« Avec la transition énergétique, des coûts de kWh solaire et éolien à parité ou moins cher que les autres énergies, ce qui semblait d’ailleurs impensable il y a dix ans, les solutions d’énergie renouvelables incluant du stockage font de plus en plus sens aujourd’hui », introduit Pierre Langer, fondateur et président de Powidian.
Les enjeux sont également économiques. La volatilité des marchés journaliers, la dérégulation tarifaire, rendent le stockage opportun pour générer des bénéfices ou bien encore pour optimiser son équation tarifaire et consommer l’électricité classique au tarif le moins cher.
Des systèmes intégrant différentes technologies de stockage
« C’est en particulier ce que nous avons réalisé pour un bâtiment tertiaire de 4 600 m2, à Saint-Herblain. La station SAGES – pour Smart Autonomous Green Energy Station – que nous proposons s’appuie sur une ou des énergies renouvelables et une solution de stockage mixte à base de batterie lithium-ion de dernière génération pour le court terme et d’hydrogène pour le long terme. Dans le contexte de ce bâtiment, le système permet d’écrêter à certains moments la puissance énergétique appelée sur le réseau pour optimiser l’abonnement EDF. Dans ce cas, la station fournit une puissance de 10 kW », explique Pierre Langer. Chaque situation est spécifique, il est possible d’adresser par exemple des besoins de sites isolés pour des puissances de 10 à 500 kW. Ou bien encore pour être en secours de réseaux électriques défaillants ou bien intégrés à des micro-grid.
Et ce dans une logique de centrale électrique 100 % verte, fiable et avec zéro pétrole. La configuration du système, notamment la capacité et le dimensionnement du stockage hydrogène et des batteries lithium-ion, en fonction du profil de consommation et de production des ENR, est simulée en conception du projet. « Cela prépare, en fonction des besoins, le dimensionnement idéal de la station, par exemple le nombre de panneaux solaires, le nombre de jours de stockage, la taille de l’électrolyseur et de la pile », ajoute l’expert.
Pour prendre une autre illustration, nous étudions la réalisation de la première supérette autonome avec une chaîne à hydrogène. C’est une vraie stratégie pour notre client Carrefour, pour se protéger de la hausse des prix de l’électricité d’une part, mais aussi pour anticiper la taxe carbone et obtenir une réelle autonomie de son bâtiment.
Le cœur de la station, c’est aussi le logiciel qui, avec des algorithmes avancés, va proposer un point de fonctionnement nominal (MPPT) qui va s’adapter en fonction des prévisions de production, de consommation et de stockage.
L’hydrogène stockée sous forme solide
L’hydrogène peut être aussi stockée sous forme solide. C’est le pari réussi par la société McPhy qui a développé et breveté une technologie de stockage d’hydrogène sous forme solide à basse pression.
L’hydrogène est transformé à l’état solide et stocké sous forme de galette. Un système sécure, notamment par rapport à d’autres technologies à haute pression ou liquide à – 253 °C. Ce système permet aussi un volume de stockage plus réduit et peut être entreposé et utilisé à la demande grâce à un équipement de reconversion d’hydrogène en électricité.
La technologie utilise un composé chimique, un hydrure métallique, formé d’hydrogène et de métal. Dans certaines conditions de température et de pression (10 bars), le métal absorbe l’hydrogène pour former un hydrure métallique, dans ce cas l’hydrure de magnésium.
Autre point important, au contact du feu, la galette d’hydrogène (d’un diamètre de 30 cm et pour 600 litres d’H2 stockés) ne s’enflamme pas ou n’explose pas.
La technologie du volant inertiel
Son principe est simple et fiable : un volant est entraîné par un moteur électrique. L’apport d’énergie électrique permet ainsi de faire tourner la masse du volant à des vitesses très élevées (entre 8 000 et 16 000 tours/mn suivant les modèles) en quelques minutes. L’alimentation coupée, la masse continue à tourner, et l’énergie est stockée sous forme d’énergie cinétique. Environ 80 % de l’énergie absorbée sont ensuite restitués en couplant un moteur qui fonctionne en génératrice.
La société Levisys, basée à Troyes, a même réussi à obtenir des rendements de près de 98 %, après plus de 10 ans de recherche, grâce à un procédé de sustentation magnétique qui évite les frottements. L’absence de dispositif de refroidissement est également un plus.
Le stockage inertiel peut être utilisé seul ou combiné à d’autres moyens et permet de répondre à l’intermittence de la production des ENR, au lissage mais aussi de stabiliser la fréquence et la tension dont les opérateurs réseaux ont besoin. Par rapport à une batterie électrochimique, la phase de stockage est très rapide ; soulignons également que le temps de réponse est de quelques millisecondes, ce qui s’avère intéressant pour les problématiques d’équilibrage réseau.
Stockage thermochimique inter-saisonnier
Et si l’on stockait l’énergie solaire abondante en été pour l’utiliser beaucoup plus tard en hiver ? Cette idée a fait son chemin sur le principe du stockage thermochimique avec des procédés mettant en œuvre des réactions chimiques réversibles qui permettent de séparer un produit sous l’effet d’une source de chaleur. Les deux (ou plus) composants sont alors stockés séparément sans perte thermique, et la chaleur est restituée lorsqu’ils sont remis en présence en reformant le produit initial.
« Cette solution a deux intérêts majeurs, l’absence de perte thermique et une densité énergétique de stockage 4 à 5 fois supérieure à l’eau, soit 200 à 300 kWh par m3. Ainsi, pour couvrir 100 % des besoins ECS et chauffage d’une maison RT 2012, environ 3 000 kWh, un réservoir thermochimique de 10 m3 de volume serait suffisant », indique Joël Wyttenbach en charge du projet démonstrateur StockHiDens au sein de l’INES.
Couplés à des bâtiments bien isolés et économes, les solutions de stockage peuvent permettre leur autonomie réelle, avec des solutions mixant différentes technologies de stockage, notamment grâce au vecteur hydrogène. « Au-dessus de 1,5 jour de stockage, l’hydrogène est une des solutions qui prend tout son sens, d’autant plus que la mobilité va tirer le marché et faire baisser les prix : des grands projets de bus à H2 en Chine par exemple sont en cours », conclut Pierre Langer.
Jean-François Moreau