt son double numérique, véritable recueil d’information structurée, et point d’appui indispensable à sa maintenance et sa bonne exploitation ? 2019 sera-t-elle l’année de la révélation du BIM ?
Le sujet est en tout cas une formidable opportunité et un vrai challenge pour la filière et chaque projet conduit au quotidien architectes, bureaux d’étude, entreprises et maitres d’ouvrage à se poser la même question : comment faire pour que le numérique et ses processus ne compliquent pas les relations et les échanges entre acteurs de la maitrise d’œuvre ou avec le maitre d’ouvrage et apporte sa pleine valeur ajoutée à toutes les étapes du projet ?
Le BIM, la preuve par l’exemple, en conception et en construction
Pour, François Metteil, directeur France Trimble Building, éditeur de solutions BIM, « le marché du BIM, pour sa partie « MEP », c’est-à-dire les bureaux d’études fluides et électricité, a considérablement mûri en quelques mois. Les entreprises ont compris que le BIM était avant tout une méthodologie de projet qui permettait de mieux collaborer entre les différents intervenants d’un projet de construction ».
C’est aussi une finalité pour obtenir une maquette qui soit opérable et exploitable dans le temps. Le DOE numérique devient un atout. De ce fait, l’intérêt pour les outils contribuant à la réalisation de la maquette 3D s’est recentré sur la capacité à répondre fonctionnellement aux besoins de l’entreprise avant de savoir s’il utilise tel ou tel format, ou si les échanges doivent se faire en IFC ou pas.
« Nos solutions logicielles Trimble Plancal Nova et Stabicad présentent l’avantage de répondre précisément à ce besoin fonctionnel en intégrant totalement le dessin 3D et les calculs associés pour le dimensionnement des réseaux fluides et électricité, en format RVT ou en format indépendant, et ce à tous les stades, de l’avant-projet sommaire (APS) au détaillé (APD), en passant par le DCE et l’EXE », souligne François Metteil.
L’objectif ne doit pas se limiter à fournir des solutions sur la phase conception, mais aussi de permettre de construire : les stations d’implantations (Trimble RTS ou RPT600) intègrent, via une tablette, les maquettes 3D et facilitent considérablement le traçage et les relevés de mesure pour réaliser le chantier. La société Desbarbieux Frères témoigne ainsi d’une adoption réussie depuis 2017 de cette station, avec un usage sur chantier de façon hebdomadaire, ce qui apporte rigueur et précision dans l’implémentation des éléments et réservations en conformité avec les plans de la maquette numérique.
Pour les projets de rénovation, le scan 3D permet d’établir des relevés de mesures ultrarapide et précis, par exemple 1 000 000 de points/seconde avec 2 mm de précision à 100 m pour notre gamme de scans. Le logiciel de traitement va ensuite nettoyer et recaler le nuage de points issu du scan, et apporter des fonctions de reconnaissance automatique de forme pour permettre l’export en format « .e57 » ou « DWG ». L’image scan peut alors être intégrée dans un logiciel de dessin du marché tel Sketchup, Tekla, Nova, Revit, AutoCad, ArchiCAD, Allplan… pour recréer la maquette 3D.
Les fabricants sont aussi dans le BIM
Il y a manifestement un intérêt grandissant des fabricants pour la création de bibliothèques BIM de leurs produits. Pour exemple, la base de données des fabricants du génie climatique ATITA, ouverte et compatible avec tous formats d’échanges (DTHX, AutoCad, PIM…), et qui référence 37 marques avec plus de 20 000 produits.
« Les fabricants de la filière électrique ne sont pas en reste non plus. Au sein de BEG, nous avons fait le choix en 2015 de travailler avec le logiciel Revit et de modéliser notre gamme de détecteurs de mouvement et de présence pour le tertiaire, soit une vingtaine de familles », témoigne Ludovic Becourt, responsable pôle Prescription au sein de BEG France. « Et nous avons conçu aussi un outil, sous la forme d’un plug-in gratuit, pour aider les BE ou le prescripteur à positionner le bon produit au bon endroit. La proposition de solution se fait en fonction du local et de ses contraintes, par exemple la nature du plafond, la hauteur de montage, l’intégrabilité du produit et ses performances de détection… pour enrichir aisément la maquette. »
« Mais en parallèle, le constat est qu’en 2018, à l’exception des grands projets, c’est le privé qui fait l’essentiel des projets BIM, énonce l’expert de BEG France. Ce ne sont pas les fabricants qui peuvent promouvoir le BIM, mais ils sont prêts. S’il y avait eu obligation, nul doute que la montée en puissance aurait été plus rapide, ne serait-ce que parce qu’il y a encore eu trop peu de projets « full BIM » en 2018, et que de fait, les bureaux d’études qui se sont formés ou qui sont de taille modeste ont eu du mal à franchir le pas complètement », poursuit l’expert.
Parole d’experte
Héloïse Jacob, directrice Produit de Data Soluce, qui propose une solution de gestion Saas collaborative de projet de construction.
Comment évolue l’usage du BIM sur les chantiers Français ?
Le BIM se généralise grandement, du moins chez les gros acteurs de MOA qui, désormais, l’imposent en amont des concours aux équipes de MOE et ensuite aux marchés travaux. Après des déceptions où l’absence de formulations claires des usages de la maquette a pu conduire à des productions BIM inexploitables, aujourd’hui, la MOA sait formuler plus précisément ses besoins au regard de la production de données. Il est acquis qu’au-delà des maquettes 3D graphiques, le véritable enjeu réside dans le renseignement nécessaire et suffisant d’une donnée juste, unique, centralisée et structurée. La MOA doit pouvoir exiger des équipes de conception et travaux un véritable « double digital » de son bâtiment. Qui plus est, les « doubles digitaux » des projets, au travers d’une base de données structurée, en neuf ou en réhabilitation, leur permettent de mutualiser les informations pour tendre vers une réelle logique patrimoniale de leur parc.
Cependant, le niveau de maturité en BIM reste disparate : le BIM exploitation n’est pas encore aussi fonctionnel que peuvent l’être le BIM conception et, encore plus, le BIM exécution.
En phase d’exécution, les grandes entreprises du BTP ont massivement et plus aisément investi dans le BIM que les « plus petits » acteurs travaillant en conception. De plus, le gain de temps d’un traitement de projet en BIM bénéficie aujourd’hui davantage à la phase exécution, car la faculté d’anticipation s’est accrue : les études, mieux étayées en conception, ont permis de réduire les incohérences de données et donc de limiter les « erreurs » coûteuses en chantier.
Ajoutons que l’usage du BIM nécessite aussi un certain investissement en formation, en acquisition de logiciels, voire en mise en process des équipes pour capitaliser sur les travaux réalisés au fil du temps. Ainsi, ce sont principalement les grands acteurs qui ont pu saisir l’opportunité de se convertir au BIM. C’est aussi chez eux que les gains de temps par la rationalisation des process sont les plus visibles.
Ensuite, selon les typologies de projets, l’usage du BIM est plus ou moins généralisé : le secteur tertiaire (bureaux) et l’hospitalier sont déjà passés au BIM, avec des programmes plus normés, où il est de facto plus aisé de capitaliser les informations d’un projet et donc où l’intérêt de l’usage du BIM est bien identifié. Les projets en programme de logements restent encore le plus souvent conçus en 2D. Le tertiaire et le secteur hospitalier ont aussi une longueur d’avance, car les projets en moyenne sont plus conséquents en surface de construction mais aussi en nombre d’équipements, avec une complexité et donc des coûts de maintenance plus élevés. La centralisation d’une base de données structurée, actualisée et fiabilisée autorise une gestion plus efficace et prédictive de la maintenance du bâtiment, ce qui réduit les coûts d’exploitation. Les maîtres d’ouvrage ont donc été sensibles beaucoup plus tôt aux bénéfices du BIM sur leurs projets.
Quels sont les enjeux et risques sur les données du BIM ?
L’enjeu se situe au niveau de la centralisation d’une donnée fiable, unique et sécurisée et produite au fil de l’eau, de la conception du bâtiment à sa livraison pour constituer finalement le double digital du bâtiment, reflet « tel-que-construit » du bâtiment physique. Par exemple, au sein d’une même spécialité (structure, architecture, façades) on doit assurer une cohérence entre des données écrites et graphiques trop souvent dissonantes : ce qui est modélisé en 3D n’est pas toujours présent dans les pièces écrites techniques, et inversement. Couplés à des erreurs humaines, ces défauts de spécifications se répercutent en phase exécution. Il est donc indispensable de trouver un modèle de structure de données assurant une réelle cohérence entre pièces écrites et graphiques et établissant un langage commun entre les acteurs du projet. C’est ainsi que les silos de données des grandes phases projet (Programme – conception – exécution – maintenance) pourront être dépassés et qu’une réelle continuité de la donnée pourra être assurée tout au long de la durée de vie du projet.
2019 pour concrétiser la dynamique du BIM ?
2018 a marqué les prémices d’une structuration du BIM sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. La charte d’utilisation du BIM lancée par la SBA (Smart Building Alliance) avec l’appui des principaux acteurs pionniers du BIM en France, a en cela marqué un tournant majeur. 2019 sera donc l’année de la concrétisation de cette dynamique, avec la convergence des acteurs vers des usages BIM et des approches communes, et l’apparition des premiers « doubles digitaux » des bâtiments, exploitables sur l’ensemble du cycle de vie des projets immobiliers. Les technologies et les pratiques des acteurs sont désormais matures pour voir apparaître et se concrétiser une telle révolution.
Le boum du BIM, c’est pour 2019 ?
« En 2018, nous avons une croissance significative de demandes en formation ou d’accompagnement en management de projets BIM, notamment pour développer les compétences des chargés d’affaires, augmenter la perception des besoins et contraintes de chaque acteur du projet – et non pas de son propre besoin – et apprendre à œuvrer collectivement pour un but commun », pointe Olivier Le Frapper, dirigeant de Formalisa qui œuvre, avec son équipe, en conseil et formation sur le BIM.
Évidemment, « tout le monde » n’est pas encore passé au BIM, et l’on est encore loin des usages de la maquette numérique de nos voisins anglais ou allemands, et le BIM Niveau 2 est accessible, mais difficilement sur tous les lots.
Avec la multiplication des projets, l’expérience acquise y inclus dans des bureaux d’études de taille réduite, l’ensemble des acteurs a cependant progressé dans son adoption et 2019 peut s’annoncer comme un passage à l’acte amplifié de la mise en œuvre du BIM. « Si toutefois l’écosystème d’applications interconnectées (API, IoT) permettant à chacun d’intervenir sur sa partie en toute transparence et en toute sécurité et sûreté des données se renforce, et que les interfaces de logiciels nécessaires pour assurer la continuité de l’information se peaufinent pour éviter les pertes de données entre les phases du projet », tempère l’expert.
Pour approfondir :
– Livre – « Revit Architecture – Développement de projet et bonnes pratiques », de Julie Guézo et Pierre Navarra, éditions Eyrolles.
– Base de données des fabricants du génie climatique ATITA : www.catalogueuniclima.fr
– Salon BIM WORLD Paris : les 2 et 3 avril 2019.
– Plan BIM 2022 : le lien pour le télécharger : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/2018.11.15_plan_bim_2022.pdf
Jean-François Moreau
en plus, à mesure des améliorations considérables offertes par la simulation numérique, dans le domaine de la sécurité du travail aussi , les outils de simulation offrent aux travailleurs l’opportunité d’une mise en situation virtuelle de risques : http://www.officiel-prevention.com/formation/materiel-pedagogique/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=182&dossid=539 …