Dès 1868, la Société géologique de France émet le vœu que soit établi un musée des richesses pétrographiques et paléontologiques de la ville de Lodève. Le 25 janvier 1957, une délibération du conseil municipal crée officiellement le musée de Lodève, avec avis favorable du directeur du Muséum national d’histoire naturelle. Installé dans la chapelle des Carmes, le musée est inauguré en 1962 sous le nom de son principal donateur, l’archéologue Jacques Audibert. Dix ans plus tard, la veuve du sculpteur Paul Dardé, enfant du pays, cède à la ville le fonds d’atelier de son époux et, en 1978, l’intérêt de rassembler les deux collections se concrétise, menant à l’inauguration des locaux actuels en 1987. Commencé en 2014, un chantier de modernisation et d’agrandissement du musée mené pendant quatre ans a permis de doubler les surfaces d’exposition en y associant une muséographie entièrement nouvelle. L’agence d’architectes Projectiles a choisi d’intercaler une façade contemporaine marquant la nouvelle entrée du musée. La forte minéralité du projet à l’extérieur et à l’intérieur fédère les différentes époques de construction et agit comme un liant, à la fois symbolique et structurant. « La revalorisation patrimoniale s’accompagne d’un retraitement de l’ensemble des espaces extérieurs du parvis tandis qu’à l’intérieur, la dialectique minérale entre l’architecture historique et contemporaine accueille une diversité de typologie scénographique où plusieurs niveaux d’approche sont convoqués pour une perception tout en nuances. Il s’agit d’en proposer une lecture argumentée, sensible, et non exclusivement descriptive grâce à l’aménagement de véritables paysages muséographiques identifiables, dépassant tout caractère décoratif », commentent les architectes. Ainsi, le musée s’étend désormais sur plus de 3 200 m² et trois niveaux. La nouvelle mise en lumière accompagne la scénographie de chaque thème, entraînant même parfois le visiteur jusqu’au cœur de la narration muséographique.
Révéler sans se dévoiler
Passé l’accueil qui bénéficie d’une ambiance claire et confortable, le visiteur pénètre dans l’univers de Paul Dardé, « Mémoires de pierre », dont les sculptures et dessins sont présentés dans cinq salles au rez-de-chaussée. « La principale difficulté, précise Nina Cammelli, conceptrice lumière, chef de projet, Atelier H. Audibert, résidait dans le fait d’éclairer des salles déjà très claires, dotées de parois blanches et baignées de lumière du jour. En parallèle, nous devions trouver une solution la plus discrète possible pour intégrer les luminaires dans les voûtes, sans nuire aux moulures des plafonds. » Les œuvres – des bustes pour bon nombre d’entre elles, mais aussi des gravures et dessins – disposées sur des tables basses en bois sont éclairées par des mini-projecteurs orientables installés sur deux rails parallèles qui se fondent dans l’architecture des salles. « Tous nos choix, comme celui d’une température de couleur chaude (3 000 K), se sont effectués en concertation avec les architectes, ajoute Nina Cammelli. La conception lumière de ce projet est vraiment le fruit d’échanges constants avec les scénographes et les graphistes. Dans la salle intermédiaire entre l’espace Dardé et la salle archéologique, toutes les équipes ont réfléchi ensemble à la façon d’éclairer les dessins de l’artiste exposés dans des tiroirs. » La solution : un dispositif déclenche l’éclairage dès qu’une personne ouvre un tiroir. Pour les armoires vitrées, la réponse se décline en réglettes LED installées au-dessus des vitrines et orientées vers le plafond, qui mettent ainsi la pierre en valeur et éclairent en indirect les objets. La salle « Empreintes de l’Homme », qui clôt le parcours au rez-de-chaussée, est consacrée à la fin de la préhistoire, avec une douzaine d’éléments multimédias qui reconstituent des tranches de vie. Les objets exposés témoignent des activités des hommes et de leur savoir-faire. C’est le temps des premiers villages, des grottes-citernes, des dolmens, des grottes sépulcrales et des premières mines de cuivre. Un patrimoine régional riche, aux histoires singulières, qui est reconstitué comme un véritable voyage dans le temps. L’espace est ponctué de nombreuses vitrines et « grottes » (sortes de niches ouvertes des deux côtés) qui présentent des pièces, trouvées pour la plupart dans la région. Là encore, l’éclairage est réalisé à l’aide de mini-projecteurs de 3 000 K dont les faisceaux, réfléchis par les objets, semblent émaner de ces derniers. Les vitrines bénéficient quant à elles d’un rétroéclairage à LED intégré tandis que les grandes frises murales reçoivent la lumière de wallwashers disposés au plafond.
Lumières fonctionnelles et participatives
Le premier étage est dédié aux expositions temporaires. Afin d’offrir une flexibilité maximale, les concepteurs lumière de l’Atelier Audibert ont joué la carte de la fonctionnalité et ont opté pour des projecteurs installés sur rails, dotés de faisceaux variables. Ainsi, pour chaque exposition, les éclairagistes pourront adapter l’éclairage en ajoutant ou soustrayant des projecteurs, avec la possibilité d’ajuster leur orientation à chaque fois. Au deuxième étage, la salle « Traces du vivant » propose 700 m² en immersion dans l’histoire de la Terre depuis 540 millions d’années. Il est ainsi possible de suivre le fil des allées et venues de la mer, le mouvement des continents, les changements climatiques, l’activité des volcans. Chaque salle plonge le visiteur dans une période géologique – Carbonifère, Permien, Trias, Jurassique, Miocène – avec ses paysages, ses animaux et ses plantes. Des contenus multimédias permettent de comprendre la formation des continents, l’évolution des espèces ou encore le travail des chercheurs. « Nous avons littéralement associé les jeux de lumière aux descriptifs audiovisuels, explique Nina Cammelli. Notamment dans l’espace qui présente une terre craquelée, les marques de pas des dinosaures sont identifiées par la lumière au sol synchronisée avec les explications qui sont diffusées dans la pièce. Autre exemple, dans la salle hémisphérique, la paroi comprend des informations qui s’illuminent au fur et à mesure que le visiteur avance dans le parcours muséographique. » Partout, les espaces s’animent de lumières qui servent le propos scénographique, tandis que les appareils disparaissent au profit de l’effet lumineux comme les wallwashers linéaires disposés entre les lames du plafond. « Quand l’espace est beau, la lumière doit être belle », conclut Nina Cammelli.
Voir articles des réalisations de l’Atelier Hervé Audibert : La mise en lumière du restaurant du Palais de Tokyo (Lumières N°23 – ZOOM) et le musée national estonien (Lumières N°18 – Projet)