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Olivier Peyrat, directeur général du groupe AFNOR

Olivier Peyrat, directeur général du groupe Afnor.

Pouvez-vous faire un rapide tour d’horizon des labels et certifications pour le bâtiment, concernant la consommation d’énergie et l’efficacité énergétique ?

Olivier Peyrat – La norme ISO 50 001, relative au système de management de l’énergie, sert de base à un ensemble de certifications françaises, européennes et mondiales. Elle séduit de plus en plus : la France est le 3e pays au monde par le nombre d’entreprises certifiées. L’approche est simple : c’est l’amélioration continue de l’efficacité énergétique. Elle peut être déployée par toutes les entreprises : l’industrie, le tertiaire, avec des exemples comme Gécina, Paris Habitat, Galeries Lafayette, ou encore la grande distribution, avec notamment Carrefour et Leclerc qui ont amélioré l’efficacité de leurs blocs froid.

Pour ce qui est de la performance énergétique des bâtiments, je citerai aussi NF HQE, une certification dotée d’une approche multicritères prenant en compte l’ensemble du cycle de vie des logements ou des bâtiments tertiaires. L’évaluation de la performance énergétique des bâtiments est un indicateur clé pour les investisseurs – fonds d’investissements ou actionnaires – qui souhaitent en savoir davantage sur la valeur élargie de leurs biens et des coûts d’exploitation associés, qu’il s’agisse d’isolation, d’énergie consommée par le chauffage, la climatisation et l’éclairage, ou l’existence éventuelle de postes de production d’électricité renouvelable. L’utilisation de tels indicateurs permet également de mettre en place des systèmes de supervision et de régulation des consommations énergétiques. Mais, pour que le bâtiment soit certifié, il est essentiel que le matériel utilisé le soit aussi, comme les isolants, les fenêtres, les pompes à chaleur…

Viennent ensuite les labels BBC, BBCA ou encore Effinergie, mis en œuvre par d’autres acteurs qu’AFNOR Certification et dont nous suivons les évolutions. Nous pouvons également citer la certification NF Habitat avec 110 000 logements certifiés en France fin 2016.

Vient ensuite la question de la future réglementation thermique 2020 (RT 2020), qui devrait se baser sur une évaluation multicritères et donnera lieu à une labellisation E+ C-, le E mesurant l’énergie consommée par le bâtiment et le C la quantité de carbone qu’il rejette.

Un dernier point à noter est celui de la certification des compétences des personnes. Cet aspect prendra une place croissante car, pour être efficaces, les collaborateurs en charge des audits énergétiques sont tenus de maintenir leurs compétences à jour, des évolutions réglementaires notamment. La certification, renouvelée tous les trois ans, les aide à y parvenir et augmente leur valeur. De même, l’exploitation technique d’un bâtiment performant sur le plan énergétique exige, pour déboucher sur de bons résultats, des compétences fines au niveau des gestionnaires.

Siège social de l’Afnor

De quelle manière ces certifications incitent les acteurs du bâtiment à tendre vers plus d’efficacité énergétique ?

O.P. – L’engagement d’une entreprise dans une démarche de certification peut se faire pour deux raisons principales : interne ou externe. Les raisons internes, nées d’une démarche de Responsabilité sociétale par exemple, permettront de motiver les équipes autour d’un projet commun et de montrer un visage volontaire. Les raisons externes relèvent davantage de la communication et prouvent aux clients de l’entreprise que celle-ci est vertueuse. Prenons pour exemple le siège de Schneider Electric, le Hive, situé à Rueil-Malmaison : il s’agissait du 1er site au monde certifié ISO 50 001 dès 2011. Le groupe a montré son volontarisme et faisait ainsi la démonstration à ses équipes de sa volonté d’aller de l’avant sur les questions de RSE.

Plus largement, notre dernière étude sur les entreprises certifiées ISO 50 001 révèle que de plus en plus d’entreprises de taille moyenne se lancent dans la démarche, ce qui leur offre de réelles opportunités pour connaître leurs consommations et savoir à quel niveau agir. Je vais citer l’exemple du domaine de ski Peyragudes, certifié ISO 50 001, qui a débuté avec un diagnostic énergétique de ses 6 stations. Suite à cet audit, les gestionnaires ont eu la surprise de découvrir que le poste damage était le plus consommateur, suivi par la neige de culture. Les bâtiments n’étaient qu’en quatrième position. Des actions ont donc été menées pour optimiser le recours au damage via une localisation GPS des zones présentant un besoin particulier. Des économies d’énergie et donc financières ont pu être réalisées. Autre exemple, celui du siège du CEA à Saclay, où l’audit ISO 50 001 a permis d’identifier des potentiels d’économies très significatifs : 5 % la première année et 10 % au bout de seulement 3 ans. Le poste chauffage a ainsi diminué de 25 %, ce qui est loin d’être négligeable.

De quelle manière accompagnez-vous vos clients dans les démarches de certifications ISO 50 001 ?

O.P. – Depuis près de 4 ans, nous avons créé une entité, AFNOR Énergies, qui coordonne nos actions dans le domaine énergétique, communique sur les normes volontaires et porte nos offres de formation, de veille professionnelle, de tests en ligne et de certification auprès des entreprises. C’est aussi un bureau d’études qualifié pour réaliser des audits énergétiques, un service qui remporte un certain succès. Selon les différentes études que nous avons menées, les audits permettent en moyenne de révéler un gisement de 20 à 30 % d’économies d’énergie, quel que soit le secteur d’activité : process industriel dans l’industrie, bâtiment pour le tertiaire… Ce chiffre s’inscrit dans la droite ligne des objectifs fixés par la loi Grenelle II et la loi sur la transition énergétique, avec 25 % d’économies à l’échéance 2020.

L’audit est un checkup et fait apparaître les leviers d’actions. C’est ensuite à l’entreprise de décider des actions à mener. Il est important de noter que 88 % de ces actions se focalisent sur le matériel ou son usage et que 12 % seulement concernent des actions de management, relatives à la culture et à l’usage, pourtant essentielles pour inscrire les bonnes pratiques dans le temps. Le management de l’énergie est une culture d’entreprise : la sensibilisation, la formation et le partage sont les clés d’une démarche performante et installée dans la durée.

Le véhicule électrique prend de plus en plus d’importance, mais l’ampleur du phénomène est plus faible que ce que l’on pouvait attendre. De quelle manière les normes liées à l’énergie et au bâtiment peuvent encourager le déploiement des véhicules électriques ?

O.P. – Les normes soutiendront le développement des véhicules électriques en favorisant le travail collectif entre des filières historiquement habituées à évoluer de manière autonome : le bâtiment, le secteur automobile et l’électricité. En décembre 2016, AFNOR a publié un premier rapport, rédigé par un groupe constitué des principaux acteurs : PSA, Renault, EDF, Enedis, Legrand, Schneider Electric, mais aussi des collectivités et des consommateurs. En émane une série de 9 recommandations, comme la mobilisation de normes de GTB, pour favoriser les échanges d’informations entre les véhicules et le réseau, qui permet notamment la priorisation des chargements ou encore d’éviter que les consommations énergétiques ne partent en flèche et ne fassent disjoncter le bâtiment. Une autre proposition porte sur des recharges « smart », apportant de la valeur ajoutée en permettant de prioriser les recharges, d’entretenir le véhicule ou encore de compter et de refacturer l’utilisation de l’énergie. D’autres propositions ont porté sur la redéfinition de la qualité de service, l’intégration du véhicule électrique aux smart grids, ou encore le renforcement de l’approche système par la normalisation… Le véhicule électrique est un sujet essentiel, et son déploiement reposera sur un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes.

AFNOR a publié une norme sur l’habilitation électrique des véhicules électriques et hybrides. Quelles en sont les principales obligations ?

O.P. – Il s’agit ici non pas d’une habilitation du matériel, mais des intervenants sur ces matériels (NF C 18-550 du mois d’août 2015), qui comporte 2 volets principaux : la prévention contre le risque électrique et l’habilitation du personnel intervenant. Un autre décret, celui du 12 janvier 2017 (article R 4544 – 9 du code du travail), prévoit également une habilitation du personnel intervenant sur les installations électriques relatives aux infrastructures de recharge des véhicules électriques. AFNOR Certification proposera en juin 2017 de qualifier les entreprises concernées.

Un autre sujet d’actualité est l’ouverture à l’autoconsommation, notamment l’autoconsommation collective et la question des réseaux fermés d’utilisateurs. AFNOR intervient-elle sur ce sujet et si oui de quelle manière ?

O.P. – Sur le sujet, AFNOR a publié une norme volontaire (XP C15-712-3 de février 2016) relative aux installations photovoltaïques avec dispositif de stockage de l’électricité. Cette norme se veut pédagogique. Il y a aussi deux guides, UTE C 15-712-1 et UTE C 15-712-2, qui traitent de ce sujet dans les différents cas d‘installations photovoltaïques, reliées ou non au réseau public de distribution, et avec stockage ou non.

Enfin, la norme NF C 14-100, rédigée par la commission « Branchement » d’AFNOR, vient définir les contraintes des installations avec branchement BT. Le sujet est encore récent et d’autres textes devraient venir rapidement parfaire la réglementation.

Une nouvelle norme a été mise au point par l’ISO au sujet des démarches d’achats responsables. Quels sont les éléments qui permettent aux entreprises lancées dans de telles démarches d’obtenir une certification ?

O.P. – La décision a été prise, en mars 2016, de faire converger le label français Relations Fournisseurs Responsables et la nouvelle norme ISO 20 400. Ce choix stratégique devrait soutenir le développement du label, affiché par une cinquantaine d’entreprises à ce jour. La convergence est un travail en cours, qui implique d’ajouter notamment des critères qui concerneront également l’acheteur, pas uniquement la relation fournisseur. En faisant ainsi évoluer le dispositif, les organisations labellisées pourront ainsi le valoriser à l’étranger, grâce à la portée internationale de la norme.

AFNOR Certification propose depuis 2012 une évaluation, nommée AFAQ Focus RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) Achats responsables, basée sur la norme française sur les achats responsables publiée en 2012. Ce dispositif pourrait évoluer comme un outil de diagnostic, pour définir un plan d’actions et aider l’entreprise à engager une action, et donc ne plus être un signe de reconnaissance.

Constatez-vous une augmentation du nombre d’organisations qui se lancent dans des démarches de certification ? Quelles en sont les raisons, selon vous ?

O.P. – En France, nous observons une croissance régulière du nombre d’entreprises certifiées. À l’international, cette augmentation était de 3 % en 2015, principalement sur des normes de management. Pour l’ISO 9 001 (management de la qualité), la France était dans le top 10 au nombre d’entreprises certifiées fin 2015. En ce qui concerne la norme ISO 14 001 (management environnemental), les entreprises européennes ont moins progressé en 2015, alors que l’on observait dans le monde une augmentation de 7 % du nombre d’entreprises certifiées. Ce chiffre s’explique par la mise en place de ces normes par les entreprises chinoises : la Chine occupe la première place pour l’année 2015 et la France se classe en huitième position. Enfin, concernant l’ISO 50 001 (management de l’énergie), un doublement du nombre d’entreprises certifiées a été observé en 2015 et l’Europe se place en tête de ce mouvement avec l’Allemagne, suivie de l’Angleterre, puis de la France en troisième position. Ce chiffre est à mettre en corrélation avec les audits énergétiques réglementaires, qui sont devenus une obligation européenne en 2015. Une chose est sûre : les certifications et les labels peuvent être mis en valeur par les entreprises et leur faire gagner des parts de marchés.

Quels seront les grands chantiers d’AFNOR dans les domaines du bâtiment, de l’énergie et de la RSE cette année ?

O.P. – Tout d’abord, nous allons continuer de contribuer aux normes PEB (performance énergétique des bâtiments) européennes, grâce aux retours d’expériences que nous avons pu collecter. Leur publication est prévue à la fin du deuxième trimestre 2017 et la promotion de ces normes continuera auprès des industriels.

En ce qui concerne l’énergie, nous allons ajouter de nouvelles dimensions aux projets de normalisation sur la performance énergétique des bâtiments : le bâtiment connecté, les copropriétés ou encore l’optimisation des consommations en sont des exemples. Nous travaillons également sur l’initiative visant à mettre au point un carnet de santé numérique du bâti, permettant d’améliorer la maintenance et de maîtriser les consommations d’énergie sur toute la durée de vie du bâtiment. Un autre chantier est la mise en place de l’ISO 37 101 relative à l’aménagement durable, à destination des collectivités, mais aussi des entreprises. Nous sommes actuellement en phase de dialogue avec l’ensemble des acteurs.

Sur le champ de la RSE, une enquête est en cours pour réviser la norme ISO 26 000 (responsabilité sociétale). En parallèle et après 10 ans d’évaluation RSE portée par AFNOR Certification, les dispositifs de reconnaissance en la matière ont été repensés pour aider les organisations à mettre le pied à l’étrier, grâce à un dispositif en ligne, ou mieux valoriser leur maturité. L’objectif est toujours le même : reconnaître les organisations les plus engagées et les plus sincères dans leur démarche. Concernant le reporting RSE, AFNOR Compétences est l’opérateur conseil de la GRI (Global Reporting Initiative) et AFNOR Certification continuera de travailler sur la validation des données extra-financières (RSE, loi Grenelle II, loi de transition énergétique pour la croissance verte…). Sur le plan de la lutte contre la corruption, AFNOR Certification propose déjà un dispositif sur la base de la norme ISO 37 001 (Systèmes de management anti-corruption – Exigences et recommandations de mise en œuvre). Enfin, nous continuerons nos développements sur la qualité de vie au travail, avec une coopération franco-québécoise débouchant sur des outils concrets.

Propos recueillis par Alexandre Arène

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