Datacenters : Quelles évolutions et tendances en 2017 ?

Alimentation de secours par groupes électrogènes redondants en conteneurs (Source : SDMO)

La consommation d’électricité des datacenters s’est beaucoup réduite depuis 2010 grâce à la virtualisation et à l’amélioration de la gestion des centres de données. Mais de nouvelles applications (IoT, BigData, réalité augmentée…) risquent de faire repartir à la hausse cette consommation. Des solutions se développent pour la limiter tout en gardant flexibilité, sécurité, disponibilité et efficacité énergétique.

Le monde digital est en train de changer car notre futur proche devrait être ultra-digitalisé avec, selon les estimations du constructeur Cisco, plus de 50 milliards d’objets connectés à Internet à l’horizon 2020.
Cet Internet des objets (IoT) et plus généralement l’ « Internet of Everthing » (IoE) implique la connexion sans fil de capteurs, systèmes et services au réseau Internet.
Le BigData et l’intelligence artificielle vont collecter, rassembler et analyser des masses de données et alimenter des applications et services de plus en plus pertinents.
Cette numérisation des usages commence à toucher les « Smart Cities » (1 200 expériences menées dans 200 villes en France dont plus de 40% de plus de 100 000 habitants) et peut concerner l’éclairage public, l’aide au stationnement ou le pilotage des feux tricolores.
Elle va aussi concerner l’e-santé avec la digitalisation de la médecine ou l’e-éducation avec des universités gérant des datacenters éco-énergétique, mutualisés et de proximité.
Cette masse de contenus, à fort besoin en bande passante et au temps de latence réduit, entraîne ledéveloppement du « Edge Computing » (Mise à disposition de ressources informatiques proches de l’utilisateur final ou de la source de données) facilitateur de l’expansion des micro datacenters.
Pour Damien Giroud, Directeur Datacenter Solutions de Schneider Electric France : « Il faut en complément des grands datacenters, des datacenters plus petits, distribués et localisés au plus près de la source qui vont permettre de désengorger les autoroutes de l’information, éviter les problématiques de latence et gérer efficacement les capacités en temps réel requises pour l’IoT. Cela évitera la saturation des réseaux (effet Pokemon Go). »

Les constructeurs développent une offre adaptée au déploiement du « Edge Computing », comme l’offre SmartBunkerTM de Schneider Electric, intégrant dans une baie unique ultra sécurisée les onduleurs, le refroidissement, la sécurité, la protection incendie et la surveillance de l’environnement.
Ces solutions, pilotables à distances, peuvent aussi être déployées sur les sites industriels en environnement difficile.
Les applications de réalité augmentée ou « Machine to Machine » ont aussi besoin de ces équipements sécurisés.
Ces micro datacenters seront souvent reliés à de grands datacenters, via une connexion Internet à haut débit.
Car ces grands datacenters de plusieurs milliers de m2 vont continuer à se développer.
Pour Fabrice Coquio, président d’Interxion France : « Le marché se concentre pour 80 % en région parisienne, comme c’est le cas dans d’autres métropoles européennes comme Londres, Amsterdam, Francfort ou Madrid.
Ce marché devrait être en croissance de 6 à 7 % en 2017 avec l’arrivée de plateformes Microsoft ou Amazon, une croissance inférieure à celle de Londres ou Amsterdam qui devrait atteindre 12 à 15 %.
Il y a une situation particulière à Marseille, avec l’arrivée des câbles venant de l’Asie, de l’Inde et du Moyen Orient, des câbles de nouvelle technologie, plus performants.
Des plateformes vont s’installer à Marseille et il faut raccorder les villes de province à Paris ou à Marseille. »
Du côté des télécommunications, 2017 devrait être aussi une année de transformation avec l’essor de la 5G, la mise en place de réseaux automatisés et autonomes, la virtualisation et les services OTT (Over-The-Top) comme le streaming vidéo et les services en replay.

Architecture d’un datacenter avec les infrastructures d’alimentation sécurisée et l’informatique (Source Eaton)

Modularité à tous les étages
Les systèmes d’alimentation électrique sécurisée (onduleurs, tableaux, groupes électrogènes) sont de plus en plus modulaires et de plus en plus standardisés.
Ces infrastructures sont capables d’évoluer avec les augmentations de charge au fil du temps et évitent de construire le bâtiment et ses équipements en fonction du cas le plus défavorable de charge finale qui ne sera sans doute jamais atteinte.
Ces solutions modulaires vont permettre des économies d’investissements et de coûts d’exploitation.
Pour Denis Finck, directeur du Marché Datacenter de Socomec : « C’est la solution choisie pour la gamme Delphis Xtend GP, qui permet de faire évoluer l’alimentation électrique par ajout de blocs de puissance de 200 kW jusqu’à 1,2 MW à raccrocher sur les embases Xbay pré-câblées pour une évolution rapide et sécurisée.
Pendant les opérations d’extension ou de maintenance du système, les utilisations restent parfaitement protégées. »

Les solutions modulaires sont aussi adoptées pour les armoires de batteries avec des tiroirs débrochables. Des solutions que l’on va trouver chez les principaux fabricants Eaton, Emerson/VERTIV, Riello, Schneider Electric ou Socomec.
Les installations de refroidissement évoluent également vers des solutions modulaires préfabriquées et testées en usine comme des économiseurs d’air, des groupes de production d’eau réfrigérée ou des groupes frigorigènes.
L’objectif est là encore d’adapter la capacité de refroidissement à l’évolution des besoins du datacenter.
Les solutions en conteneurs, renfermant modules d’alimentation et de refroidissement, restent encore peu utilisées malgré les gains importants en temps de montage et coûts de mise en œuvre.

Installation de refroidissement en toiture par groupes d’eau glacée de type freecooling adiabatique (Source Emerson Nerwork Power -Vertiv)

De nouvelles solutions de refroidissement
Le refroidissement des datacenters reste le poste de coût d’exploitation le plus important, par sa consommation d’électricité et éventuellement d’eau. Les bureaux d’études et constructeurs proposent de nouvelles solutions pour optimiser et réduire ces coûts. La première étape reste une gestion intelligente de la distribution d’air aux serveurs par des solutions de confinement, allée froide ou allée chaude, associées le cas échéant à un ajustement de la vitesse des ventilateurs de recirculations d’air (contrôle du SmartAisle TM d’Emerson Network Power)
Pour Séverine Hanauer, Directrice Consulting et Solutions Europe d’Emerson Network Power/VERTIV, « le free cooling se développe, associé ou non aux technologies de refroidissement adiabatique et évaporatif en Europe. Le refroidissement adiabatique peut être utilisé pour réduire sensiblement la facture énergétique des datacenters en augmentant par exemple l’efficacité d’un groupe d’eau glacée freecooling en humidifiant l’air ambiant entrant dans l’échangeur et dans le condenseur. L’option adiabatique avec pulvérisation d’eau en consomme moins qu’un système évaporatif qui est intéressant pour une température > 21 °C mais est soumis à une réglementation en France. »
Le freecooling peut aussi être optimisé comme l’explique Alberto Rendaccio, Prescripteur d’AERMEC : « En utilisant un point de consigne dynamique qui optimise en permanence et en continu les températures d’eau des groupes d’eau glacée à mesure que les charges ambiantes et informatiques changent. Chaque compresseur a un fonctionnement au meilleur rendement. »
Ces solutions qui suivent les dernières recommandations de l’ASHRAE permettent d’améliorer le nombre de jours de fonctionnement en freecooling total ou partiel.

Utilisation des énergies renouvelables et récupération de chaleur
L’objectif est d’utiliser les énergies renouvelables de façon éco-responsable, pour consommer le moins d’énergie possible tout en préservant l’éco-système.
Si Google annonce qu’il va atteindre 100 % d’énergies renouvelables pour ses datacenters géants pour une puissance de 2,6 GW produite par des fermes solaires et éoliennes, si Interxion couvre 100 % des besoins de ses datacenters à partir d’une énergie primaire renouvelable (Certificat Equilibre d’EDF), ce n’est pas le cas de la plupart des centres petits et moyens anciens.
Le concepteur de datacenters JERLAURE a innové dans ce domaine. Jérôme Gremaud, responsable développement de JERLAURE explique : « Pour une Université du Grand Est, le datacenter sera refroidi par « Géocooling » avec deux puits de pompage d’eau de la nappe phréatique et deux puits de rejet, ce qui permettra d’atteindre un niveau de performance de 50/1 : 50 kWh de production de froid pour 1 kWh d’électricité consommée.

La chaleur fatale des serveurs sera valorisée dans un réseau de chauffage à haute température. Nous étudions le futur datacenter d’un opérateur télécom du sud de la France qui utilisera une source d’énergie solaire pour créer le froid dont il a besoin par récupération de la chaleur de panneaux solaires thermiques en toiture et sa transformation en froid via une réaction thermochimique solide/gaz. »
Ces solutions d’utilisation d’énergies renouvelables et de récupération de chaleur fatale doivent être adaptées à chaque projet, la récupération de chaleur dépendant des besoins proches : chauffage de bureaux, de laboratoires, d’immeubles, existence d’un réseau de chauffage local.
L’utilisation d’énergie solaire peut être associée à un stockage par batteries. C’est la solution retenue par le nouveau datacenter de Webaxys en Normandie ;
Rory Higgins, product manager d’Eaton Industries France explique : « ce site pilote avec stockage d’énergie dans des batteries Nissan du véhicule électrique Leaf, utilisées en deuxième vie, permet de maximiser l’usage de ces batteries avant le recyclage ultime. Eaton a fourni l’ensemble des équipements d’infrastructure de la salle informatique et a créé le consortium GreenDataNet financé par la Communauté Européenne pour développer de nouvelles technologies permettant la construction de datacenters urbains plus économes en énergie. »

Arrivée des batteries Lithium-ion
Malgré un investissement initial plus élevé les batteries Lithium devraient peu à peu remplacer les batteries au plomb. Elles sont plus légères, moins encombrantes, avec des temps de recharge plus courts. Leur durée de vie utile est supérieure à 10 ans pour un nombre de cycles charge/décharge > 1000.
Sur la durée de vie de 10 à 15 ans d’une installation d’onduleurs, les dépenses d’exploitation (OPEX) seront nettement plus faibles.
Leur tenue à des températures plus élevées que le plomb (jusqu’à 40°C) permet de les installer dans des locaux non climatisés. Pour Peter Stevenson, senior technical coordinator de Yuasa Batteries Europe « le haut taux de charge/décharge permet de les utiliser pour des autonomies courtes, en concurrence avec les volants d’inertie ou les supercondensateurs ».

Parmi les développements de 2017, on peut également noter l’utilisation de plus en plus fréquente du BIM (Building Information Model) pour la conception des bâtiments dès la phase du chantier comme le constate Patrick Lullin, président du Directoire d’OTE Ingénierie.
Des évolutions touchent aussi les services avec l’apport du BigData et de la réalité augmentée pour améliorer l’efficacité et la sécurité des interventions de dépannage.

Installation de geocooling par nappe phréatique pour l’Université de Strasbourg (Source Jerlaure)
Valorisation des calories d’un datacenter de l’Université de Bourgogne pour chauffage de bâtiments (Source Jerlaure)

 

-Article par Jean-Paul Beaudet

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