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Un « nuage » protégé contre les orages

La protection foudre des datacenters (c) Seftim

Les datacenters sont devenus un point de concentration stratégique pour les systèmes d’information des entreprises et aucune interruption de service ou perte de données ne sera admise. Ces bâtiments disposent d’alimentations HT, MT et BT sécurisées, souvent redondantes et secourues si besoin par des groupes électrogènes. Mais il faut aussi protéger ces infrastructures et tous les équipements informatiques contre les surtensions dues à la foudre. Ces protections peuvent être obligatoires si le datacenter est une ICPE soumise à autorisation [voir j3e no 850 p. 28 à 32] en particulier lorsqu’il est équipé de groupes électrogènes ou de batteries pour onduleurs. Ces bâtiments présentent souvent des points hauts en toiture (antennes, équipements de climatisation, cheminées des groupes) qui peuvent constituer des capteurs de foudre préférentiels. L’étude « analyse de risque foudre-ARF » sera suivie d’une étude technique définissant les dispositifs de protection et de prévention à mettre en place.

[gview file= »http://www.filiere-3e.fr/wp-content/uploads/2017/05/Schéma-1-Protection-Datacenter-Dehn.ppt »]

Pour Bruno Roland, Business Technical Manager d’ABB (Pôle Foudre Soulé-Helita) : « L’étude de la protection intérieure d’un datacenter devra être réalisée selon le concept de zones de protection foudre entre la ZPF 0A à la zone ZPF 3 telles que définies dans la norme IEC 62305-4. La zone de protection foudre ZPF 0A étant celle où un coup de foudre direct est possible jusqu’à la zone ZPF 3 qui est celle où se situent des équipements terminaux et dans laquelle les surtensions résiduelles doivent être sans danger pour ces équipements. Cette étude doit également prendre en compte la coordination en énergie et en tension des divers parafoudres qui devront être installés en cascade sur les réseaux électriques. »

L’installation extérieure et intérieure de protection contre la foudre

Essai en laboratoire d’un paratonnerre à dispositif d’amorçage PDA (c) INDELEC

Elle doit capter, conduire et écouler vers le sol le courant de la foudre à partir de dispositifs de capture (cage maillée, pointes captrices ou paratonnerre à dispositif d’amorçage PDA).

Des conducteurs de descente vont écouler ces courants vers le sol par des conducteurs dédiés ou la structure du bâtiment. L’écoulement dans le sol se fera par des prises de terre ou des boucles de terre. Les prises de terre d’un site doivent être interconnectées pour limiter le risque de différences de potentiel. L’installation intérieure du système de protection foudre-SPF réalise l’équipotentialité des conducteurs métalliques. Et, précise Didier Leschi, responsable du service CEM/Foudre d’Egis, « pour assurer cette robustesse, il est intéressant de mettre au mieux à profit leur conception, souvent réalisée en béton armé. En effet, selon la norme NF EN 62305-3 traitant de la protection des structures contre la foudre, « les armatures conductrices du béton, convenablement utilisées, forment l’épine dorsale de l’équipotentialité du système de protection intérieur ». Or, il est bien connu que dans le domaine de la protection contre la foudre d’équipements sensibles, le maintien d’un très haut niveau d’équipotentialité en hautes fréquences est essentiel et garantira en grande partie la tenue des matériels à l’agression de la foudre.

Basée sur ce principe, la mise en œuvre du système de protection foudre du datacenter s’appuiera naturellement ensuite sur le concept de zones de protection foudre (ZPF) développé dans la norme NF EN 62305 : la protection de chaque équipement sensible sera adaptée à son niveau de sensibilité par réduction des chocs conduits (mise en place de parafoudres adaptés aux interfaces entre chaque ZPF) et réduction de l’effet des champs magnétiques rayonnés (mise en place d’écrans, règles de câblage, parafoudres).

Quant à l’épine dorsale de l’équipotentialité, elle sera obtenue en reliant régulièrement par soudures ou par pièces de serrage les armatures conductrices du béton afin de former une cage maillée intégrée aux principaux voiles et planchers de la structure. Afin de connecter directement les équipements sur ce réseau équipotentiel, des bornes de connexion reliées aux armatures avant coulage du béton seront implantées régulièrement dans les locaux stratégiques ».

Les parafoudres pour protéger les installations électriques

Installation de parafoudres dans un tableau basse tension. (c) CITEL

Les parafoudres limitent les surintensités dans les réseaux électriques et électroniques et réduisent les surtensions aux bornes à des valeurs acceptables : en fonctionnement normal, le parafoudre est vu comme un circuit ouvert par le reste de l’installation et au moment du coup de foudre il devient passant (impédance nulle). Il écoule la surintensité à la terre et limite la surtension.

Christopher Briche, responsable Produit de Socomec, explique : « Ils permettent de répondre à l’ensemble des besoins de protection contre les surtensions à tous les niveaux de l’installation et en conformité avec les normes en vigueur. Les parafoudres Type 1 sont adaptés pour écouler les impacts directs de foudre à haute énergie à l’origine de l’installation, les parafoudres Type 2 sont placés dans les tableaux divisionnaires et les parafoudres Type 3 sont dédiés à la protection des équipements sensibles. Des parafoudres spécifiques sont également disponibles pour les réseaux de communication. »

Et, ajoute Bruno Roland : « Les liaisons coaxiales devront être protégées par des protections coaxiales adaptées aux types de signaux fréquence, impédance, tension et aux types de connecteurs. Les équipements de télésurveillance, les caméras thermiques, les systèmes de contrôle d’identité, de contrôle des sas de sécurité, de détection d’incendie et d’intrusion seront également à protéger. »

Leur dimensionnement et mise en place sont complexes et il est indispensable de faire appel à des professionnels reconnus et compétents pour réaliser les différentes missions : études, installation et vérifications. Christian Macanda, responsable Produits de Citel : « Les parafoudres informatiques et télécom doivent avoir un temps de réponse très court (inférieur à 1 ns) grâce à l’utilisation de diodes rapides, une faible tension de ligne et un haut débit. Nous utilisons une technologie à éclateurs à gaz pour un écoulement impulsionnel important. »

Ainsi pour le datacenter d’une compagnie d’aviation située dans le Sud-Est, Alain Rousseau, président de SEFTIM, explique : « Ce datacenter était très exposé à la foudre tant par sa localisation (site isolé en région foudroyée) que par ses nombreux accès. L’ARF a permis de bien quantifier les niveaux de risques. La protection des antennes, systèmes anti-intrusion et cheminées des groupes électrogènes sont traitées par paratonnerre, notamment avec la technologie isolée, mais l’ARF a montré que les risques venaient surtout des divers réseaux (énergie, data…) et du réseau de terre. Le réseau de terre a été défini grâce à des mesures de résistivité du sol et des modélisations. Une mesure de terre haute fréquence a permis de dimensionner les parafoudres de tête. L’équipotentialité entre les diverses prises de terre a également été réalisée. Les systèmes sensibles ont été protégés par des parafoudres de Type 2 en plus des parafoudres de Type 1+2 (parafoudres capables de supporter une portion d’un choc de foudre direct et capables également de protéger à bas niveau les circuits sensibles) en tête d’installation. Les normes récentes indiquent qu’après 10 m la protection n’est plus assurée avec un seul parafoudre. Dans la pratique, il s’agit d’un maximum et, en fonction des configurations rencontrées, cette distance peut être bien plus courte que 10 m. L’étude d’un datacenter impose donc de prendre en compte la coordination en énergie et en tension des divers parafoudres. »

L’expérience d’OVH, numéro un en Europe de l’hébergement web/applicatif
THOMAS CARON, ingénieur Électricité chez OVH

Un datacenter OVH protégé par un paratonnerre de type PDA. (c) OVH

Chez OVH, la protection contre le risque foudre ne peut être négligée aux vu des menaces potentielles pour nos infrastructures et nos services. Au-delà des dégâts structurels liés au bâtiment, l’impact de foudre propagerait des surtensions importantes par tous types de conducteurs ; ces surtensions seraient préjudiciables aux équipements électroniques tels que les alimentations de baies de serveurs ou les onduleurs. Cela pourrait amener à une indisponibilité partielle ou totale des infrastructures et donc du service, le temps des réparations.

Chacun des sites OVH fait l’objet d’une étude technique vis-à-vis du risque foudre afin de mettre en œuvre les moyens adéquats dès le déploiement du site, selon les normes locales de chaque pays dans lequel nous sommes présents. Ces études sont réalisées par des entités spécialisées qui, après analyse du risque foudre, dimensionnent les protections requises en fonction notamment de la topologie des bâtiments et du niveau kéraunique dans la zone d’implantation. Cette étude est obligatoire pour les sites français classés ICPE.

 La protection de nos datacenters français contre les coups de foudre directs est assurée par des paratonnerres à dispositif d’amorçage, dont le rôle est de capter la foudre afin d’en évacuer la décharge à la terre. Ce dispositif est renforcé avec des parafoudres positionnés en tête de nos installations, et notamment dans nos tableaux généraux basse tension. 

 Les paratonnerres sont installés en plan, comme en altimétrie suivant une sphère de protection, dont le rayon est défini par le constructeur. Nous installons également des parafoudres sur toutes les liaisons entrantes (câbles électriques, câbles télécom…) pour nous prémunir d’éventuels effets indirects.

Nous veillons particulièrement à ce qu’aucun équipement situé hors du volume de protection des paratonnerres ne puisse perturber nos installations à forte disponibilité.

Le bon fonctionnement de nos installations de protection contre le risque foudre est contrôlé annuellement par un organisme spécialisé et certifié. Les paratonnerres actifs sont testés tous les deux ans.

Avis d’expert : Des normes françaises et internationales de plus en plus précises

ALAIN ROUSSEAU, président des comités de normalisation protection foudre français et parafoudres international

Alain Rousseau Président de SEFTIM (c) SEFTIM

Le processus normal pour déterminer le besoin de protection d’une installation passe par une analyse du risque foudre selon la norme NF EN 62305-2. L’édition 3 de cette série de normes est en préparation pour 2018 et devrait intégrer deux modifications majeures : la notion de risque social regroupant dans un seul calcul les pertes humaines et environnementales et celle de fréquence de dommage couvrant les autres types de dommages. En effet, la notion de pertes (L), qui est le rapport entre le risque (R) et la fréquence de dommage (F, R = F x L), était assez artificielle dans sa détermination et induisait souvent de la surprotection sur les sites industriels et a contrario minimisait le risque sur les autres installations. La probabilité associée aux parafoudres intégrera également en plus de la tenue au courant de foudre, l’efficacité de la protection. Les autres normes de la série (– 1 à – 4) sont aussi en révision, mais les modifications seront mineures à l’exception de la protection contre les chocs de foudre latéraux des structures de moins de 60 m de haut.

Côté parafoudre des documents (norme produit et guide d’application), ils sont en phase finale de développement tant pour les applications photovoltaïques que pour les applications AC au niveau IEC, qui devraient être publiées en France en 2017-2018. En particulier la norme IEC 61643-12 (sélection des parafoudres) va préciser la tenue des déconnecteurs à la foudre, les paramètres de choix des parafoudres, les contraintes existantes sur les réseaux… afin de permettre une bonne protection des équipements sensibles dans une installation industrielle. La NFC 15-100 est également en révision pour intégrer les connaissances internationales sur les parafoudres dans un objectif de sécurité des installations.

La norme IEC 62793 (EN 50536) sur les détecteurs d’orages entre également en révision dans l’objectif de mieux tenir compte des attentes des utilisateurs en termes de fiabilité de détection et de taux de fausses alertes.

Jean-Paul Beaudet

 

Filière 3e: