Pour ceux qui n’avaient pas manqué de vanter le rôle moteur de la France, après la COP21, c’est la douche froide. Depuis décembre 2015, Paris, qui avait des airs de premier de la classe en matière de changement climatique, a petit à petit « gagné » le statut d’élève en difficulté. Voire en retard. En juillet dernier, un document de travail du ministère de la Transition écologique et solidaire indiquait effectivement que la France devrait dépasser de 6 % son volume maximum d’émissions de gaz à effet de serre (GES) ; sur la période 2014-2018, celui-ci pourrait ainsi atteindre 458 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2), contre 440 millions prévus initialement. A terme, pourtant, la loi relative à la transition énergétique, adoptée en 2015, a fixé comme objectif une baisse de la consommation finale d’énergie de 20 % d’ici 2030 – et 50 % d’ici 2050.
Soutenir les énergies renouvelables thermiques
Si les secteurs du bâtiment et des transports sont directement mis en cause, dans le document de travail ministériel, c’est plus globalement sur celui des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) que la France pourrait, selon certains, agir. Ces sources, extrêmement polluantes, rejettent énormément de CO2, le gaz à effet de serre par excellence, qui empêche « le rayonnement thermique d’aller se dissiper dans l’univers » pointe Maxence Cordiez, ingénieur, dans une tribune publiée par le Figaro Vox. Pour rappel, leur consommation devra reculer de 30 % d’ici 2030, selon la loi relative à la transition énergétique. Ce qui nécessite un changement de cap.
Jusqu’à présent, la France s’est toujours reposée sur ses/les hydrocarbures pour satisfaire ses besoins énergétiques. Ces sources, effectivement, « présentent l’intérêt d’être facilement accessibles, peu chères, concentrées et stockables sans effort, contrairement à l’électricité qui se stocke mal, et avec des pertes conséquentes » indique Maxence Cordiez. A l’inverse, « les sources d’énergie bas-carbone ont d’autres inconvénients, tels que l’intermittence dans le cas du solaire et de l’éolien ». Et, peut-on ajouter, un manque de financements de la part de l’Etat. La Cour des comptes, dans un rapport rendu public en avril dernier, avait ainsi pointé du doigt les incohérences et l’inefficience de la politique française de soutien aux énergies renouvelables (EnR). Celle-ci faisant la part belle à l’hydraulique, l’éolien et au solaire, au détriment du thermique, pourtant jugé efficace pour respecter les engagements de la France – 23 % d’énergies vertes dans la consommation finale d’ici 2020.
Le bois et les déchets de bois, les résidus agricoles ou urbains, la géothermie basse température, les carburants de substitution – comme l’huile végétale – : les sources thermiques sont nombreuses et, contrairement aux EnR, qui peuvent être transformées en électricité, celles-ci sont utilisées directement comme carburants ou pour des usages thermiques. Et, d’après la Cour des comptes, la France pourrait (et devrait) s’appuyer sur ces énergies aussi bien que sur les renouvelables ; problème, selon les sages de la rue Cambon : l’Etat doit les soutenir, en augmentant par exemple les moyens du Fonds chaleur – qui permet de financer les projets de gaz et de chaleur verte par les collectivités et les entreprises.
Révision attendue de la PPE
Autre écueil à gommer, présent d’ailleurs dans le document du ministère de la Transition énergétique : les mauvais résultats énergétiques du bâtiment. Le logement « compte [effectivement] pour près d’un quart (24 %) dans l’empreinte écologique française en hausse depuis 2015 » selon Les Echos. En cause, un soutien indirect aux énergies fossiles dans le secteur du bâti ; la chute des cours du pétrole, en 2014, a incité les pouvoirs publics à miser sur l’or noir pour le logement – synonyme, donc, de fortes émissions de GES. D’où l’intention du désormais ex-ministre de la Transition énergétique, Nicolas Hulot, de rénover 500 000 logements par an afin d’alléger la facture énergétique ; d’ici 2050, le secteur du bâti devra d’ailleurs atteindre la neutralité carbone. Une véritable gageure si l’on en croit les différents rapports et études sur le sujet.
Myrto Tripathi, conseillère du président du Business & Climate Summit, de tacler à ce titre dans une tribune la Réglementation thermique 2012 (RT2012), qui impose une limite de consommation d’énergie inégale selon son origine, primaire (gaz, fioul, charbon) ou secondaire (électricité), grâce à une méthode de calcul qui privilégie, selon elle, les énergies fossiles. « Cet indicateur fait artificiellement que pour la même quantité imposée par la réglementation, vous pouvez consommer plus de gaz que d’électricité pour la même quantité d’énergie finale, estime-t-elle. Les promoteurs immobiliers peuvent donc installer des chaudières à gaz plutôt que des électriques, vous poussant à consommer plus, et de l’énergie […] polluante, plutôt que de [vous] obliger à faire des efforts d’isolation ». Une situation tolérée par les pouvoirs publics, qui n’ont pour l’instant pas fait grand-chose pour décorréler bâtiment et énergies fossiles.
Depuis la RT2012, le fioul, le charbon et le gaz sont effectivement privilégiés dans le calcul de la consommation énergétique d’un logement. Pire, les installations qui utilisent de l’électricité se voient pénalisées par un coefficient de 2,58. La raison ? Cette énergie n’existe pas à l’état naturel et nécessite une transformation ; pour ne pas dépasser la limite de consommation d’énergie primaire de 50 kWh/m2/an fixée par la RT2012, un système électrique ne doit donc pas consommer plus de… 20 kWh/m2/an. Un non-sens écologique que la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), document qui fixe les objectifs de la France en matière énergétique, dont la révision est prévue pour la fin de l’année, devra dépasser.
Tribune soumise en ligne par D.C.
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