Le niveau de raccordement de nouvelles installations PV en France s’est établi à 551 MW en 2016, une puissance en baisse de 35 % par rapport à 2015, une année marquée il est vrai par la mise en service de la centrale de Cestas (300 MW). Mais les raisons de cette baisse peuvent aussi être mises sur le compte d’une politique de soutien et de tarification chaotique les années précédentes, alors que cette même année au niveau mondial 78 GW de nouvelles installations ont été raccordées (+ 50 % par rapport à 2015).
Faut-il être plus optimiste en 2017 et 2018 ? Après un premier trimestre 2017 faible à 82 MW il faut encore rester prudent, mais ce trimestre a vu une hausse du segment des moyennes toitures (9 à 100 kW) et une stabilité des grandes toitures (100 à 250 kW). La baisse affecte essentiellement les très grandes toitures et centrales au sol.
Une meilleure visibilité en 2017
Ce premier semestre 2017 a été marqué par quelques bonnes nouvelles pour l’industrie du solaire : la puissance des projets en file d’attente dont la convention de raccordement a été signée a augmenté fortement au cours du premier trimestre pour atteindre 944 MW et surtout la publication de nombreux appels d’offres en procédures simplifiées pour les installations sur bâtiment, au sol ou pour des installations solaires innovantes, donne une meilleure visibilité à la filière.
Le 9 mars 2017, Ségolène Royal a donné la liste des 79 lauréats de l’appel d’offre CRE4 (Commission de Régulation de l’Énergie) pour des centrales PV en ombrières ou au sol pour une puissance de 500 MW. À noter que le prix du MWh pour cet appel d’offre est de 62,50 €, « soit deux fois moins cher que l’EPR, le réacteur nucléaire de nouvelle génération en chantier », selon Xavier Nass, directeur général de JPee, producteur indépendant français d’énergies renouvelables qui remporte 62 MW de cet AO. Et début juillet, Nicolas Hulot a donné la liste des 77 entreprises retenues pour le développement de centrales au sol de 500 kWc à 17 MWc pour une puissance de 507,6 MWc. Près de la moitié de ces installations se feront sur des terrains dégradés (friches industrielles, décharges…) et valoriseront un foncier inutilisé. Les prix proposés sont de 55,50 €/MWh pour les installations de grande puissance. Et pour les 82 % de lauréats qui se sont engagés à faire appel à un financement participatif, le prix d’achat sera majoré de 3 €/MWh. Ces lauréats sont souvent des PME de développeurs/exploitants indépendants qui rivalisent avec les grands groupes.
De nombreux projets pour les installations de moyenne puissance des bâtiments et ombrières
En avril le ministère de l’Environnement a publié la liste de 361 nouveaux projets pour une puissance de 150 MW : 75 MW pour des installations de 100 à 500 kWc et 75 MW pour des installations de 500 kWc à 8 MWc en toiture. Une partie des panneaux seront fabriqués en France puisque Sunpower (filiale de Total) a été retenu par Tenergie pour 157 projets de toitures. Un appel d’offres pour la seconde période a été clos le 7 juillet 2017. Cet appel d’offres comprendra au total 9 périodes se terminant en 2019.
C’est ce type d’installation que le groupe Auchan Retail France vient d’inaugurer en mai et juin 2017 à Bordeaux-Lac (33) et Dardilly (69) : des ombrières photovoltaïques conçues, installées et financées en partenariat avec Helexia. À Bordeaux-Lac, ce sont 6 560 panneaux d’une puissance totale de 1,7 MWc installés au premier étage de parkings. À Dardilly, ce sont 3 360 panneaux (907 kWc) qui sont montés sur des ombrières pour offrir aux clients du supermarché un stationnement à l’abri de la chaleur et des intempéries. Dans le cadre de ces réalisations de l’AO CRE3, l’électricité est vendue pendant 20 ans à EDF. Au total, ce sont 11 installations développées conjointement par Helexia et Auchan qui sont en service. Car, pour Germain Gouranton, gérant du BE spécialisé TERRE CIEL Energies « les supermarchés ont le bon profil : leur courbe de consommation suit la production PV, ils ont de grandes surfaces de toitures, cela amène des services en plus en anticipant la mobilité électrique et ils ont un bon taux d’autoconsommation qui peut atteindre 80 à 85%. Et les coûts d’investissement (Capex) continuent à baisser ». Et, ajoute Germain Gouranton, « les prochains qui seront intéressés sont les datacenters car ils ont une consommation importante et veulent assurer une sécurité de leur alimentation avec une vision long terme ». La grande distribution a d’ailleurs été très présente en 2016 en présentant près de 50 % des 72 projets retenus dans l’AO de 20 MW de novembre 2016 et 30 % de ceux attribués en mars 2017. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans l’initiative RE100 de l’ONG Climate Group qui réunit de grandes entreprises s’étant engagées à utiliser 100 % d’énergies renouvelables à moyen et long terme : Ikea, H&M, Walmart, mais aussi Apple, Google, SAP ou Microsoft.
Autoconsommation : le développement devrait s’accélérer
Alors qu’en Allemagne plus de 5 % de l’électricité PV est autoconsommée, le niveau en France ne dépasse pas 1 à 2 %. Et pourtant une étude réalisée par icare&consult début 2007 pour l’ADEME et Enerplan (Étude de compétitivité et retombées de la filière solaire française-04/2017) montre que l’autoconsommation pour les grandes toitures est déjà rentable dans le sud de la France sans soutien dès que le taux d’autoconsommation dépasse 90 %. Cette rentabilité dépend de la puissance considérée, du taux d’autoconsommation et de l’ensoleillement, mais aussi de la hausse prévisible des tarifs de l’électricité (3 %/an dans l’étude pour les prix réglementés). Un coup de pouce devrait être donné par l’arrêté du 9 mai 2017 fixant les conditions d’achat de l’électricité PV pour des installations de puissance inférieure à 100 kWc implantées sur des bâtiments. Ce décret avait été précédé le 28 avril 2017 par un décret relatif à l’autoconsommation facilitant l’autoconsommation collective. Ce décret permet dans ce cadre collectif d’organiser les relations entre les producteurs, les consommateurs et le gestionnaire du réseau public.
Les autoconsommateurs existent déjà (depuis de nombreuses années), mais leur nombre restait faible avec environ 15 000 producteurs qui consomment l’intégralité de leur production et 5 000 qui consomment et injectent le surplus dans le réseau.
Dès 2015, Biocoop a installé 2 000 m2 de panneaux sur sa plate-forme de Melesse (35) pour alimenter ses 9 400 m2 d’entrepôts froid avec des tiers investisseurs comme Énergie Partagée. D’ici 2020, Biocoop compte alimenter par énergie solaire l’ensemble de ses plates-formes via Enercoop. Énergie Partagée accompagne et finance des projets citoyens de production d’ENR. Ainsi « Énergie Partagée d’Alsace » a installé 4 centrales solaires de 100 kWc sur le toit d’anciens bâtiments industriels. Georges Audras, son président et fondateur d’Axiome Energie, donne un autre exemple de réalisation : « Sur l’atelier inter-communal d’Attenschwiller 36 kWc ont été installés en vente de surplus sur un toit ayant un apport architectural : 133 modules français de Voltec Solar. Et nous avons un projet pour un industriel du Grand Est d’installation de 500 kWc en modules Voltec Solar avec des onduleurs de Cefem fabriqués en Ardèche. » À l’autre bout de la France, à Perpignan, un projet se met en place, accompagné par Enedis comme pour une dizaine d’autres projets, pour une autoconsommation collective. Ce projet se fera sur 5 bâtiments tertiaires du conseil départemental des Pyrénées Orientales. Il est piloté par le bureau d’études catalan Tecsol qui mettra en œuvre pour la première fois la technologie de « blockchain » de Sunchain (spin-off de Tecsol). Cette technologie permet de mesurer, calculer et communiquer les quantités d’électricité produites et consommées de manière transparente, sécurisée et sans organe central de stockage. Cette solution s’appuie sur les compteurs communicants Linky et les technologies innovantes de Sunchain.
Autre modèle qui devrait être conforté par la nouvelle réglementation : les centrales villageoises initiées par RAEE et les Parcs naturels régionaux de Rhône-Alpes. Ces centrales villageoises comptent 91 installations en service pour 886 kWc. Ainsi la centrale des Haies (69) de 8 toits de 523 m2 et 76 kWc produit 85,3 MWh/an depuis 2014 pour les habitants du village. L’autoconsommation est aussi bien adaptée aux DOM : 109 projets ont été retenus en juillet 2017 pour la Corse et les DOM pour plus de 75 MW, dont 67 avec des dispositifs de stockage et 42 en autoconsommation. Le tarif d’achat garanti de 113,60 €/MWh est très compétitif par rapport aux coûts complets de production dans les îles supérieur à 200 €.
Pourtant, pour Georges Audras, tout n’est pas parfait : « La dernière mouture des tarifs d’achat vient plutôt compliquer un système déjà peu lisible et les tarifs ne tiennent pas compte de la réalité géographique alors que la production varie de 25 % entre le nord et le sud de la France. Une régionalisation des tarifs semble indispensable pour éviter que ce soit une rente financière pour les uns et un casse-tête économique pour d’autres. »
Mais, pour Germain Gouranton, « plusieurs facteurs vont dans le bon sens : le Capex va continuer à baisser alors que le coût de l’électricité est à la hausse et que des utilisateurs veulent sécuriser leur alimentation ». Et les matériels, des panneaux aux onduleurs, sont de plus en plus fiables et performants.
La généralisation en Europe du BEPOS à partir de 2020 devrait aussi favoriser le photovoltaïque qui présente peu de contraintes d’installation et pas de nuisances visuelles ou sonores.
Et pour échanger avec les professionnels, deux colloques ont été organisés par Enerplan à Toulouse et Paris le 30 août et le 13 septembre, dédiés à l’autoconsommation PV. De son côté, l’INES a organisé le 7 septembre une conférence-débat, « Quand les centres commerciaux deviennent producteurs d’énergie solaire ».
Un ciel plus clément pour la filière solaire en France en 2018 ? Beaucoup d’indicateurs passent au vert
Avis d’expert
David Lawson, directeur Marketing de SMA France
Quelles tendances pour le marché PV français au 2e semestre 2017 ?
D. L. – Après un bon début d’année, la fin de l’année sera bonne avec les appels d’offres de la CRE qui donnent une bonne visibilité pour les trois, voire six prochaines années avec un cadencement d’appels d’offres régulier, en particulier pour les installations de plus de 100 kW. On note une implication de plus en plus importante des maîtres d’ouvrage pour identifier l’intérêt des centrales énergétiques en terme d’investissement, mais plus globalement en terme de performance énergétique. Ils recherchent une sécurisation du coût de l’électricité pour les 10 à 15 ans avec une courbe de coûts connue. Le taux de rentabilité maximum attendu est de 8 à 10 ans avec un calcul du coût prévisionnel du kWh payé au fournisseur. La démarche de responsabilité sociétale est également importante. On est dans une approche énergétique différente avec la digitalisation de l’énergie en valorisant l’énergie produite. C’est par exemple le cas du client du supermarché qui pourra recharger son véhicule électrique pendant ses courses.
Quelle est l’importance des décrets sur l’autoconsommation d’avril/mai 2017 ?
D. L. – C’est une avancée importante : cela va déverrouiller les difficultés administratives ; les coûts de raccordement importants vont être réduits et le distributeur d’électricité doit faciliter ce schéma avec des coûts d’utilisation préférentiels de son réseau (Turpe). Les opérateurs de réseau sont bien conscients que les ENR sont là et vont rester. La problématique d’intégration de cette nouvelle puissance doit être gérée par concertation : ces installations PV doivent amener des services au réseau. En 2017, on estime à environ 15 % le volume d’électricité PV autoconsommée.
Quel sera l’impact de la RT 2020 ?
D. L. – La RT 2012 a déjà encouragé l’utilisation du PV, mais la RT 2020 va démultiplier ces actions : il faudra produire de l’énergie. On voit déjà cet impact dans les appels d’offres publics de gré à gré : en 2018/2019 tout nouveau bâtiment doit être à énergie positive.
Quels axes de développement pour les onduleurs de SMA ?
D. L. – Nous travaillons sur la réduction des coûts du matériel, mais aussi sur le coût des installations : mise en œuvre la plus simple possible, pose simplifiée en toiture, mise en œuvre par smartphone qui se connecte automatiquement à l’onduleur. SMA travaille sur la digitalisation ou gestion de l’énergie avec des solutions pour s’intégrer dans l’écosystème du bâtiment ou du quartier : stockage ou injection sur le réseau pour revendre au prix le plus haut (prosumer ou producteur-consommateur), pilotage d’applications. Au niveau du produit, SMA travaille sur le confort d’utilisation, la fiabilité et la durée de vie des composants qui doivent durer 20 ans.
Avis d’expert
Bruno Belouard, directeur d’AdiWatt
AdiWatt est une société industrielle française entièrement dédiée à l’énergie renouvelable photovoltaïque, avec deux usines de production en France et en Espagne. AdiWatt propose des solutions innovantes dans la fixation des modules photovoltaïques pour l’enveloppe des bâtiments producteurs d’énergie. En intégration BIPV, dès la conception des plans de construction ou de rénovation des bâtiments, à l’écoute des architectes et des partenaires, AdiWatt offre des solutions de fixation pour chaque projet d’intégration de modules photovoltaïques : ombrières, brise soleil, toiture terrasse, toiture bac acier. Son savoir-faire et son expérience lui ont permis de réaliser les plus prestigieuses installations en toitures, ombrières et champs solaires en Europe, Afrique et Moyen Orient.
Comment voyez-vous le marché du solaire en France en 2018 ?
Bruno Belouard – En 2018, le marché français devrait être plus diffus grâce à l’autoconsommation. Jusqu’à maintenant, ce marché du photovoltaïque était organisé par des développeurs pour des centrales de grandes puissances. Avec le développement de l’autoconsommation, ce marché concernera des plus faibles puissances à partir de 5kW. Il devrait particulièrement intéresser les entreprises qui consomment l’énergie de façon continue (pour le chauffage, la climatisation, le froid…) et qui souhaitent réduire leur facture énergétique en installant des centrales photovoltaiques sur leur toiture, sur parking ou espaces verts. Cela peut se faire aujourd’hui dans toutes les régions. C’est aussi une vrai opportunité pour les électriciens qui sont proches de leur client et nous sommes à leur coté pour les accompagner car ces réalisations photovoltaïques nécessitent des compétences techniques dans le montage des panneaux sur les toitures. AdiWatt est reconnu comme le spécialiste des systèmes d’intégration photovoltaïque. Notre savoir- faire et l’expérience nous permettent de résoudre les problèmes techniques d’implantation des panneaux, en toiture, façade ou au sol et de proposer des solutions fiables et économiques.
Beaucoup de nouveaux décrets et projets ces derniers mois, mais faut-il d’autres mesures pour vraiment relancer le marché du solaire en France ?
B. B. – Le décret sur l’autoconsommation est très positif, c’est ce qu’il fallait faire. Cela va dans le sens d’une dynamique avec un marché plus stable. Aujourd’hui, avec les appels d’offres de la CRE, c’est du « stop and go » et tous les projets attribués doivent être réalisés en même temps, le plus vite possible, ce qui pose des problèmes de disponibilité aux fournisseurs.
Quelles solutions pour réussir pour AdiWatt sur ce marché très concurrentiel ?
B. B. – Nous sommes une société indépendante et les clients qui nous font confiance sont de grands énergéticiens : EDF, Engie, Eiffage ou Total. Nous avons un outil industriel performant qui nous permet d’être compétitifs: En 2016, nous réalisons plus de 50% de notre CA hors de la zone euro (Afrique, Moyen-Orient, Suisse,…). A l’export, l’ensemble des projets que nous réalisons sont en autoconsommation, excepté pour le Sénégal et Côte d’Ivoire où nous avons réalisé des champs solaires pour des EPCISTES. C’était aussi le cas de réalisations en Belgique avec du stockage d’énergie. Nous avons notre propre usine de 10000 m², nous concevons et fabriquons des systèmes d’intégration adaptés à tous les types de panneaux, sans recours à la sous-traitance. Nous avons aussi un Bureau d’Etudes intégré avec des Ingénieurs structures et utilisons tous les moyens numérique disponible. Nous réalisons les notes de calculs, définissons les plans d’implantation suivant les contraintes architecturales en conformité avec les recommandations du bureau de contrôle. Toute cette phase d’étude est très importante.
Jean-Paul Beaudet