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Interview – Sophie Breton, directeur général Hager France

Quelles ont été les grandes évolutions du groupe Hager depuis sa création ?

Sophie Breton – Le groupe Hager a été fondé en 1955, dans une région d’Allemagne sous protectorat français à l’époque. L’entreprise, en raison du rattachement à l’Allemagne qui a suivi, a été relocalisée en France, à Obernai, où se situe aujourd’hui notre siège. Cette entreprise a commencé par innover dans le domaine des tableaux électriques : le plastique a été préféré au bois, utilisé à l’époque et les tableaux électriques se sont industrialisés et sont devenus modulaires. A l’époque, Hager se situait exclusivement sur le marché résidentiel. En 1970, le groupe a développé son premier coupe-circuit modulaire. Depuis, un ensemble d’opérations de croissance externe a permis au groupe de se positionner sur l’ensemble de l’appareillage électrique lié au bâtiment, résidentiel dans un premier temps. Le groupe a ensuite décidé d’occuper le segment tertiaire, en lançant il y a une dizaine d’années un grand plan stratégique tertiaire (moyen et grand), qui se développe fortement aujourd’hui. Le groupe Hager a été le premier, au début des années 1990, à créer un système de Gestion Technique du Bâtiment (GTB), appelé « Immotique » à l’époque. Depuis nos premiers développements concernant la GTB et la domotique, nous avons pris le parti d’appuyer nos solutions sur des protocoles ouverts : nous utilisons aujourd’hui le protocole KNX.

Comment l’activité du groupe a-t-elle évolué depuis 10 ans ?

SB – Hager est un groupe Franco-allemand, mais surtout européen : nos valeurs sont profondément citoyennes et nous sommes très attachés au sujet du développement durable, cher à la France et à l’Allemagne. L’humain occupe une place centrale au sein du groupe, qu’il s’agisse des collaborateurs, ou de la proximité que nous avons su créer avec nos clients. Enfin, Hager s’est forgé par l’innovation et c’est cet aspect qui sert de moteur au groupe. Nous avons lancé un projet baptisé « 20/20 », qui vise à atteindre les 3 milliards de chiffre d’affaires à l’horizon 2020 et augmentant nos parts de marché à l’international. A ce projet, nous avons associé un plan de compétences clés. Parmi elles, nous faisons évoluer nos forces commerciales non plus seulement vers la vente pure et dure, mais vers la compréhension des objectifs de nos clients et comment Hager peut y répondre : le vendeur devient ainsi consultant de son client. Notre ADN a toujours été la proximité avec le client, qui représente aujourd’hui un ensemble complexe d’acteurs. Nous nous appuyons donc aussi sur la digitalisation de nos solutions, qui est un moyen de créer de la proximité, mais pas le seul. Depuis sa création, le groupe Hager a pour mission d’apporter les solutions électriques pour bien vivre au quotidien et de trouver pour cela un avantage concurrentiel pour ses clients : nous nous positionnons donc en apporteur de solutions pour répondre le plus précisément possible aux problématiques de nos clients. Nous abordons cette question par la segmentation de nos offres. La filière électrique n’est pas déconnectée de la société et comme dans de nombreux autres domaines le besoin de personnalisation recherché par le client est clé : il faut donc, avant toute chose, comprendre ses spécifications, la logique et le fonctionnement de sa société, pour apporter une solution adaptée et sur-mesure.

Vous êtes également présidente d’Ignes, le syndicat professionnel des industries du génie numérique, énergétique et sécuritaire. Quels sont à vos yeux les principaux leviers d’efficacité énergétique pour le bâtiment ?

SB – Le plus important est de ne pas voir les solutions d’une manière isolée mais d’associer un ensemble de solutions pour optimiser une installation. Pour cela, un travail de communication est nécessaire et il est primordial de raisonner en filière bâtiment et non en filière électrique. L’Ignes est le représentant auprès de la FIEEC pour le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) : nous mettons autour de la table l’ensemble des acteurs de la filière pour discuter ensemble des leviers d’amélioration de l’efficacité énergétique. L’un des grands leviers est la personnalisation du discours autour de l’efficacité énergétique, pour se situer au plus près des besoins d’un client. Cet enjeu doit impérativement répondre à ses problématiques business propres : sans intérêt économique, pas d’intérêt écologique. Au sein du groupe Hager, nous travaillons aujourd’hui à la préparation de la directive BMS.

Nous effectuons également un travail de pédagogie auprès de l’ensemble de nos parties prenantes et en particulier auprès de nos clients, auxquels nous proposons des solutions sur mesure. Du côté politique, un des grands leviers d’efficacité énergétique est l’incitation réglementaire, qui fonctionne davantage que la normalisation accompagnée de sanctions. Il est aussi essentiel que les propriétaires ou les gestionnaires de bâtiments prennent conscience de leurs consommations d’énergie, afin de pouvoir agir dessus : c’était le cas du diagnostic électrique obligatoire pour les locataires, qui a permis aux propriétaires d’avoir un aperçu sur ces données. Il faut donc s’appuyer sur des chevaux de Troie de ce type pour faire avancer les niveaux de performance énergétique des bâtiments.

Sentez-vous que la loi sur la transition énergétique et ses décrets d’application qui entrent progressivement en vigueur poussent le marché de la performance énergétique dans le bon sens et stimulent-ils le marché ?

SB – Cette loi est très importante de par son contenu et met sur la table des enjeux que la filière du bâtiment devra nécessairement prendre en compte. Mais le marché a besoin d’un peu de temps pour digérer les annonces qui ont pu être faites. Les décrets d’application de la loi sur la transition énergétique commencent progressivement à arriver et il faudra un peu de temps au marché pour les intégrer. Il est donc encore trop tôt pour mesurer les effets de cette loi sur le marché.

Quelles sont selon-vous les étapes incontournables à franchir avant que le parc français n’atteigne un niveau de performance satisfaisant ?

SB – Spontanément, le premier point qui me vient à l’esprit est l’incitation fiscale. C’est ce qui nourrit la France et constitue des leviers importants de création de valeur pour une entreprise comme Hager. Par exemple, le maintien du crédit d’impôt recherche (CIR) est une bonne chose pour nous, car la R&D constitue une part importante de notre chiffre d’affaires, de l’ordre de 7 %. En plus de l’incitation fiscale, je mentionnerai une nouvelle fois le partage d’information entre les différents acteurs et la pédagogie, points clés à mes yeux. Il me semble en revanche que la mise en place d’une juridiction trop contraignante et basée sur les pénalités ne ferait que permettre à certains acteurs de créer des solutions de contournement ou à d’autres de voir leurs coûts de construction s’envoler.

En tant que présidente d’Ignes et directrice générale d’Hager France, quel est votre point de vue sur la santé de la filière ?

SB – Avant tout, il est important de noter qu’Ignes est influencé par les chiffres du marché résidentiel. Mais globalement, l’année 2016 a été meilleure que 2015 et tous les indicateurs sont au vert pour la suite : le nombre de permis de construire délivrés augmente, tout comme les transactions dans l’ancien, le moral des ménages est au beau fixe, les taux bancaires sont en hausse mais ce point n’est pas très inquiétant, de gros gisements s’offrent à nous comme l’efficacité énergétique, la digitalisation, la sécurité… Tous les éléments sont donc réunis pour la reprise, mais il ne faut pas oublier une chose : le lien très fort avec l’actualité politique. L’élection présidentielle à venir pourrait geler la reprise, en créant un haut niveau d’incertitudes. Il faudra donc laisser passer cette échéance avant de pouvoir s’appuyer sur des tendances plus durables.

Quelles seront selon-vous les grandes tendances et les nouveautés dans les domaines de l’efficacité énergétique et du bâtiment pour cette année 2017 ?

SB – De plus en plus de sujets liés au bâtiment touchent à l’usage, ce qui est un atout pour pouvoir communiquer auprès de nos clients. Dans le résidentiel, les offres deviennent multi-canal et les circuits commerciaux changent : c’est de plus en plus le besoin du grand public qui tire le besoin professionnel et cette tendance ne devrait pas faiblir. Sur notre marché, il n’y a pas à mon sens de problèmes d’offres, mais des difficultés d’interopérabilité, d’évolutivité et de sécurité qu’il est nécessaire de prendre en compte et de traiter. Sur l’interopérabilité, il faudra faire des efforts pour faciliter la communication entre les différents protocoles. Sur la sécurité, il sera nécessaire de renforcer les systèmes de protection pour renforcer la confiance des utilisateurs finaux.

Depuis que vous évoluez au sein de la filière électrique, avez-vous constaté une féminisation des postes techniques et de direction ?

SB – J’exerce depuis 25 ans au sein de cette filière et j’ai remarqué de petites évolutions, mais qui ne sont absolument pas significatives. La première raison est qu’il n’y a pas d’évolution significative du nombre de femmes dans les écoles d’ingénieurs, comme ça a été le cas dans les cursus médicaux par exemple. Je suis en revanche persuadée que ce changement va progressivement s’opérer pour une raison simple : le marketing va occuper une place de plus en plus importante, en suivant au plus près les besoins des consommateurs. Le jour où le marketing occupera une place centrale, vous verrez arriver des femmes à des postes de direction au sein des grands groupes de la filière.

 

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