La lumière naturelle, ou lumière du jour, influe sur nos humeurs et notre santé au quotidien, mais aussi sur le parti pris architectural. Elle joue également un rôle important à la fois dans la gestion du bâtiment en termes d’économies d’énergie et dans l’amélioration du bien-être des utilisateurs, autant à la maison qu’au travail, avec des implications ergonomiques, physiologiques et psychologiques.
Le rôle de la lumière naturelle à l’intérieur des bâtiments constitue un enjeu important. En effet, avec un équipement performant et une gestion efficace de l’éclairage artificiel, s’adapter à la lumière du jour permet de réaliser des économies en kWh (et donc en CO2) pouvant aller de 20 à 50 %. En outre, la lumière naturelle participe largement au confort visuel et il est nécessaire de se fixer un objectif pour l’éclairement naturel dès l’élaboration du cahier des charges du projet architectural. L’INRS, dans une fiche pratique consacrée à l’éclairage naturel, rappelle que sa qualité est souvent meilleure que celle de l’éclairage artificiel, ainsi que le rendu des couleurs qui a une influence positive pour la détection des défauts, l’amélioration de la qualité et de la sécurité. « La lumière naturelle permet également de conserver un contact avec l’extérieur, ce qui, tout en permettant de diminuer les contraintes physiques et psychologiques, présente un intérêt pour les économies d’énergie. Un éclairage naturel mal conçu a cependant des conséquences négatives en termes d’éblouissement comme il peut accroître la chaleur, en été, à l’intérieur des locaux par l’effet de serre », explique l’Institut national de recherche et de sécurité.
Le Code du travail, dans sa partie réglementaire (décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, art. V), comporte trois articles qui concernent spécifiquement la lumière naturelle. Il s’agit de l’article R4213-2 qui stipule que « les bâtiments sont conçus et disposés de telle sorte que la lumière naturelle puisse être utilisée pour l’éclairage des locaux destinés à être affectés au travail, sauf dans les cas où la nature technique des activités s’y oppose », engageant par là même la responsabilité du maître d’ouvrage. L’article R4213-3, relatif à la vue directe sur l’extérieur, traite plus de l’aspect psychologique – « Les locaux destinés à être affectés au travail comportent à hauteur des yeux des baies transparentes donnant sur l’extérieur, sauf en cas d’incompatibilité avec la nature des activités envisagées » –, tandis que l’article R4223-3 indique succinctement que « les locaux de travail disposent autant que possible d’une lumière naturelle suffisante ». Par ailleurs, la RT2012, qui met l’accent sur la réduction des consommations d’énergie, implique de laisser une plus grande part à la lumière naturelle de façon à diminuer celle de l’éclairage artificiel. Le calcul s’effectue selon la méthode Th-BCE, qui intègre les paramètres nécessaires à l’évaluation de l’éclairement intérieur naturel : facteurs de transmission effective des baies, protections solaires, masques, orientations, données climatiques, etc.
La méthode réglementaire aboutit à un facteur de disponibilité de la lumière naturelle, donnée extrêmement importante puisqu’elle affecte directement la consommation énergétique de l’éclairage artificiel. Il est donc primordial de veiller, d’une part, à l’orientation du bâtiment et des ouvertures par rapport à la courbe solaire de façon à ne pas perdre d’un côté ce que l’on peut gagner de l’autre (chauffage, ventilation), et d’autre part, aux types d’ouvertures : les apports ne sont pas les mêmes selon qu’on utilise des baies vitrées, des lanterneaux ou des verrières. De plus, l’urbanisme environnant ne doit pas entraver les apports de lumière du jour. Dans certaines agglomérations, les bâtiments sont si hauts et si proches les uns des autres que, malgré de larges baies vitrées, la lumière naturelle pénètre difficilement dans les locaux, d’où l’intérêt de créer des puits de lumière qui permettent à celle-ci de « descendre » à l’intérieur des bâtiments.
Facteur de lumière du jour
Le rayonnement solaire est produit par un phénomène de transformation de l’hydrogène en hélium. Avant sa pénétration dans l’atmosphère, le rayonnement solaire a une répartition spectrale énergétique proche du corps noir. Le rayonnement du ciel « serein » (c’est-à-dire par temps clair) a un spectre déplacé vers le bleu avec des températures de couleur qui varient selon la hauteur du soleil :
Comme on peut le constater, la lumière du jour n’est pas disponible dans les mêmes proportions selon le lieu où l’on se trouve et surtout selon la position du soleil (la saison et l’heure) et les conditions météorologiques, ciel couvert ou ciel serein : le premier dispense un éclairage inférieur au second.
Comment évaluer les apports de lumière naturelle dans ce cas ? Il faut faire intervenir le facteur de lumière du jour, qui admet, par définition, que la distribution des luminances de la voûte céleste reste identique à elle-même. La Commission internationale de l’éclairage a déterminé une méthode pour calculer le « facteur de lumière du jour » (FLJ). Ce facteur est le rapport de l’éclairement naturel intérieur reçu en un point (généralement le plan de travail ou le niveau du sol) à l’éclairement extérieur simultané sur une surface horizontale, en site parfaitement dégagé, par ciel couvert. Il s’exprime en pourcentage. Les valeurs du FLJ sont indépendantes de l’orientation des baies vitrées, de la saison et de l’heure. Une fois que le facteur de lumière du jour en un point du local est connu, il est possible de calculer le niveau d’éclairement en ce point à partir de l’éclairement horizontal extérieur. Le facteur de lumière du jour est considéré comme faible lorsqu’il est inférieur à 2 %, moyen entre 2 % et 5 %, élevé entre 5 et 10 % et très élevé au-delà de 10 %.
Michel Perraudeau, ingénieur Études et Recherche, division Éclairage et Champs électromagnétiques, CSTB, précise qu’une « autre notion doit être prise en compte : il s’agit de l’autonomie lumineuse définie comme le pourcentage d’heures occupées par an durant lesquelles un niveau d’éclairement minimum est maintenu seulement par la lumière naturelle ». Cette définition est reprise dans les calculs d’autonomie des logiciels, notamment pour apprécier la situation du projet par rapport à la lumière naturelle. L’autonomie lumineuse s’obtient grâce aux calculs heure par heure des éclairements dans un bâtiment suivant les conditions climatiques extérieures. C’est donc un calcul dynamique qui tient compte des variations du ciel et de la position géographique du lieu, puisqu’il se base sur des données météo annuelles.
Quand la matière s’efface au profit de la lumière
La lumière du jour pénètre dans les bâtiments par les ouvertures pratiquées dans les parois extérieures. Dans la démarche HQE, une exigence supplémentaire en termes de confort visuel concerne le FLJ dans les zones de premier rang, c’est-à-dire les zones calculées proches des baies vitrées. Le FLJ permet ainsi de relier les besoins en lumière aux caractéristiques des parois du local et d’apporter en conséquence une aide à la décision pour le dimensionnement des baies. Dans le cas où les exigences en FLJ ne sont pas atteintes, plusieurs possibilités peuvent être envisagées : agrandissement et augmentation du nombre d’ouvertures, augmentation de la transmission lumineuse des vitrages, éclaircissement des parois intérieures pour augmenter le coefficient de réflexion moyen.
« Au Japon, nous confie Alain Moatti, architecte DPLG, agence Moatti-Rivière, il existe trois types de fenêtres : une pour voir dehors, une autre pour recevoir la lumière à certaines heures et une troisième fenêtre qui laisse entrer la lumière pour révéler les émotions. En Occident, nous sommes plus pragmatiques, nous utilisons des matériaux différents, souvent le verre, afin de modifier la façon dont la lumière pénètre dans un local. »
Alain Moatti explique que, pour lui, tout projet commence par la lumière. Citons le musée Champollion – Les Écritures du Monde, à Figeac, dont la première façade en pierre est ponctuée de huit baies qui laissent apparaître une seconde façade, en retrait, d’une surface de 120 m, elle-même constituée de 48 panneaux de verre de 3 m par 1,20 m. L’ensemble enserre une feuille de cuivre percée de 1 000 caractères d’écriture. « Cette façade offre une modernité poétique, inspirée par le papillotement de la lumière qui vibre, varie, marque le temps », commente l’architecte.
Dans le cadre du réaménagement du premier étage de la tour Eiffel, Alain Moatti a remplacé le sol opaque en périphérie du vide central par un sol en verre et le grillage du garde-corps par du verre également. L’effet de transparence du verre est progressif, grâce à un traitement antidérapant de l’intérieur vers le vide central sur une emprise de 1,85 m au plus large. La lumière naturelle allège les choses, révèle les objets et fait disparaître la matière. La technique s’efface aussi dans le projet de la Cité internationale de la dentelle et de la mode, dont l’extension offre une façade à double courbure en verre sérigraphié qui capte les gris multiformes des ciels calaisiens en créant une nouvelle lumière.
Limiter ou compenser la lumière du jour
La lumière du jour est transmise, absorbée et réfléchie de façon différente selon la qualité des vitrages. « Ainsi, ceux-ci sont choisis en fonction de leurs facteurs de transmission, d’absorption et de réflexion, explique Michel Perraudeau. Certains verres offrent des solutions qui consistent, par exemple, à éliminer les ultraviolets, à filtrer la lumière ou encore, comme les vitrages à faibles facteurs solaires, qui permettent de réduire l’action thermique des rayonnements. » Outre la qualité des vitrages, il existe des protections propres au bâti telles que pare-soleil, auvents, ou disposées à l’intérieur des locaux comme les rideaux ou stores. À l’inverse, lorsque les apports de lumière naturelle sont insuffisants, il est nécessaire que l’éclairage artificiel prenne le relais afin de disposer d’un niveau d’éclairement constant. Les capteurs de luminosité, appelés aussi détecteurs de lumière du jour, intégrés ou non aux luminaires, déclenchent automatiquement l’allumage de l’éclairage artificiel dès que le niveau d’éclairement descend en dessous de la valeur requise.
Le nouveau bâtiment en verre administratif de l’autorité portuaire d’Anvers, signé de l’agence Zaha Hadid Architects, surmonte une ancienne caserne de pompiers, déclarée monument classé. La lumière, tant naturelle qu’artificielle, répond avec élégance à cette architecture expressive. Lorsque la lumière du jour devient insuffisante, le système de gestion assuré par des modules et des drivers LED de Tridonic prennent le relais : des détecteurs de présence et de luminosité permettent d’obtenir, en permanence, le niveau d’éclairement souhaité en fonction des besoins. Ces deux types de capteurs communiquent avec les drivers LED via DALI. Certains systèmes associent également à ces dispositifs le pilotage des stores électriques, permettant de réduire considérablement les consommations tout en améliorant le confort visuel.
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