Les objets connectés se démultiplient, apportant le plus souvent des informations et des nouveaux services, avec des impacts significatifs sur notre environnement et notre quotidien. La qualité de l’air intérieur est-elle aussi concernée par l’IoT (Internet of Things) ? Et pour quels applicatifs et services ?
QAI, un sujet prépondérant aussi bien dans l’environnement de travail qu’à domicile
Le volume d’air que l’on respire en une seule journée représente près de 15 m3 d’air, sur une surface développée de nos poumons équivalant à celle d’un court de tennis. Cette surface immense est très poreuse et absorbe, outre l’oxygène, des polluants comme les composés organiques volatils (COV) et des particules fines contenues dans l’air. Jusqu’à peu, avec des bâtiments peu étanches, les fuites d’air suffisaient à assurer une ventilation… incontrôlée, mais le plus souvent suffisante et cela au prix d’une dépense énergétique significative. Ce sont les efforts de réduction de consommation énergétique qui ont contribué à créer enfin une prise de conscience de l’importance de la qualité de l’air intérieur (QAI), et parfois aussi des défaillances ou insuffisances des systèmes existants de ventilation.
L’objet connecté pour capter et communiquer les mesures
« La baisse des coûts des capteurs (hygrométrie, CO2, COV, etc.) permet désormais de les intégrer dans des équipements de remédiation ou de renouvellement d’air comme les VMC, les CTA, les PAC, les purificateurs, mais aussi dans des objets connectés, objets qui apportent des services et bénéfices qui n’étaient pas imaginables il y a encore peu », introduit Jean-Christophe Mifsud, docteur en neurochimie et PDG de Rubix S&I, société spécialisée dans les produits et services d’analyse des nuisances environnementales.
La start-up toulousaine a ainsi conçu un objet connecté qui capte en temps réel la ou les composantes permettant d’apprécier la qualité de l’air, et plus globalement tout ce qui peut nuire à la santé et au confort du poste de travail. « On retrouve ainsi la mesure des COV, des toxiques, des odeurs et des allergènes, qui sont autant de micro-capteurs intégrés dans notre module. Notre approche ne se limite pas à la mesure des polluants et situe l’homme et son bien-être au centre des mesures effectuées. Ainsi, l’objet RubiX PoD peut détecter également les bruits, les vibrations et leurs origines, ainsi qu’un défaut de lumière lié à la quantité de lumière mais aussi aux couleurs ou au scintillement », détaille Jean-Christophe Mifsud.
Ensuite, on ne peut pas évoquer une QAI « générale », car chaque société a un profil particulier de particules et de pollutions, profil souvent lié fortement à son métier : on ne pourra pas comparer la QAI d’une station d’épuration et celle du siège d’un fabricant de cosmétiques, le système doit donc être auto-adaptatif et utiliser des banques de données pour chaque nuisance. « Dans un restaurant, il s’agira de reconnaître l’excès d’odeur de friture ou de poisson pour surventiler, avant que l’odeur ne soit détectable. Dans un hôpital, la gêne pourra avoir pour origine les détergents, les odeurs d’urine, etc.. Nous avons à ce jour dans nos bases de données près de 70 signatures correspondant à différentes odeurs », ajoute l’expert.
L’impact sur la santé et les bénéfices sont conséquents : une enquête récente publiée par la Harvard Business Review et réalisée auprès de 250 sociétés californiennes indiquait une diminution de 23 % des arrêts maladies, de 125 % des risques de burn-out, et une démultiplication de la productivité par 3 en agissant sur la QAI et la diminution des nuisances. Ainsi, avec des alertes bien calibrées à chaque contexte, il est possible d’agir même en ouvrant des fenêtres, par exemple. Il est difficile d’imaginer que l’espérance de vie d’un salarié d’un salon de coiffure ou de manucure est réduite de 10 ans par rapport à la moyenne nationale, et ce du fait de l’exposition aux produits tels que laques, shampoing, teintures, solvants… Sur dépassement de seuil, on peut déclencher une ventilation efficace ou bien épurer l’air ambiant, pour le débarrasser de ces polluants au plus vite.
Encore un exemple avec Nanosense, une autre PME française, qui propose des sondes de QAI intégrant des commandes de ventilation sur dépassement de seuils multi-polluants CO2, COV, humidité, PM1, PM2,5 et PM10, Radon, ainsi que les températures intérieures ressenties. Le contrôle en température s’effectue avec un algorithme auto-adaptatif utilisant un PID (proportionnel, intégral, dérivé) très précis dont les paramètres se remplissent par apprentissage.
Des applicatifs et des services pour collecter, comprendre, informer, remédier
« On ne peut parler d’IoT sans évoquer les données qui y sont associées et qui doivent être transmises, transformées, nécessairement stockées en nombre, comparées à d’autres valeurs de référence, et servir ensuite de support d’analyse, d’aide à la décision pour des applicatifs métiers dédiés à un ou plusieurs domaines. La QAI n’échappe pas à cette logique et est intégrée par exemple dans des applications de mesures en environnement scolaire ou d’efficacité énergétique », explique Vincent Sécher, directeur commercial de la société Objenious.
Ainsi, Objenious propose une plateforme dans le cloud qui met à disposition des intégrateurs des briques logicielles pour accélérer la mise en place de leurs projets. Pour illustrer, la brique de gestion de communications en LoRa, par exemple, va permettre de déployer rapidement des objets connectés en grand nombre, puis d’envoyer les données à un applicatif métier pour la gestion de confort, applicatif qui utilisera d’autres briques de la plateforme.
« Les données et la plupart des fonctionnalités de la plateforme sont accessibles à travers des API ouvertes de type REST. Les données des capteurs peuvent être aussi envoyées vers les différentes plateformes grâce à nos différents connecteurs Push HTTP/Google/Azure », ajoute Vincent Sécher.
La remédiation est aussi connectée
Pour le tertiaire, optimiser la ventilation et la QAI, au-delà de la gestion de la teneur en CO2 et COV, c’est aussi s’intégrer dans l’écosystème du bâtiment, en particulier avec les capteurs de présence qui sont généralement utilisés pour la gestion des éclairages et qui peuvent être utilisés pour ajuster les exigences de QAI à l’occupation.
Sont utilisés des moyens de communication standardisés (protocoles EnOcean, KNX, LON ou encore LoRa ou Sigfox) qui assurent une interopérabilité entre les équipements de différents fabricants. Un même capteur de présence pourra ainsi être utilisé pour la CVC, l’éclairage et la ventilation.
« Côté logement individuel, les solutions simple flux évoluent aussi pour ajuster les débits d’air, non plus seulement en fonction de la teneur en humidité, mais aussi en fonction de la teneur en CO2 et COV », explique Michel Bénard, directeur du marché Habitat chez Aldes.
« Notre nouvelle solution simple flux EasyHome PureAIR fait ainsi varier l’extraction d’air en agissant sur le débit du groupe. Les bouches d’extraction n’ont donc plus de fonction de régulation et sont moins volumineuses, et, par ailleurs, les entrées d’air deviennent filtrantes avec une efficacité de plus de 95 % des PM10 et pollens, et 40 % des PM2,5. Utilisable aussi bien en rénovation qu’en neuf, la solution est connectée, et grâce à l’application AldesConnect, il est possible de suivre en temps réel la qualité de l’air intérieur et extérieur de son logement. La communication s’effectue en Wi-Fi jusqu’à la box du logement, et quatre modes de programmation, des notifications d’encrassement des filtres sont aussi disponibles sur le smartphone », poursuit l’expert d’Aldes.
Second dispositif de remédiation, les épurateurs ou purificateurs viennent en complément du système de ventilation et, s’ils sont performants, apportent une qualité d’air intérieur très élevée, idéale pour les populations sensibles.
« Tous nos systèmes d’épuration industriels ou tertiaires sont équipés de filtres HEPA H13 conformes à la norme EN 1822 et les particules fines PM1, PM2,5 et PM10 sont filtrées avec une efficacité supérieure à 99,95 %. Cette filtration particulaire est complétée par un étage de filtration moléculaire permettant de traiter les COV, le dioxyde d’azote (NO2) ainsi que l’ozone (O3), avec des efficacités supérieures à 90 %. La gamme des épurateurs industriels comprend l’accès à notre plateforme Air Image pour monitorer le niveau de particules dans l’air ambiant et commander les épurateurs afin de s’assurer d’une filtration optimum tout en optimisant les coûts énergétiques », illustre Emmanuel Laurent, business developer au sein de la division Épurateur de Camfil.
Il ne suffit pas de détecter, de communiquer entre les systèmes ou objets connectés pour effectuer la remédiation, les dispositifs de filtration doivent être adaptés aux types de polluants à éliminer et également permettre de gérer leur saturation qui conduit peu ou prou à une inefficacité.
La norme y aide, et avec la nouvelle norme de filtres ISO 16890, les efficacités de filtration sont déterminées en fonction des différentes tailles de particules fines PM1, PM2,5 et PM10, qui sont également utilisées comme paramètres d’évaluation par l’Organisation mondiale de la Santé. Ainsi, d’une part, tout un chacun peut savoir exactement comment son dispositif de filtration le protège, et, d’autre part, la connectivité permet d’alerter sur l’encrassement potentiel ou réel des filtres en usage.
Les campagnes de mesure obligatoires
Le contrôle de la qualité de l’air est obligatoire dans certains établissements, et les échéances pour se mettre en conformité sont les suivantes :
■ Crèche, écoles maternelles et élémentaires : 1er janvier 2018
■ Accueils de loisirs et établissements du second degré : 1er janvier 2020
■ Structures sociales et médico-sociales, piscines… : 1er janvier 2023
QAI : les enjeux sont bien identifiés
Objets connectés, systèmes de remédiation avec une offre de purificateurs ou épurateurs qui s’étoffent, mais aussi systèmes de ventilation prenant en compte des polluants multiples, y compris pour le logement individuel… nous y sommes : le marché se prépare, évolue, et les acteurs classiques du génie climatique ne sont pas en reste. « On rend visible l’invisible, la ventilation et la QAI, on ne la voyait pas vraiment, ou peut désormais la suivre sur son smartphone, et par exemple choisir de laisser le système agir ou bien de changer manuellement pour basculer de mode, comme le mode sous-occupation quand on est en vacances », illustre Michel Bénard, de la société Aldes.
Jean-François Moreau