Chauffage collectif ou individuel, quelles solutions ?

Cascade de pompes à chaleur géothermiques Vitocal 300-G. (c) Viessmann

La question est assez récurrente et se pose en termes non seulement d’enjeux de performances, d’exploitation, mais aussi de confort. Quelles tendances se dégagent avec le mix énergétique, les objectifs d’amélioration des bilans environnementaux et la future réglementation ?

La réponse est d’abord liée à la typologie de bâtiment
« Dans le cas d’un immeuble de logements comprenant moins de 20 lots, la solution individuelle sera généralement retenue, puisqu’on peut estimer que le coût cumulé des installations individuelles sera inférieur à celui d’une chaufferie collective. De plus, une chaufferie nécessite un local dédié, et donc une perte de surface de parking ou cave. Les maîtres d’œuvre privilégient donc souvent cette solution, puisque la surface n’est retenue ni dans les espaces communs ni dans le calcul des surfaces de logements », introduit Thibaut Rémy, secrétaire général du SNEC (Syndicat national de l’exploitation climatique et de la maintenance). D’une façon générale, plus le bâtiment comporte de logements, plus la solution collective sera intéressante financièrement.

Thibaut Rémy

Par ailleurs, la forme des logements peut aussi définir des contraintes techniques, citons notamment l’évacuation de chaque chaudière individuelle qui doit se faire soit par un conduit collectif 3CEp ou bien avec autant de ventouses que de chaudières. « Ensuite, le type de maître d’ouvrage est un second élément déterminant : un bailleur choisira plus facilement une installation collective avec une répartition des charges, alors qu’un promoteur se penchera davantage sur des installations individuelles », ajoute-t-il.

Max Maurel, fondateur du BET Maya

En neuf, les besoins de chauffage sont de plus en plus faibles
« Plus on tend vers des bâtiments performants, du BBC (bâtiment basse consommation) vers le passif, plus les besoins de chauffage sont réduits. On peut par exemple trouver intérêt à installer une chaudière de 25 kW pour un ensemble de 8 logements. En multipliant le nombre de générateurs, on multiplie les puissances facilement d’un rapport 5 entre la chaudière collective et les chaudières individuelles », précise Max Maurel, dirigeant du bureau d’études thermiques, fluides et environnement Maya Construction Durable. Le chauffage collectif peut donc trouver toute sa place sur des projets plus petits, la performance du calorifugeage du réseau de distribution limite beaucoup les déperditions et les pertes sont assez similaires à des mises en place de chaudière individuelle.

Fabrice Morel

L’électrique est encore possible en neuf
« Prenons l’exemple d’un bâtiment avec une isolation très renforcée, les besoins de chauffage sont tellement faibles que nous avons réalisé un projet qui conjugue des solutions ballon thermodynamique pour l’eau chaude sanitaire (ECS), des panneaux photovoltaïques pour la consommation des parties communes, et un chauffage électrique individuel avec pilotage intelligent par logement », illustre Fabrice Morel, directeur technique de FL3C, qui réalise en maîtrise d’œuvre notamment des petits collectifs et des bureaux. La solution avec une PAC (pompe à chaleur) air-eau est également possible mais s’installe principalement sur les petits projets avec toit-terrasse, en individuel ou en collectif ; cependant, pour les petits collectifs, les promoteurs privilégient encore pour l’instant le gaz et la chaudière à condensation.

« Il ne faut pas oublier les solutions innovantes, telles les unités individuelles de chauffage basées sur des micro-calculateurs, encore appelées chauffage numérique. Nous sommes à l’étude pour mettre en place une solution avec des unités de puissance unitaire de 500 W, sur les T1 d’une opération en cours d’étude », illustre Mohamed Ahmane, chargé d’opérations au sein de Sogemac Habitat.

Chauffage individuel, à chacun son confort ?
« Hormis le gain de place pour le promoteur, l’avantage de cette solution est que le locataire est maître de son installation, il peut démarrer ou arrêter la production de chaleur à souhait. En revanche, il est responsable de son installation et donc soumis aux frais de maintenance – environ 80 à 120 € par an –, à l’entretien de son installation, changement de chaudière, robinetterie…, et doit payer un abonnement de gaz », introduit Thibaut Remy, du SNEC.

Reliés à une installation collective, les modules thermiques d’appartement constituent une bonne alternative à la chaudière individuelle. « On a ainsi une solution de chauffage collectif, sans perte de place dans le logement, avec une seule colonne montante chauffage et ECS, et qui permet de régler le confort de façon individuelle, dans chaque logement », explique l’expert de Maya. Un marché de ce fait qui se développe rapidement, selon Éric Kuczer, chef de produit chez Viessmann.

Chaufferie collective, optimum d’exploitation et efficacité énergétique
« Nos adhérents au SNEC proposent des services d’efficacité énergétique pour les chaufferies collectives. Contrairement aux prestations de maintenance, où l’objet du contrat est le fonctionnement des installations, les contrats de résultats proposés par nos adhérents reposent sur un engagement contractuel de respect des consommations. Il en découle nécessairement une implication forte de l’exploitant dans le fonctionnement optimal des installations. Cela se traduit par la mise en place d’un véritable système de management de l’énergie (SME) comprenant des organes de régulation, pilotage, monitoring », explique Thibaut Remy.

De plus, l’exploitant ayant une connaissance parfaite de l’installation, il sera plus à même de proposer des offres de rénovation dans le cadre d’un contrat de performance énergétique (CPE). Dans ce type de contrat, l’exploitant recherche l’optimum technico-économique pour faire réaliser des économies d’énergies à son client : changement de la chaudière, équilibrage et isolation des réseaux, optimiseur de relance… Une fois les travaux réalisés, l’exploitant s’engage sur les économies d’énergie prévues au contrat, faute de quoi il prendra en charge les surconsommations. Généralement, les économies d’énergie permettent de rentabiliser les investissements en 8 à 10 ans.

La chaufferie collective ouvre le champ des possibles au mix énergétique
En grande majorité, chauffage individuel rime aujourd’hui avec chaudière gaz condensation, de par sa flexibilité. Une équation amenée à changer à l’avenir, avec la montée en puissance des solutions avec mix énergétique liée à la réglementation, pour notamment limiter les émissions de carbone, analyse Max Maurel, du BET Maya : « Nous réalisons d’ores et déjà de plus en plus de projets qui s’appuient sur des réseaux de chaleur, s’ils sont disponibles près de la réalisation, mais aussi sur l’énergie biomasse quand l’accessibilité du bâtiment le permet. Le raccordement d’un ensemble de bâtiments à un réseau de chaleur permet de mutualiser la production pour un maximum de surface chauffée, et donc d’avoir un pilotage des plus performants, tout en ayant la possibilité de mixer les sources d’énergie, biomasse, pompe à chaleur, biogaz, solaire. »
La future réglementation thermique (ou réglementation environnementale) 2020 prendra en compte l’analyse de cycle de vie (ACV) du bâtiment, c’est-à-dire l’énergie et les émissions de carbone nécessaires à sa construction, son utilisation et sa démolition. On comprend alors que la multiplication des chaudières va rapidement peser en défaveur des installations individuelles. Contrairement à une installation collective, où un seul appareil, plus important certes, permettra le chauffage de tout le bâtiment.

Cascade de pompes à chaleur géothermiques Vitocal 300-G. (c) Viessmann

Un avis en partie partagé par Éric Kuczer, de Viessmann, qui ajoute que nous sommes à une période charnière, entre la disparition/modification de certaines aides, la RT actuelle, remplacée par la l’arrivée de la future RE RBR 2020 et du mix énergétique. Et les solutions sont multiples : « PV en autoconsommation avec stockage en hydraulique (alimentation du ballon thermodynamique ou de la PAC) ou batteries et PAC, cogénération, biomasse, la chaufferie collective laisse grand ouvert un large champ des possibles. En tant que fabricant, nous nous devons d’être prêt pour les panachages et les combinaisons d’énergie qui font sens, notamment pour décarboner au maximum les solutions et limiter l’impact environnemental, tant en rénovation qu’en neuf. »

Jean-François Moreau


Maîtrise d’ouvrage, le point de vue de Sogemac Habitat

Mohamed Ahmane, chargé d’opérations Sogemac Habitat

Une illustration avec le projet de la résidence Suresnes

Nous avons acquis en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) 85 logements, dont une première tranche a été livrée en juin 2018 et une seconde tranche sera livrée en fin d’année, sur un ensemble immobilier de 248 logements. Sur ce projet, conforme à la réglementation technique RT 2012, la solution technique choisie pour le chauffage a porté sur un équipement électrique individuel pour nos locataires, en complémentarité avec un système de pompe à chaleur. Il a été mis en place un collecteur sur les eaux usées qui alimente une cuve de 12 000 litres. L’échange des calories des eaux usées en entrée des deux PAC « Facteur 7 » de Solaronics permet d’alimenter ensuite en ECS la résidence. Il est ainsi récupéré en moyenne de 8 à 10° qui, sans cela, auraient été totalement perdus au tout-à-l’égout


 

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