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Philippe Van de Maele, Président de l’Alliance HQE-GBC

Philippe Van de Maele, président de l'Alliance HQE-GBC

Pouvez-vous nous présenter l’Alliance HQE-GBC et nous expliquer ses missions auprès des acteurs du bâtiment et de l’immobilier ?

L’Alliance HQE-GBC est l’alliance des professionnels pour un cadre de vie durable, issue de la fusion entre l’Association HQE et France GBC. Elle regroupe l’ensemble des acteurs de la chaîne de l’amont à l’aval et du bâtiment à l’infrastructure en passant par l’aménagement. Notre approche est spécifique car elle se veut globale et inclut tout ce qui concerne de près ou de loin le respect de l’environnement, la qualité de vie, la performance économique et le management responsable : le scope du développement durable et de la RSE en d’autres termes. L’Alliance HQE-GBC est reconnue d’utilité publique et a pour principale mission d’accompagner les acteurs dans les transitions notamment par ses cadres de référence et outils qui en découlent tels la certification, la formation…. Nous avons également un programme d’innovation collaborative « HQE Performance », pour aider à la structuration des sujets émergeants notamment l’apport du digital ou l’approche quartier par exemple et aux développements de nouvelles pratiques. Enfin, nous assurons également un rôle de représentation du cadre de vie durable. Ainsi, nous sommes membres du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur ainsi que du réseau BEEP (Bâti Environnement Espace Pro), porté par l’ADEME et les régions. Nous travaillons également en étroite collaboration avec le Plan bâtiment durable.

Le sujet d’actualité est la prise de fonction de Nicolas Hulot en tant que ministre de la Transition écologique et solidaire. Quelles ont été vos réactions en apprenant cette nomination ?

Notre réaction à cette nomination a concerné 2 points. D’abord l’intitulé du ministère, qui capitalise sur le terme de « Transition » et inclut les notions d’écologie et de solidarité confirmant la volonté d’avoir une approche globale développement durable. Cela montre que dans la gestion de la transition, il ne faut oublier personne et prendre en compte l’ensemble des situations. De plus, la nomination de Nicolas Hulot, connu pour son engagement en matière environnementale conforte l’importance que le gouvernement accorde à une approche durable du développement du pays. Sa notoriété auprès du grand public est certainement une chance pour aller toucher les ménages sur ces sujets pour lesquels si l’on prend l’exemple de la rénovation énergétique, le passage à l’acte est clé.

Dans ce nouveau gouvernement, on note l’absence d’un ministre du logement. Est-ce regrettable selon-vous ?

Comme vous le savez, plusieurs de nos membres ont exprimés leur regret et d’autres au contraire se réjouissent de ce grand ministère alliant le bâtiment à la ville. Ce regroupement semble cohérent et porteur de simplification.

Sur la question de la transition énergétique du bâtiment, il n’y a pas de raison de douter que la dynamique portée notamment par Emmanuelle Cosse, l’ex-ministre du Logement et de l’habitat durable ne se poursuive. Elle a en effet su dialoguer avec les différents acteurs et les mobiliser, pour mener à bien notamment le programme PACTE, le Plan Recherche et Développement Amiante et le Plan Transition Numérique dans le Bâtiment ou encore le lancement de l’expérimentation E+C-.

Le nouveau label « E+C- » vient prendre en compte le poids carbone et les consommations d’énergie du bâtiment tout au long de son cycle de vie. Quelles sont les forces et les faiblesses de ce dispositif selon-vous ?

Il est encore un peu tôt pour évaluer les forces et les faiblesses du dispositif, étant donné que nous débutons actuellement la phase d’expérimentation. La principale force du dispositif est qu’il s’appuie sur des retours d’expériences. Certains sujets abordés sont nouveaux, comme c’est le cas pour la question du carbone. Il faut avancer à la bonne vitesse pour permettre à tous de se former, modifier sa pratique de commande en tant que maitre d’ouvrage… et atteindre cet effet masse qui est nécessaire pour arriver au facteur 4. Ce label est coconstruit avec l’ensemble des professionnels du secteur et s’appuie sur une méthode de calcul basée sur une norme européenne. Selon-nous, cette méthode basée sur l’analyse du cycle de vie est la bonne, mais nécessite ces retours terrains pour être réellement opérationnelle et applicable à grande échelle.

Un sujet en suspens depuis plusieurs années est l’arrivée d’une nouvelle réglementation sur le bâtiment, qui ne prendrait apparemment pas la forme d’une réglementation thermique (RT) mais devrait s’intituler réglementation bâtiment responsable (RBR) et s’appuyer sur les caractéristiques du label « E+C- ». Avez-vous des informations à ce sujet ?

Comme cela a été dit à plusieurs reprises par l’Etat, la prochaine réglementation sera environnementale. L’expérimentation « E+C- » en est la préfiguration, comme BBC l’a été pour la RT 2012. Deux éléments sont en test : la méthode d’une part et les valeurs cibles (E1 à E4 et C1-C2) d’autres part afin de déterminer la combinaison énergie-carbone la plus efficiente.

Concernant la date d’application, la loi de transition énergétique prévoit en tout état de cause, la prise en compte des émissions carbone dans la réglementation en 2018 et l’obligation de construire des bâtiments Bepos pour 2020. Une chose est sure, c’est qu’il n’y aura pas 2 réglementations différentes, ce qui pose le problème de la temporalité. Les travaux ne seront pas aboutis pour faire émerger une réglementation en 2018, mais une chose est sûre c’est que cela arrive à court terme et que les acteurs ont tout intérêt dès aujourd’hui se lancer dans l’expérimentation.

Autre sujet d’actualité, la publication du décret « rénovation tertiaire », qui précise les modalités d’application de l’article 17 de la loi de Transition Energétique. Quel sera son impact sur les certifications HQE ?

Depuis longtemps, les acteurs du bâtiment et de l’immobilier s’engagent, via notamment la Charte Plan bâtiment durable ou encore les certifications HQE exploitation, qui reposent sur une amélioration au fil des années. Le décret tertiaire, publié il y a peu, va pousser les acteurs à observer ce qui se passe sur leur marché et leur faire prendre conscience qu’il est possible de faire de l’efficacité énergétique via une meilleure gestion.

L’Alliance HQE-GBC est le membre français du World Green Building Council (World GBC). En quoi consiste le dialogue avec le World GBC ?

Cette organisation fédère à l’échelle mondiale des entités comme la nôtre qui rassemble les professionnels de la construction durable. L’objectif est d’allier actions locales et globales afin de faciliter la transformation du marché et d’allier nos voix pour être plus audibles, plus percutants par le biais de messages communs notamment.

Comme nous le faisons en France ou en Europe, le World GBC a un rôle de porte la parole des acteurs du bâtiment et du cadre de vie durable qu’il assume dans les instances internationales, tel le PNUE (Programme des Nations-Unies pour l’environnement), les COP (Conférences des Parties) …. Dans un deuxième temps, le World GBC c’est aussi un réseau animé par continent. Nous avons donc une plateforme régionale européenne où l’échange avec nos confrères est riche de bonnes idées à transposer ou d’actions collectives notamment sur les textes et travaux de la Commission Européenne. Le World GBC porte également des campagnes mondiales thématiques, comme la campagne « Advancing Net Zero » ou encore celle concernant les « Better Build Green », qui a pour objectif de diffuser des études pour démontrer les bénéfices sociaux et économiques des bâtiments durables, .

Par l’intermédiaire des objets connectés, le numérique investit le bâtiment à grande vitesse. Cette transition numérique du bâtiment contribue-t-elle selon-vous à sa transition énergétique et écologique ?

Au sein de l’Alliance HQE-GBC, nous croyons réellement que ces transitions, de deux natures bien différentes, se complètent et font sens. Je vous citerais l’exemple donnée lors de l’assemblée annuelle de notre programme d’innovation collaborative « HQE Performance », où aux Pays-Bas, DEERNS avait été missionné pour construire un nième bâtiment sur un campus scolaire. Après une analyse de la fréquentation, ils se sont aperçus que les autres bâtiments étaient suffisamment inoccupés pour ne pas avoir à construire ce nouveau bâtiment à condition de mettre en place un pilotage numérique. L’économie réalisée a permis d’investir dans l’amélioration des bâtiments existants sur ce site. Nous croyons donc profondément au couplage de la transition environnementale et numérique. Mais il est important que la réciproque soit vrai et que l’IoT n’oublie pas la transition environnementale. L’objectif n’est pas de faire du tout connecté et de mettre des captures à tout bout de champ. Il faut bien coller aux besoins au regard des services numériques attendus et être attentifs à éviter tout gaspillage, mais aussi tout effet rebond, qui pousserait les consommations vers le haut.

En France, les bâtiments résidentiels et tertiaires représentent près de 45 % des consommations énergétiques. Les objectifs de la loi sur la transition énergétique et de son volet bâtiment sont-ils atteignables selon-vous ?

L’expérimentation « E+C- » que nous évoquions tout à l’heure nous a permis de franchir un cap en changeant les méthodes de calcul. L’objectif est aujourd’hui de construire des outils durables avec une vision de long terme. Il faut donc mettre en place des objectifs dans un temps réaliste et à bonne échelle. Les professionnels doivent avoir le temps de s’adapter et il est donc impératif de ne pas constamment changer les règles. Les acteurs du bâtiment sont conscients des enjeux, du poids et du levier représenté par leur secteur. Le maître mot est donc la mesure et l’inscription des réglementations dans le temps long.

Propos recueillis par Alexandre Arène

Filière 3e: