Pouvez-vous nous faire un tour d’horizon des qualifications ayant trait à l’efficacité énergétique dans le bâtiment dispensées par Qualifelec ?
Yves Jalageas – Dans l’univers du RGE nous distinguons tout d’abord les domaines de travaux liés aux économies d’énergie (équipements électriques hors ENR & ventilation) que nous avons déclinés dans plusieurs référentiels de qualification : Logement-Commerce-Petit tertiaire ; Moyen gros tertiaire industrie ; Chauffage électrique ; Ventilation et les domaines liés aux ENR (pompe à chaleur, solaire photovoltaïque) dans lequel nous retrouvons naturellement les qualifications du même nom auxquelles il convient d’ajouter celle dédiée au chauffe-eau thermodynamique. Ensuite, nous proposons des qualifications sur les sujets tels que la maintenance des installations électriques, les branchements et réseaux, l’éclairage public, les courants faibles ou encore les antennes. Enfin, pour les entreprises qualifiées sur la base des anciens référentiels (abandonnés en 2015), nous les accompagnons jusqu’à la fin de leur cycle de qualification qui interviendra en 2019 (cela concerne les qualifications installations électriques, CVC et les bâtiments communicants.
De quelle manière les qualifications incitent les acteurs du bâtiment et de l’électricité à tendre vers plus d’efficacité énergétique ?
Y.J. – Les électriciens ont un rôle central pour l’efficacité énergétique des bâtiments et des installations. Lors d’une réhabilitation par exemple, ils doivent pouvoir informer leur client des produits et services disponibles sur le marché et de leur en expliquer l’utilité et les enjeux. Mais pour mener à bien sa mission de sensibilisation, l’électricien doit lui-même avoir été sensibilisé et formé à ces thématiques. Pour cela, la formation FEEBAT, obligatoire pour devenir RGE-Économies d’énergie, permet de leur apprendre les bons gestes et les bonnes pratiques d’installation notamment celles liées à la coactivité avec les autres corps d’état. C’est aussi une prise de conscience de leur rôle de conseil auprès de leurs clients. Pour les qualifications relatives aux énergies renouvelables, une formation spécifique à chaque ENR est obligatoire pour devenir RGE. Si un électricien n’est pas RGE, son client final n’aura pas droit aux aides éco-conditionnées par l’État (Éco PTZ, CITE…). C’est par ces types de formations que la filière parviendra à faire sa mue.
De quelle manière se déroule un processus de qualification RGE ?
Y.J. – Qualifelec est en charge de qualifier les entreprises et non les personnes, le RGE est donc un cas particulier en ce qui concerne les moyens humains. Si l’entreprise est de petite taille, le plus souvent, le référent technique qui a suivi la formation est le chef d’entreprise. Si l’entreprise est de taille plus importante, le processus de qualification s’appuiera sur un collaborateur. Si ce dernier quitte l’entreprise par la suite, l’entreprise se verra contrainte de former un autre collaborateur et de nous le déclarer.
Plus généralement, comment obtient-on une qualification chez Qualifelec ?
Y.J. – Pour faire une demande de qualification, il suffit de remplir un dossier (administratif & technique), qui partira en vérification au siège de Qualifelec. Si le dossier est complet, il est inscrit en Comité de qualification, s’il ne l’est pas, nous procédons à des demandes complémentaires. Sur certains dossiers nous mettons en avant certaines formations qui viennent en complément de l’expérience professionnelle à laquelle nous sommes attachés (les courants faibles par exemple). Comme nous l’avons évoqué, nos entreprises qualifiées interviennent dans une grande pluralité de domaines à laquelle se sont ajoutés récemment les IRVE. Pour valider un processus de qualification, nous nous appuyons sur des comités régionaux, toujours constitués de trois collèges : le collège A regroupe des installateurs et représentants des professionnels, le collège B est composé de clients et d’utilisateurs finaux et le collège C est formé par les institutionnels représentant l’intérêt général. Nous considérons donc qu’une entreprise est objectivement qualifiée par l’ensemble de la filière. Chaque comité est composé de 20 à 25 membres, qui examinent environ 70 dossiers par séance. Si un dossier est incomplet ou ne satisfait pas à nos exigences, il sera ajourné. Trois comités régionaux sont organisés tous les mois, ce qui permet l’examen de près de 200 dossiers chaque mois. Ce système fonctionne grâce à l’implication de plus de 350 qualificateurs répartis sur toute la France et nous sommes constamment à la recherche de volontaires pour remplir ces missions de qualification.
Le véhicule électrique se développe et un nouveau décret sur les IRVE a été publié. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Y.J. – Un décret sur le sujet a été publié le 13 janvier dernier et a fixé l’obligation pour les professionnels en charge de l’installation des bornes de recharge de disposer d’une qualification délivrée par un organisme accrédité depuis le 14 juillet 2017. En outre, à partir du 14 janvier 2018, les professionnels devront justifier de formations de moins de 4 ans et agréés par l’organisme de qualification. Le sujet des infrastructures de recharge des véhicules électriques (IRVE) se développe et nous constatons une augmentation du nombre de demandes de qualifications.
Avez-vous développé un panel de qualifications s’y rapportant ? Si oui, lesquelles et pour quels publics ?
Y.J. – Il existe 3 niveaux de formations qui entrent dans le cadre du décret IRVE : la formation de base (niveau 1), qui correspond globalement aux bornes installées pour un seul véhicule, la formation expert (niveau 2), destinée à l’installation de bornes jusqu’à 22 kVA et enfin la formation recharge rapide, destinée à l’installation de bornes de charge de forte puissance intégrant un système de communication. Ces formations, pour être reconnues, devront être assorties d’une qualification délivrée par Qualifelec. La mention IRVE est obligatoire pour intervenir sur ces types d’installations.
Autre sujet récent, l’ouverture de l’autoconsommation et du stockage. Qualifelec dispense-t-il des formations dans le domaine des énergies renouvelables et plus particulièrement pour leur intégration au bâtiment, dans le cadre d’une installation d’autoconsommation ?
Y.J. – Notre mission est d’évaluer les professionnels à travers leurs références chantiers, leurs formations, leurs moyens administratifs et humains pour leur délivrer une qualification. Nous ne réalisons pas de formation. Nous avons fait évoluer la qualification solaire photovoltaïque pour accompagner cette ouverture à l’autoconsommation et répondre au décret qui l’encadre. Le professionnel peut choisir au sein de notre qualification SPV les indices suivants : l’Indice ≤ 36 kWc, l’indice > 36 kWc et l’indice Maintenance des installations solaires photovoltaïques, qui permettra d’accompagner les professionnels dans les activités de maintenance.
Par l’intermédiaire des objets connectés, le numérique investit le bâtiment à grande vitesse. Cette transition numérique du bâtiment contribue-t-elle selon vous à sa transition énergétique et écologique ? De quelle manière Qualifelec investit-il le sujet ?
Y.J. – Qualifelec dispose d’un large groupe de travail sur le sujet des objets connectés et ses premiers rendus auront lieu dans les tout prochains mois. L’objectif principal de ce groupe est de mener une réflexion sur l’amélioration de la lisibilité et de la visibilité de la qualification dans les domaines liés aux objets connectés et aux courants faibles : VDI, sécurité/sureté, audio/vidéo et GTB/domitique. À titre personnel, je suis convaincu que cela constitue une formidable opportunité pour nos professionnels ; il faut par contre s’assurer du niveau de sécurité de ces installations.
Vous avez été élu à la présidence de Qualifelec en juin dernier. Quelle est votre ambition et votre vision pour l’association ?
Y.J. – Cela fait 12 ans que je travaille pour Qualifelec, d’abord en tant que qualificateur terrain dans les comités régionaux, puis dans les comités nationaux et enfin en tant que président de la commission Installations électriques nationales. Je souhaite donc poursuivre le travail dans la droite ligne de mon prédécesseur, Thierry Hénault. Nous avons lancé sous sa présidence la dématérialisation progressive des dossiers, afin d’apporter plus de fluidité dans leur traitement. Nous souhaitons également renforcer nos comités, en impliquant davantage les acteurs actuels et en recrutant de nouveaux membres. Notre objectif est de nous constituer un large vivier de professionnels pour alimenter nos comités. Un autre objectif est de faire évoluer notre processus en offrant plus de visibilité dans l’avancée des qualifications pour les demandeurs et de développer le paiement en ligne. Enfin, nous animons, au quotidien, des groupes de travail afin de faire évoluer les référentiels. Notre volonté première est d’instaurer un dialogue constructif entre les différents acteurs de la filière pour répondre à la demande du marché.
Propos recueillis par Alexandre Arène