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Prospective, Smart city : au-delà de l’effet de mode, quelles réalités ?

Phosphore IV - Modul'air © Eiffage, utilisée pour illustrer le dossier Utopies urbaines sur www.futuribles.com le 25 aout 2016

Pour Jean-François Soupizet, auteur de l’article « Les villes intelligentes, entre utopies et expérimentations », publié dans la Revue Futuribles (aout 2016), en matière écologique les villes intelligentes apparaissent à la fois comme un problème et une solution. En effet, elles représentent 3% de l’espace géographique et consomment environ 75% des ressources naturelles.
Cela représente un problème, dans la mesure où elles dévorent l’écosystème et ont un impact environnemental important. Beaucoup de questions, y compris démographiques, de migration et d’inégalités se manifestent là aussi de manière particulièrement importante au sein des villes. A titre d’exemple, l’Ile de France représente plus du tiers de la richesse totale du pays.

Mais les villes sont également une partie de la solution, car les actions en matière de préservation de l’environnement ont un impact fort, précisément là où l’impact négatif est le plus important. En même temps, comme ce sont des espaces où il existe des marges de manœuvre, ces villes prennent conscience de leurs responsabilités, qui vont au-delà de leurs frontières géographiques et s’impliquent dans des problématiques globales.
« Le deuxième facteur est principalement technologique », explique Jean-François Soupizet. C’est Bill Clinton, président des États-Unis qui, sur la proposition d’IBM, avait popularisé le concept de « Smart City », forgé par les industries de l’information et qui vise à mobiliser le potentiel de ces technologies pour optimiser à la fois l’exécution des fonctions de l’urbanité telles que le trafic, la distribution d’eau, d’électricité, de gaz, mais en même temps ouvrir un étage supérieur en termes d’information en donnant aux édiles une capacité de pilotage.

Jean-François Soupizet, consultant en développement international et stratégies numériques.

Au-delà de l’effet de mode, quelle utilité de la smart city ?

« La première question à se poser, pour un responsable urbain, c’est celle de l’utilité d’un projet lié à la ville intelligente », rappelle Jean-François Soupizet. Evidemment, projet par projet, il y a habituellement une amélioration de la situation. Mais le véritable aboutissement de la « Smart City » implique la mise en système de ces projets. Les initiatives les plus avancées actuellement tournent principalement autour du trafic. Nous connaissons tous les effets du GPS et de Waze. La connaissance du réseau de transport routier et de l’état des embouteillages permet d’optimiser les infrastructures existantes. Ceci étant, il y a un gain qui se heurte à la limite des infrastructures physiques. Cet exemple est très parlant car nous sommes passés du concept d’amélioration du trafic à celui de mobilité, qui considère dans sa globalité l’ensemble des moyens à disposition pour se déplacer. Les outils d’information sont dans ce cas irremplaçables. À tel point que dans certaines métropoles, nous voyons émerger une offre de transport individuel, sous forme d’abonnement mensuel, qui garantit un ensemble de services de transport, qui vont du VTC au vélo en partage, en passant par les bus et tramways, dans le cadre d’un abonnement unique. Cela est rendu possible par l’interopérabilité et la donnée.

La ville de demain, c’est aussi la technologie et le digital au service du climat

Pascal Malotti, directeur conseil et marketing de Valtech.

Dans son « Carnet de Tendances #7 » de Décembre 2016, Pascal Malotti, directeur conseil

de l’Agence Valtech, soutient quant à lui que la sophistication des technologies, la maîtrise croissante des données numériques et le développement des applications digitales participent à construire une société plus responsable et plus durable. Les initiatives isolées, aussi judicieuses soient-elles, ont selon lui atteint leurs limites. C’est pourquoi il est nécessaire aujourd’hui de donner priorité à des solutions transposables sur chaque continent et capables de créer un réseau global de villes intelligentes, avec un devoir de résultat : faciliter la vie quotidienne des populations en limitant l’empreinte carbone. À cette occasion, l’article effectue un « tour du monde » des initiatives pionnières en la matière, des plus avancées aux plus expérimentales.

Singapour, une nation où la data devient verte

Singapour est un modèle pour ceux qui souhaitent mettre à profit les ressources digitales, afin de penser la ville de demain. L’enjeu y est tel, que la réflexion se hisse à l’échelle nationale. Le gouvernement de cette cité-État de plus de cinq millions d’habitants peut s’appuyer sur une population hyper-connectée (9 foyers sur 10 sont équipés de l’Internet haut débit et 85% ont un smartphone) pour donner force aux projets les plus novateurs. La saturation routière historique de l’île, qui entraîne préoccupations sanitaires et contraintes pour l’économie nationale, fait partie des facteurs à l’origine du programme « Smart Nation » lancé fin 2014.

Celui-ci prévoit d’actionner trois leviers en conséquence. D’abord, l’installation en cours de nouveaux capteurs qui complètent le parc existant a pour rôle d’apporter une information granulaire sur les flux de circulation heure par heure et dans chaque zone géographique. Dans un second temps, un grand nombre de ces capteurs a été installé dans le quartier test de Jurong Lake, à l’ouest de la capitale. Ces boîtiers sont capables d’analyser des données liées à la qualité de l’air. Tout y passe : le taux de particules polluantes, l’humidité, la température… Objectif : maîtriser les microclimats au sein de l’île pour concevoir un urbanisme éco-responsable en fonction de la situation géographique.

Demain les bactéries éclaireront nos villes

S’il fallait encore une preuve de la vitalité de la FrenchTech, la startup Glowee l’illustre assurément. Elle s’attaque à un projet d’ampleur : assurer l’éclairage nocturne de nos villes sans avoir recours à l’électricité ! Le tout en tenant compte des normes en vigueur : depuis juillet 2013, la loi interdit l’éclairage des bâtiments publics, des vitrines et des bureaux la nuit. Nécessité écologique pour les uns, atmosphère anxiogène pour les autres. Glowee concilie chaque camp et axe son travail sur une technologie issue de la bioluminescence.

L’ère du transport supersonique

À l’heure où les villes repensent l’urbanisme et tendent à limiter leur empreinte écologique, certains imaginent déjà l’étape d’après. La technologie permet aujourd’hui d’entrevoir une nouvelle ère dans les modes de déplacement entre villes intelligentes. Son nom : Hyperloop. Un système inédit de capsules, pouvant transporter personnes et marchandises à plus de 1000 km/h, grâce à la lévitation magnétique opérée sur des coussins d’air.

S’ils sont encore pour certains à l’état d’expérimentation, ces divers projets, comme leur mise en système, participe d’une évolution du concept de ville. Durabilité et intelligence assise sur la data font de l’espace de vie commun un lieu d’expérimentation grandeur nature, à l’échelle internationale. À coup sûr, leur développement nécessite stratégie concertée des acteurs, encouragement de l’innovation, mais également la précaution qui sied à toute évolution du cadre de vie humain.
Aymeric Bourdin

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