2017, année de l’hypervision ?
« Intégrer toutes les disciplines pour l’intelligence du bâtiment en créant un superviseur multi-métiers, c’est possible car la complexité n’est plus une barrière », introduit Yann Plévin, chef de produit Desigo chez Siemens. Désormais, avec la communication sur IP, l’hyperviseur peut intégrer de façon homogène toutes les disciplines techniques, contrôle d’accès et sûreté, sécurité incendie notamment. Depuis 2015, c’est entre 10 à 15% des solutions que nous avons installées qui sont dites TBS « Total Building System » et intègrent à minima, en sus du confort, la sécurité incendie mais aussi la sûreté, poursuit l’expert.
Pour la sûreté et la vidéosurveillance, l’hyperviseur rapatrie les données des caméras et permet par exemple à l’exploitant d’effectuer une levée de doutes. La caméra peut ainsi être activée en cas de détection d’intrusion, ou en cas de détection incendie relevée par les détecteurs de fumée. « S’il y a détection incendie, il est possible très rapidement d’arrêter la ventilation primaire, d’effectuer une relève automatique des stores, d’activer la signalisation par bandeaux de lumière vers les issues tout en éteignant l’éclairage principal hors secours, de libérer le contrôle d’accès afin de ne pas freiner l’évacuation par une vérification de badges », souligne Yann Plévin.
« L’impact est important, car le temps de réactivité est réduit, ce qui est essentiel. La sûreté n’est pas un axe de productivité, cependant l’automatisation et le mixte de plusieurs technologies sur un même hyperviseur facilite l’exploitation en limitant les risques d’atteinte des biens et des personnes », mentionne Christophe Chambelin, chef de marché sûreté pour Siemens.
Il y a aussi des bénéfices intéressants en termes de formation des ressources d’exploitation, les personnels exploitants n’ont alors qu’un seul système à appréhender. L’automatisation associée à l’intégration homogène des lots techniques supervisés est également un atout important.
Ces bénéfices sont étendus par la fonction mobile en exploitation, qui permet, par exemple, au gardien qui est en ronde, de filmer avec son smartphone une zone de doute et de l’envoyer en temps réel au superviseur, ou bien encore d’apposer sur son smartphone le badge de la personne qu’il vient de rencontrer pour vérifier son identité et droits d’accès, complète Christophe Chambelin.
Le multi-site aussi
L’architecture d’hypervision peut être étendue à la gestion multi-site, couvrant ainsi un ensemble de bâtiments d’une collectivité, et assurant la centralisation des données issues des lots « confort », mais aussi graduellement, dans le temps, d’autres lots. « C’est un vrai plus qui facilite l’accès à l’information sur toutes les disciplines qui sont combinées », note Yann Plévin.
Un de nos clients a commencé par le lot CVC, la gestion en efficacité énergétique, la sécurité incendie et une partie de la vidéo. Ensuite, la bibliothèque de près de 4 800 modèles de caméras différents permet d’ajouter et de superviser aisément d’autres zones de surveillance, dans un second temps. Charge ensuite dans un troisième temps d’élargir à d’autres sites ou de déployer d’autres lots.
Pour tout ce qui est sûreté, contrôle d’accès et intrusion, au niveau de la couche terrain, nous avons identifié huit technologies différentes avec lesquelles nous sommes susceptibles de nous interfacer pour remonter les informations à l’hyperviseur, mais aussi, à partir de l’hyperviseur, pour exporter des données vers les systèmes des sociétés de Facility Management, complète Christophe Chambelin.
Des freins bien identifiés mais qui ne sont pas techniques
Pour Yann Plévin, le projet doit être construit en amont avec le client et le bureau d’études pour être mené de façon efficace et globale. Bien entendu, le service informatique ou IT a un rôle déterminant sur la dimension sécurité et séparation des réseaux du bâtiment, sur son dimensionnement et bande passante également. Une notion importante est aussi le taux de disponibilité requis ou acceptable pour la solution : l’architecture doit être adaptée en conséquence avec par exemple un réseau IP avec switch autocicatrisant pour limiter au maximum tout incident lié à une coupure réseau.
« Cependant, un des freins du déploiement reste le montage d’affaires et les relations d’entreprises. Les cahiers des charges restent encore trop souvent éclatés en lots, bien que certains installateurs d’envergure proposent maintenant des ‘macro-lots’ regroupant des lots techniques différents, il est nécessaire d’expliquer l’approche d’hypervision le plus tôt possible en amont, afin d’orienter le projet dans la bonne direction », poursuit l’expert.
Ensuite, le montage du projet doit rester cohérent et par étapes, pour définir les scénarios où se croisent les automatismes des différents métiers, ce qui est rendu difficile en cas de lots séparés. Au-delà des installateurs et exploitants, les entreprises générales de construction s’intéressent de près à ce sujet et sont le plus souvent moteurs pour les projets neufs d’envergure.
Pour la rénovation des bâtiments existants, c’est parfois plus compliqué de faire passer le message, les matériels implantés n’étant pas toujours avec le bon niveau d’interopérabilité, complète-t-il.
La GTC étendue communique à l’extérieur pour davantage de services aux occupants
« La GTC étendue ou hypervision englobe effectivement des lots techniques connexes à la CVC, la gestion d’efficacité énergétique, l’éclairage et le contrôle d’accès-intrusion. La sécurité incendie est plus complexe à gérer dans la mesure où la réglementation impose un poste et un matériel dédié », introduit Jérôme Lhote, responsable technique France de Distech Controls.
Au-delà de ces lots techniques, la tendance au travers de la GTC étendue est la multiplication des interfaces avec des équipements externes, par exemple avec les systèmes de gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO) notamment pour échanger des informations, en temps réel, relatives aux différents équipements GTC et obtenir des rapports et analyses détaillés pour mesurer leur efficacité. On retrouve également des connexions vers des plates-formes externes de gestion énergétique ou encore avec la maquette numérique pour mettre à disposition les modèles des équipements GTC ou bien, à l’inverse, pour alimenter un « BIM viewer » qui reprend des données de la GTC. La GTC étendue ouvre le bâtiment à l’exploitation sécurisée des données et offre une gestion technique du bâtiment nouvelle génération. « D’une façon générale, les propriétaires de bâtiment veulent différencier leur bâtiment et, ainsi, le rendre plus attractif en proposant de nouveaux services Web », ajoute Jérôme Lhote. L’exploitation sécurisée des données des équipements GTC est gérée au travers d’un RESTful API documenté qui permet, ainsi, d’ouvrir le bâtiment à une plate-forme de services.
La GTC étendue s’ouvre donc à tous les niveaux, à tous les lots techniques, dans une architecture système connectée le plus souvent décentralisée, conclut l’expert.
Jean-François Moreau