Après le « Cloud computing » et sa concentration de capacités de calcul et de stockage de données dans des méga-datacenters situés aux quatre coins du monde, une informatique se développe en bord de réseau, l’Edge computing, pour traiter de nouvelles demandes, de nouveaux besoins. En complément des grands datacenters, des datacenters plus petits, distribués et localisés près des usages, se développent pour désengorger les autoroutes de l’information.
Le Cloud est bien établi et selon une étude CBSi, plus des deux tiers des décideurs informatiques prévoient d’augmenter leur investissement dans le Cloud computing public en 2018. Mais le développement de l’Internet des objets (IoT) et d’autres applications comme la voiture autonome, les villes intelligentes, la santé ou la virtualisation remettent en cause cette centralisation. Pour faire face à cette explosion de données à traiter dans un temps très court et sans embouteiller les autoroutes de l’information, il faut mettre en place une infrastructure décentralisée de traitement et de gestion de toutes les données « en bordure du réseau » : c’est l’« Edge computing ». Appelé parfois « Fog computing » (on passe du nuage au brouillard), cet « Edge computing » a pour but d’apporter une solution en réduisant le chemin à parcourir entre l’appareil qui produit les données et le (petit) datacenter qui les traite. En termes de sécurité et de disponibilité, les conséquences d’une panne ou d’une attaque de hackeurs se limiteront à un équipement du Edge et aux applications locales supportées.
Pour Damien Giroud, directeur Datacenters de Schneider Electric France, « les modèles économiques ne se concurrencent pas, ils sont complémentaires. Aux grands datacenters, le traitement des données de l’entreprise au quotidien, le big data, l’intelligence artificielle grâce à leur grande puissance de calcul et, depuis 2010-2011, le développement de datacenters régionaux qui adressent des problématiques à l’échelle d’une région, d’un département, d’un hôpital ou d’une université. La localisation du calcul et du stockage au plus près des équipements garantit une latence réduite et une expérience utilisateur optimale. L’Edge computing permettra aux systèmes de mieux fonctionner, de travailler de manière autonome et de délivrer l’information aux décideurs de manière plus rapide et plus efficace. »
Des datacenters adaptés au Edge Computing
Pour garantir aux utilisateurs de cette informatique déportée les mêmes services, les constructeurs d’équipements ont développé rapidement des solutions adaptées à ces nouveaux usages.
• Des micro-datacenters pour de petites entreprises ou une application bien définie.
Luc Alsène, responsable Activité IT/Datacenters de Rittal France, explique : « Ces équipements, comme nos solutions CooledRack ou Micro Datacenter, sont la solution pour les infrastructures principales des PME ou pour les projets PRA/PCA (Plan de reprise d’activité/Plan de continuité d’activité) et d’infrastructures décentralisées des grandes sociétés et multisites. Ce Micro Datacenter est un coffre-fort ignifugé, sécurisé et insonorisé, pouvant être installé dans tous les environnements indoor (usine, hangar, tertiaire). C’est un investissement minime comparé à une salle traditionnelle, évolutif et modulaire, mobile et conforme aux directives légales sur la sécurité informatique des entreprises. »
Et Emmanuel Haran, responsable Activité Datacenter d’Ecus, d’ajouter : « Le choix du micro-datacenter est raisonnable et sécurisant, car il comprend tous les éléments d’une salle blanche : filtrage de l’air, gestion d’accès, flux d’air froid optimisé, extinction incendie précâblée, urbanisation de la fibre et du LAN facilitée, énergie parfaitement distribuée, le tout supervisable à distance. La version en « boucle fermée étanche » s’installe dans n’importe quel local, même poussiéreux ou humide, sans travaux. Par rapport à une salle traditionnelle, à isopérimètre, le délai de livraison est divisé par 2 à 3. S’il est installé dans un local en l’état, le coût peut être réduit de moitié. »
Zoom sur Ecus
Depuis 1990, Ecus construit et intègre des solutions pour sécuriser les environnements informatiques et télécoms avec des alimentations sans interruption (ASI) et ateliers d’énergie 19 ». Suite aux demandes de grands clients comme Renault SA, Ecus a mis au point à partir de 2005 des baies climatisées, puis optimisé ces solutions vers des micro-datacenters comprenant tous les avantages d’un datacenter Tier IV ainsi que des datacenters en shelters modulaires clés en main. Ecus, dont le siège est à Brie (16), détient cinq agences en France.
De son côté, Schneider Electric propose, avec sa gamme Micro DC Xpress SX, une enveloppe unique intégrée et sécurisée, avec une infrastructure unique de datacenter et un logiciel de DCIM pour faciliter le préassemblage de l’équipement IT avant livraison.
• Des datacenters locaux de 1 à 10 baies, souvent disponibles sous forme de systèmes configurés à la commande, préfabriqués puis assemblés sur site.
Ces systèmes sont adaptés à de nombreuses applications qui requièrent une faible latence et/ou une large bande passante et/ou une sécurité et une disponibilité supplémentaires.
Pour Luc Alsène, « le responsable informatique recherche alors une solution pérenne et évolutive permettant une adaptation constante plutôt qu’un surdimensionnement inefficace, mais aussi, dans certains cas, permettant d’assurer la cohérence et l’homogénéité d’infrastructures multisites par une solution totalement duplicable. Tout ceci en assurant un investissement maîtrisé et une mise en service rapide et sécurisée, avec une prédictibilité des performances, un PUE calculable et garanti, une intégration dans un système de gestion et d’automatisation des salles informatiques. C’est ce que nous offrons avec une gamme comme RiMatrix S. »
L’utilisation de ces infrastructures standardisées et industrialisées permet de réduire le coût total de possession et de raccourcir le temps de déploiement, avec un meilleur rendement énergétique, par la mise en œuvre de solutions de refroidissement adaptées (free cooling, récupération de chaleur, géothermie…). De tels équipements vont trouver leur place dans des hôpitaux, des centres administratifs ou des PME.
• Des datacenters régionaux d’une capacité de 10 à une centaine de baies, souvent proches de réseaux d’initiative publique régionaux (RIP).
Les très grands datacenters dédiés au Cloud sont gérés par les hébergeurs actuels près des grandes autoroutes de l’information (en France, à Paris ou Marseille) et par les grands acteurs mondiaux que sont les GAFA. Les datacenters de proximité d’entreprises ou de services publics vont plutôt traiter ce qui représente le cœur d’activité d’une société ou ce qui est confidentiel. Ainsi, explique Damien Giroud « les premiers utilisateurs, pour des raisons de confidentialité, de traçabilité, de sécurité tout en améliorant la latence, ont été les secteurs du luxe, de la chimie, de la finance ou des hôpitaux. »
Selon Anne Le Crenn Denéchère, responsable Marketing et Communication d’Efirack, « pour ces datacenters, la modularité est un maître-mot pour créer et personnaliser des configurations de baies et couloirs thermiques adaptées aux applications des clients. Nous observons une convergence des technologies au sein des baies (réseaux, serveurs, télécoms) et nous adaptons à ces évolutions. La fabrication est très personnalisée, selon un concept « Meccano » vissé qui autorise une très grande flexibilité dans l’assemblage des baies et coffrets. Pour le refroidissement, nous avons développé le Confinement thermique universel (CTU) qui s’adapte à toutes les baies du marché et s’implante dans tous les types de salle et d’aménagement. Car le datacenter de proximité doit s’adapter à toutes les contraintes du client en termes d’espace, d’agencement, de maîtrise énergétique, de sécurité et d’évolutivité. »
Avis d’Experte
Séverine Hanauer, Colo & Telco Sales – Consulting & Solutions Director de Vertiv France
Comment l’informatique en bord de réseau, l’Edge computing, se développe-t-elle en complément du Cloud computing et pour quelles applications ?
L’informatique hybride est la stratégie la plus en vogue actuellement et elle fait l’objet d’intenses discussions dans le monde entier. En effet, Gartner prédit que 90 % des entreprises auront adopté une stratégie informatique hybride d’ici à 2020, architecture qui allie des ressources IT locales sécurisées à un Cloud privé ou public afin de réduire les coûts et de gérer le risque.
Le passage à un modèle informatique hybride implique de parvenir à un équilibre parfait entre informatique traditionnelle locale, Cloud privé et Cloud public. Le choix de la bonne stratégie de déploiement dans une architecture de services multiniveaux dépend des objectifs de l’entreprise et de ses normes de gouvernance.
À l’heure où les entreprises intensifient leur activité à la périphérie du réseau, en intégrant une stratégie IoT et en recourant à des applications sensibles à la latence telles que l’infrastructure de périphérie, qui englobe les sites distants, gagne chaque jour en importance. L’IoT et les contenus multimédias d’une grande richesse et sensibles à la latence, comme dans le cadre de la diffusion vidéo, ont contribué à une nouvelle émergence du réseau distribué (Edge computing).
Les datacenters de proximité fournissent du data « caching » (mémoire cache) et une analyse/un calcul des données secondaires avant que des données importantes ne soient envoyées à un centre informatique central.
Quelques types d’application pour les micro-datacenters (MDC) :
– Succursales dans la finance, les magasins détaillants et les larges entreprises avec des microsites répartis sur le territoire ;
– Sites de petites et moyennes tailles en général, les administrations, écoles, universités, hôpitaux, cabinets juridiques, etc. ;
– Entrepôts et hubs logistiques, quand une salle informatique n’est pas disponible ;
– Sites de production pour le contrôle de l’automatisation et les accès au réseau ;
– Edge computing en général et les sites de télécommunications.
Cette décentralisation du traitement des données entraîne-t-elle le développement de nouveaux types de datacenters à proximité des usages ?
D’après l’expérience que nous avons acquise auprès de nos clients, les principaux besoins inhérents à la périphérie sont les suivants :
– Surveillance centralisée et à distance ;
– Solutions standardisées et préintégrées ;
– Architecture cohérente ;
– Continuité et résilience ;
– Conformité.
Il est délicat d’appliquer des modèles traditionnels de conception à la périphérie, car ils sont en contradiction avec ces besoins et que les coûts d’investissement et d’exploitation que cela engagerait pourraient annuler l’intérêt d’un déploiement dans chaque succursale distante.
Le micro-datacenter de périphérie rassemble toutes les qualités requises. Plus simple, moins cher et prêt à déployer rapidement, modulaire, cet équipement peut être installé sur chaque site distant. Il est ainsi possible de réduire aussi bien les frais que les complications.
Par micro-data center (MDC), on désigne habituellement une architecture informatique petite ou en container de taille plus réduite qu’une salle informatique traditionnelle dans un datacenter.
Il s’agit souvent d’une baie ou d’un ensemble de plusieurs baies pouvant contenir toute l’infrastructure technique habituelle d’une salle informatique : onduleur, bandeaux de distribution électrique, climatiseur, contrôle d’accès, détection incendie, sondes, système de monitoring à distance, etc.
Ces micro ou mini-datacenters offrent-ils les mêmes garanties de sécurité, d’efficacité énergétique et d’évolutivité que les grands datacenters ?
Les micro-datacenters diffèrent par leur standardisation, intégration, gestion à distance et sécurité accrue avec un focus sur la maximisation de l’indépendance opérationnelle, tout en limitant les compétences IT et les risques sur le site éloigné.
Ces solutions locales promettent des coûts significativement inférieurs et la possibilité d’une gestion améliorée. Ils sont perçus comme un support du développement de l’activité digitale avec un focus particulier sur l’IoT.
Le marché attend un déploiement de milliers (voire de dizaines de milliers) de sites au sein de la plupart des entreprises verticales.
Le développement des solutions en conteneurs
Si un micro-datacenter peut être installé de façon autonome dans tout local, voire dans les couloirs d’un immeuble de bureau pour libérer des mètres carrés convertis en bureaux, l’implantation peut se révéler plus délicate pour plusieurs baies et les équipements de refroidissement et de sécurité associés. D’où le recours à des datacenters installés dans des modules incluant les baies 19’’, l’alimentation électrique secourue (onduleur), la climatisation, le système de détection/extinction incendie et la connectivité IP.
Une solution que propose la société rhône-alpine Modulo C, fabricant d’infrastructures numériques de proximité. Martine Parent, chargée d’affaires de Modulo C, explique : « Nous mettons en place des datacenters dans les zones d’activités pour être proche des entreprises et des besoins en amenant à ces datacenters des réseaux de fibre optique afin que les entreprises et collectivités puissent être reliées au datacenter en LAN to LAN et, par extension, à l’Internet très haut débit. »
Car le problème de nombreuses zones industrielles et commerciales en France est de ne pas être encore reliées à la fibre optique (le déploiement de la fibre dans les immeubles étant souvent promis à l’horizon 2025 dans le cadre de contrats d’AMII [concernant des zones où un ou des opérateurs privés sont intéressés pour déployer un réseau en fibre optique FTTH, ndlr] et si le nœud de raccordement existe, il ne sert qu’à vendre – très cher – des lignes spécialisées). D’où l’idée de Modulo C de proposer des datacenters Modulo Box, clés en main, entièrement équipés (baies, onduleurs, climatisation), sécurisés en redondance N, N+1 ou 2N. Des solutions qui, d’après Martine Parent, ont déjà intéressé de nombreuses zones industrielles et collectivités : « Après Moirans, près de Grenoble, inauguré mi-2016, pour lequel les locataires de ce datacenter mutualisé sont des SSII locales qui infogèrent les SI d’entreprises locales, d’autres collectivités locales nous ont contactés pour dupliquer le modèle. À Saint-Alban-Leysse, en Savoie, le spécialiste de la vente Internet d’équipements de sports Ekosport a installé un Modulo Box sur son parking et loue les emplacements qu’il n’occupe pas à d’autres entreprises et collectivités ». Une véritable colocation de proximité.
Des systèmes en shelter ou conteneur peuvent aussi être utilisés pour une solution de back-up de proximité avec maîtrise complète par le service informatique. Comme exemple, Emmanuel Haran décrit la solution proposée par Ecus à Habitat 62/59 : « Nous avons livré un micro-datacenter en armoire 19’’ climatisée avec double attache électrique, détection et extinction d’incendie et installé dans un shelter Portakabin TM avec habillage extérieur bois identique au poste de transformation. Cette solution en shelter a aussi été retenue par Bretagne Ateliers pour recevoir la salle informatique principale externe au bâtiment et déplaçable facilement, un back-up étant réalisé dans l’ancienne salle serveurs avec un micro-Datacenter. »
Ces datacenters de proximité vont donc intéresser aussi bien des entreprises publiques que privées, une SSII, un hébergeur IT ou une société d’infogérance qui ont besoin d’un site de traitement de données local apportant toutes les garanties de sécurité, de continuité, de résilience et d’adaptabilité pour un coût et un délai de construction maitrisé.
Avis d’Experte
Anne-Laure Grémaud, responsable Marketing & Associée de Jerlaure
« Les datacenters de proximité permettent d’être encore plus connectés et plus performants »
Avec le numérique, qui représente aujourd’hui 5,5 % du PIB français et le marché français de l’Internet des objets qui est estimé à 40 milliards d’euros en 2020 (selon IDC), la machine est en marche et il va être difficile de l’arrêter face à la numérisation des métiers et l’explosion du traitement des données issues des objets connectés.
Les datacenters de proximité : supports des hubs et accélérateurs de croissance locale
Le marché du Cloud et de l’IoT, avec les enjeux socio-économiques qui en découlent, est devenu difficilement mesurable et en plein essor. Il a notamment fait naître de nouveaux besoins en termes de connectivité, de traitement et de protection des données, qui nécessitent que les datacenters soient de plus en plus enclins à collecter et à traiter de grands volumes de données. Ainsi, la vitesse étant au cœur du processus, les datacenters situés au plus près des utilisateurs sont devenus indispensables.
Dans ce contexte, les datacenters de proximité, véritables supports des hubs, ont vu le jour pour créer un maillage stratégique en vue de désengorger les réseaux et d’améliorer la qualité de la connectivité. D’une part, c’est en créant de nouvelles autoroutes et de nouveaux points d’interconnexion dans des zones plus locales que l’information peut être transmise plus rapidement et plus efficacement auprès des utilisateurs. D’autre part, ces datacenters de proximité, évolutifs et adaptables au marché local, répondent à une très grande majorité des besoins des populations situées dans les zones secondaires.
D’un point de vue socio-économique, l’implantation de datacenters de proximité crée un écosystème favorable au développement économique local et dynamise les régions, sans compter que sa connotation éthique s’intègre parfaitement dans une stratégie d’entreprise au regard de la confidentialité, la traçabilité et la sécurité des données. Les régions trouvent tout leur intérêt à implanter un datacenter de proximité, étant donné qu’il permet de capter localement les données numériques, aujourd’hui valorisées essentiellement outre-Atlantique, et de participer à l’émergence des Smart Cities en fournissant une électricité durable et économique. L’émergence de datacenters de proximité est en définitive une véritable opportunité de développer une économie numérique partagée, avec des retombées à proximité des usages, favorisant le développement des activités en région.
Une architecture technique digne des plus grands
Les datacenters de proximité issus de la gamme SYNEcTHIK DC élaborée par JERLAURE n’ont rien à envier aux plus grands ! Outre l’aspect capacitaire, le design technique de ces datacenters est équivalent et offre un très haut niveau de sécurité. De même qu’ils sont connus pour être plus performants énergétiquement, ces datacenters de proximité peuvent être connectés à leur environnement puisqu’en fonction de la topographie du lieu d’accueil, il est possible d’utiliser les sources d’énergie locales – soleil, géothermie, chaleur fatale, eau, air extérieur…
JERLAURE réalise actuellement le datacenter de NETIWAN qui sort tout droit de la gamme SYNEcTHIK DC. Opérationnel au second semestre 2018, ce datacenter de proximité, en plus d’être Tier III et hautement sécurisé, sera extrêmement performant énergétiquement, puisqu’il aura la possibilité d’être refroidi directement grâce à la chaleur du soleil. Cette solution de refroidissement intègre un principe innovant à réaction thermochimique solide/gaz qui permet de produire du froid grâce à une source d’énergie solaire et/ou de chaleur fatale : lorsque la température extérieure devient trop élevée pour dépendre uniquement de l’air extérieur, l’énergie solaire (ou la chaleur fatale) captée est utilisée, afin de produire le froid nécessaire au fonctionnement du DC et ce, sans aucune consommation d’énergie électrique. Cette technologie utilise un principe naturel sans impact sur l’environnement, et cette conception offre un PUE inférieur à 1.15.
Jean-Paul Beaudet