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Le BIM en rénovation : passer de l’âge de pierre, à l’ère numérique

La planche à dessin, nous connaissons tous ? Dans l’industrie, elle a été remplacée il y a plusieurs décennies par les logiciels de CAO 2D, puis 3D et c’est l’évolution naturelle qui est en marche pour le bâtiment avec la maquette numérique. Les projets de réhabilitation, de rénovation énergétique lourde, ou tout simplement d’amélioration de la gestion de patrimoine, sont aussi l’occasion de cette entrée du numérique, du passage de plans papier 2D souvent obsolètes et peu lisibles quand ils existent, à un outil fédérateur, vivant, véritable mémoire du bâtiment.

Le BIM obligatoire en France, on y est presque

Après les pays scandinaves au début des années 2010, le Royaume Uni en 2016, la France et l’Allemagne ont fixé en 2017 une obligation à l’usage du BIM ou maquette numérique pour tous les projets de bâtiments publics. Publié il y a un an, le décret Français (n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics) mise plutôt sur une forte incitation à l’usage du BIM. L’acheteur public pourra exiger l’utilisation d’outils de type maquette numérique, mais il devra alors offrir gratuitement d’autres moyens d’accès appropriés jusqu’à ce que ces outils se soient banalisés.

Bâtir une maquette grâce à un relevé de l’existant – Ange-Lucien Guidicelli géomètre et directeur associé de G2S

 

« En tant que géomètres, les relevés au scanner 3D sont le point d’entrée optimal pour la création d’une maquette numérique de l’existant », souligne Ange-Lucien Guidicelli.

A partir des relevés, il est possible au final de réaliser différents livrables. Il y a bien sûr tout ce qui concerne les plans (intérieurs, façades, héberges, coupes, topographie …), les calculs de superficies et la délivrance d’attestations, les études techniques (réseaux, planéité, auscultation d’ouvrage, implantation) ou juridiques (copropriété, division en volumes…).

« Le BIM et la modélisation 3D sont un des volets importants d’usage et s’appliquent aussi bien pour la numérisation complète d’un bâtiment neuf à sa livraison qu’à celle d’un bâtiment existant ancien, comme c’est le cas de la mairie de Montreuil, que nous avons numérisé récemment, avec un objectif premier de maintenance et de gestion à partir de la maquette numérique IFC », illustre l’expert.

Certaines pièces intérieures de la mairie, classées, ont fait l’objet d’un recueil supplémentaire de points afin d’avoir une densité et résolution optimale sur les détails architecturaux.

Une fois la numérisation effectuée et une série d’une soixantaine de photos couleurs réalisées, il s’est agi d’assembler et de contrôler les données pour obtenir un seul et unique nuage de points, pour une transposition dans l’outil de maquette numérique, dans ce cas, Revit. Chaque objet est classé par famille, puis la modélisation se fait en fonction du niveau de détail souhaité. Pour certaines parties, il est possible d’ajouter des compléments d’informations, par exemple, les matériaux utilisés pour les fenêtres ont été ajoutés.

La Mairie de Montreuil après superposition photos et nuage de points (source G2S)

Pour les sites de grandes dimensions et en complément de nos relevés au scanner-laser 3D, nous corrigeons systématiquement la géométrie du nuage de points 3D à partir de polygonales effectuées au tachéomètre. Ce procédé rigoureux garantit la précision « tel que construit ».

Le scan peut également permettre d’effectuer une reconstitution ou une vue immersive ou réalité augmentée d’un site. C’est ce que nous effectuons sur un étage d’une tour à La Défense : le nouvel occupant du site peut se projeter dans le futur aménagement de l’espace de travail. La réalité augmentée est réalisée à partir d’une maquette, elle-même obtenue à partir d’un nuage de points 3D.

Enfin, il est nécessaire d’avoir des numérisations avec un niveau de détail exceptionnel sur le patrimoine classé et historique pour obtenir des archives numériques fines permettant une reproduction ultérieure de détails architecturaux qui se seraient dégradés. Cela évite le recours à des éléments de moulage, lourds et difficiles à manipuler et stocker en cas de nécessité de reproduction du motif architectural, précise l’expert.

Dans tous les cas, il y a nécessité de bien définir le besoin initial pour que la maquette soit bien exploitable et puisse être enrichie et évoluée à bon escient.

 « Conception, réalisation, exploitation et maintenance : l’ensemble du cycle a besoin du BIM » Yoann Sestier responsable du développement commercial  et innovation chez ENGIE Axima

« Notre expérience sur la maquette numérique est forte, tout simplement parce que nos clients industriels, depuis plus de 20 ans, nous ont demandé cette approche au niveau de leur process de production. Étant au cœur des métiers du génie climatique, de la réfrigération et de la protection incendie, pour nous, la maquette doit donc permettre de connecter la GTC et la GMAO pour récupérer les données essentielles au suivi du bâtiment, que cela soit pour le gestionnaire de patrimoine mais aussi l’exploitant ou le prestataire de FM », introduit Yoann Sestier.

Nos clients ne savent pas forcément ce qu’ils peuvent attendre de leur maquette, notamment en exploitation, certains en ont une vision pour répondre à des objectifs limités, par exemple comme un élément de valorisation des actifs immobiliers, notre rôle d’accompagnement préalable au travers de l’offre BIM Life est clé.

Yoann Sestier Responsable développement commerciale et innovation ENGIE Axima

Le BIM pour le neuf est souvent mieux compris, le DOE numérique demande moins d’explications sur ces usages pour la suite du cycle de vie du bâtiment.

« Pour les bâtiments existants, la représentation 3D est intéressante mais ce qui importe surtout, ce sont les données structurées qui vont venir en permanence enrichir la maquette », explique Benjamin Blanchemain, en charge du développement BIM et Efficacité Énergétique et Environnementale au sein de la direction de la stratégie et de l’innovation de ENGIE Axima. On construit avec la maquette une base de données et cet ensemble constitue l’avatar numérique du bâtiment.  Cette base de données fédératrice, active et interopérable en lien permanent avec la vie du bâtiment, améliore la connaissance à différents niveaux, par exemple au niveau de l’exploitation maintenance mais aussi pour aider le gestionnaire de patrimoine (baux, location assurances, etc). Il est également possible de planifier les entretiens du bâtiment, ou encore de préparer efficacement une intervention par la connaissance précise du matériel et de sa situation.

Ensuite, avec l’aide du visuel de repérage dans la maquette, le technicien peut, avec sa tablette, se situer, puis agir plus aisément, même s’il n’est jamais intervenu sur l’élément à dépanner, illustre Benjamin Blanchemain.

Pour démontrer la faisabilité de l’approche, un « proof of concept » ou prototype, a été réalisé en 2016, sur un de nos bâtiments à Nantes. Dans cette maquette, nous avons également utilisé un algorithme de « machine learning » ou apprentissage, pour la mise en place adaptative du planning de maintenance prévisionnel.  « Sur ces bases, pour 2017, certains de nos projets intègrent la démarche BIM Life comme l’IUT-C de Roubaix qui bénéficiera d’une partie de ces innovations », conclut Benjamin Blanchemain.

« Le scanning laser peut être extrêmement précis et est le reflet de la réalité actuelle du bâtiment » le point de vue de Faro, fabricant de scanner 3D

« Les relevés au scanner-laser que nous effectuons permettent d’enregistrer plus de données que nécessaire en général. Cela peut être intéressant en cas d’apparition d’autres besoins concernant le site, par exemple si l’on souhaite effectuer plus tard une rénovation lourde d’une partie du bâtiment ou bien des changements importants ou encore une visite virtuelle au niveau de certains équipements actifs de chauffage ou climatisation », illustre Ange-Lucien Guidicelli.

Le choix d’un scanner est essentiellement fonction de sa portée et de son niveau de précision, les scanners les plus précis ont une précision de l’ordre de ± 1 mm. Ensuite, il suffit de positionner le scanner aux bons endroits pour voir les différents éléments et de multiplier les positions de scans pour quadriller le site.

« D’autres critères interviennent comme la maniabilité : un scanner compact va permettre un travail rapide, avec une cadence d’acquisition élevée (de 500 000 à 1 million de points par seconde) permettant de faire un scan en 1 minute en intérieur et 6 minutes en extérieur en fonction du réglage et de la prise de photos pour coloriser les points. La taille, le poids, l’autonomie de la batterie et la facilité de mise en œuvre sont aussi des éléments de choix pour faciliter les relevés des pièces intérieures nécessitant le déplacement et le repositionnement du scanner. Nous avons trois gammes qui sont définies suivant la portée de l’appareil, courte portée jusqu’à 70 m, moyenne portée jusqu’à 150 m, et longue portée jusqu’à 350 m, pour effectuer le relevé 3D de grands bâtiments, d’excavations ou d’ouvrages difficiles d’accès en faisant moins de numérisations et sans quitter le sol », détaille Christophe Césari, FARO Account Manager Construction BIM/CIM.

Un appareil photo couleurs intégré est également un plus et permet la superposition des photos et des données numérisées. Le traitement des données est ensuite le nerf de la guerre : les nuages de points doivent pouvoir être traités facilement, regroupés, vérifiés, pour être ensuite transformés dans les formats standard IFC ou propriétaires des éditeurs de maquette numérique, poursuit l’expert. Une suite logiciel est disponible également pour effectuer la mise en forme, le traitement des données et l’affectation par familles des composants de la maquette.

Un scanner en opération de relevé de façade (source Faro)

Témoignage :  la fin des relevés manuels avec télémètre

La société J.M.P. développe des chaufferies et utilise depuis 2008 un scanner Faro pour préparer ses chantiers d’implantation de chaufferies et les pré-fabriquer en atelier. À chaque fois, il s’agit de s’adapter au local et de prendre en compte les éléments déjà en place, comme les tuyauteries.

Le local qui doit servir pour l’installation est donc scanné, les chaudières sont ensuite installées dans le nuage de points, puis l’ensemble de la chaufferie avec ses réseaux de distribution est ajouté dans la CAO.

Le BIM fait partie du big data, la gestion de ses données est clé

Ce point est fondamental : que l’on soit architecte, bureau d’études, maître d’ouvrage ou géomètre, il est indispensable que le traitement des données – qu’elles soient issues de scan et de photos ou bien de plans numérisés ou fichiers issus de logiciels de conception 2D – s’effectue de façon fluide, simple, structurée et dans des volumes d’informations raisonnables.

Des solutions et des services de modélisation sont proposés par plusieurs sociétés, citons la start-up snapkin qui propose de traiter les nuages de points recueillis des scanners laser. L’originalité du service réside dans la compression du nuage de points intelligent, qui peut venir de plusieurs sources de scanner (Faro, Trimble, Leica …), ce qui permet de réduire sa taille de façon forte puis de modéliser au format RVT, DWG ou IFC. Grâce à la reconnaissance de plans dans le nuage de points, seuls les plans utiles sur les arêtes et les détails sont conservés.

Partout en France, les exemples se multiplient

Dans le nord, l’ancien institut de chimie érigé en 1894 est actuellement réhabilité par Bouygues Bâtiment Nord-Est, afin d’abriter le futur Tribunal Administratif de la ville. L’utilisation du scan 3D et l’approche collaborative avec la maîtrise d’œuvre sont au cœur du projet.

Avec 315 lycées, soit 5,4 millions de m² à gérer, la région Auvergne Rhônes-Alpes considère l’adoption du BIM comme une démarche incontournable, étalée dans le temps. Pour tous les chantiers supérieurs à 3 millions d’euros, il est demandé au final un DOE BIM.

Sur Paris, l’Agence Parisienne du Climat promeut le BIM pour la rénovation des copropriétés et des bailleurs sociaux un peu partout sautent le pas car ils sont également soucieux d’avoir une connaissance numérique plus précise de leurs bâtiments.

Dans beaucoup de cas, la modélisation permet de soumettre en toute transparence les différents choix en matière d’amélioration énergétique, de confort visuel et de comportement des matériaux utilisés.

 

Jean-François Moreau

Filière 3e: