C’est en 2011 que fut créée l’Alliance Green IT, « une association jeune, qui a beaucoup évolué », souligne la secrétaire générale, Caroline Vateau, également consultante pour le bureau d’ingénierie en environnement Neutreo. Un constat à l’origine de cette naissance : « La digitalisation de l’ensemble des secteurs d’activité a modifié nos modes de fonctionnement dans la sphère privée et professionnelle. Le développement des services numériques, vecteur d’emploi et de croissance, provoque de nombreux impacts environnementaux. » Bonne nouvelle, « ils peuvent être considérablement réduits, si l’on s’y intéresse ». L’Alliance tente de résoudre une équation, « comment concilier nos ambitions de développement de la filière digitale avec nos objectifs de réduction des émissions de CO2, de consommation d’énergie, de production de déchets et de l’épuisement des ressources ». L’association regroupe les acteurs engagés dans le développement d’un numérique écoresponsable, « nos missions reposent sur trois axes : fédérer les acteurs du Green IT, contribuer au débat sur la place du numérique dans le développement durable, évangéliser en sensibilisant sur les enjeux du Green IT tout en partageant les bonnes pratiques ». Pour porter haut sa parole, l’Alliance organise notamment « We Love Green IT tous les deux ans, qui attire d’année en année de plus en plus d’entreprises. L’édition 2017 a été organisée en partenariat avec le Syntec Numérique, le Gimélec, le CINOV-IT, France Datacenter, France IT et Tech In France ».
Le Green IT ou « numérique écoresponsable, intègre les thématiques du développement durable, l’économie, le social, l’environnement, dans le développement des systèmes d’information. Il tend à réduire l’empreinte environnementale des systèmes d’information des entreprises ». Sur ce thème, l’Alliance a publié la seconde édition de son baromètre1. La notion de IT for Green s’est progressivement développée « en identifiant le numérique comme un levier pour réduire les impacts environnementaux d’autres secteurs d’activité comme celui de l’énergie (réseaux intelligents) ou des transports (optimisation des transports, covoiturage) ». Mais iI convient « de bien s’assurer que […] la solution permet de réduire plus d’impacts environnementaux qu’elle n’en génère elle-même ». En parallèle, la thématique « sociale » s’est imposée, « car si l’on souhaite qu’un service numérique ait le moins d’impact sur l’environnement, on souhaite également qu’il soit accessible aux personnes en situation de handicap, et qu’il protège la vie privée des usagers ». L’Alliance conseille « de ne plus avoir une réflexion de type silo, qui aborde les équipements terminaux d’un côté, les réseaux de télécommunication d’un autre et les Datacenters encore d’un autre ». Il s’agit, « lors du développement d’un service numérique, de prendre en compte tous les éléments qui contribuent à délivrer le service, terminaux utilisateurs, réseau Internet, Datacenter ». Cette approche, inspirée des bonnes pratiques environnementales développées dans l’industrie, s’appelle l’écoconception de service numérique2. Basée sur des méthodes d’analyse de cycle de vie, elle permet de mesurer les impacts environnementaux de manière objective et surtout de prendre en considération plusieurs indicateurs, « pour éviter le fameux transfert de pollution ». Il importe de ne pas avoir une vision restreinte aux impacts énergétiques et gaz à effet de serre, « car l’ensemble des équipements informatiques sont à l’origine de nombreux autres impacts tels que l’épuisement des ressources naturelles ». Des métaux précieux, terres rares et minerais entrent dans la fabrication des composants électroniques, « éléments dont les gisements connus seront épuisés d’ici deux à trente ans, et dont certains, comme le coltan, sont issus de zones de guerre civile ». Et puis, il y a la pollution invisible, « la plupart des impacts ne sont pas directement visibles par les utilisateurs, qu’il s’agisse des mines d’extraction des métaux précieux, des usines d’assemblage ou des décharges de déchets électroniques, tout est très loin géographiquement des utilisateurs finaux, qui ne perçoivent que le côté beau et moderne des équipements ». Sans oublier la problématique de l’obsolescence programmée, « la faible durée de vie des terminaux combinée à des effets de mode. En 2015, c’est 1,68 million de tonnes d’équipements électriques et électroniques qui ont été mis sur le marché français ».
Le secteur numérique pose donc des questions d’optimisation des ressources mais aussi d’efficacité énergétique. Sur ce point, l’essor des cryptomonnaies est parlant, « Green IT et cryptomonnaies sont antagonistes ». Nécessitant le recours à de nombreux équipements informatiques, notamment dans les datacenters, « une transaction en bitcoins consomme jusqu’à 30 fois plus d’énergie qu’une transaction avec une Carte Bleue ! ». Pas franchement Green !
L’Alliance, qui bataille pour « que le sujet des impacts environnementaux et sociaux soit intégré dans le développement des services numériques », suggère des pistes de réflexion. Une phase de sensibilisation des entreprises, même si « de plus en plus d’acteurs s’intéressent au sujet, pour différentes raisons : conscience environnementale du chef d’entreprise, optimisation des coûts, intégration de l’informatique dans la stratégie RSE3, visibilité et démarcation des concurrents, innovation ». Au niveau gouvernemental, « ce qui permettrait [entre autres] de faire avancer le sujet serait de pousser les dispositifs d’éco-conditionnalité des aides et subventions publiques, pour que les porteurs de projets innovants intègrent une composante Green IT dans leurs solutions ». L’Alliance plaide pour le « développement de l’affichage environnemental des services numériques afin de sensibiliser les parties prenantes », et pour que les autorités « mènent des campagnes d’information et de sensibilisation auprès du grand public et des scolaires sur les enjeux environnementaux et sociaux du numérique ».
Des outils d’amélioration pour réduire les impacts énergétiques et environnementaux existent. Aux entreprises qui souhaitent évaluer leurs pratiques, « l’Alliance diffuse tous les deux ans un baromètre qui contient de nombreuses bonnes pratiques et avec lequel elles peuvent se comparer avec la moyenne nationale ». L’association fournit par ailleurs à ses adhérents « une grille d’évaluation qui leur permet de suivre l’évolution de leur performance d’année en année ».
Toutefois, il faudra aller plus loin et changer nos usages des produits et services digitaux. L’Alliance en est certaine, un futur « vert » passera « moins par l’évolution des technologies que par le changement de modèle économique ». Aujourd’hui, nous sommes avec « un modèle du jetable – j’achète, j’utilise et je jette ou je stocke dans un tiroir – qui est principalement basé sur l’obsolescence des équipements, pour que les consommateurs en rachètent ». Quand les objets commercialisés « pourront être réparés, upgradés facilement et auront une durée de vie longue, alors je pense qu’on aura gagné une partie de la bataille », conclut Caroline Vateau. À signaler l’initiative Fairphone4, « qui est dans cette démarche et qui pourrait s’appliquer à la multitude d’objets connectés mis sur le marché chaque jour, des plus essentiels aux plus futiles ».
Olivier Durand
(1) http://alliancegreenit.org/green-it/barometre/
(2) L’Alliance a publié un livre blanc sur l’écoconception de services numériques cosigné par 14 clusters et fédérations européennes.
http://alliancegreenit.org/wp-content/uploads/Doc%20AGIT/LB-ecoconception-numerique.pdf
(3) Responsabilité sociale et environnementale.
(4) www.fairphone.com