Du point de vue des entreprises, comment se passe une démarche de PEP ? Est-ce considéré comme une contrainte ou comme une valeur ajoutée ?
En fait, c’est une volonté d’entreprise et une conviction. C’est vraiment un des seuls moyens qui permette de communiquer sérieusement sur des analyses de cycle de vie, que ce soit pour les bâtiments ou d’autres infrastructures. Effectivement, il n’est pas encore obligatoire, mais nous sommes pratiquement sûrs que cela va venir. Chaque entreprise se prépare et se dote de ses outils pour alimenter tout ce qu’il y a à analyser.
Dans le domaine des produits électriques, électroniques et de génie climatique, comment se passe le processus de déclaration ?
Nous prenons l’analyse du cycle de vie en quatre étapes. Il y a d’abord la fabrication du produit, ensuite son exploitation et entre les deux le stockage et le transport et enfin la fin de vie. Nous partons de la nomenclature du produit et analysons à chaque fois à partir d’une base de données générique telle ou telle spécificité : que s’est-il passé au moment de l’extraction ? Que s’est-il passé au moment de la fabrication ? Cela nous donne une base d’informations sur les empreintes CO2, l’énergie dépensée, la quantité d’eau utilisée. Ces bases de données alimentent nos nomenclatures et les impacts. Nous avons 27 types d’indicateurs, dont 8 obligatoires. Après, en fonction de chaque produit, il y a des indicateurs plus ou moins importants.
Le 1er janvier 2016, nous sommes passés de ce qu’on appelle le Product Common Rules (PCR) version 2 au Product Common Rules version 3. Version 3 qui se rapproche de la demande du secteur du bâtiment. Ce qui est nouveau aussi, c’est que nous allons avoir les publications en version digitale, donc nous allons pouvoir chercher les informations dans nos profils. C’est le passage à quelque chose de plus précis et plus facilement exploitable dans d’autres bases de données.
Dans l’entreprise, qui est chargé de faire ces déclarations ?
Chez Schneider, pour qui je travaille, ils sont nombreux. Pour les personnes formées, il y a une méthode. Chez nous, c’est décentralisé. Chaque centre de R&D a ce que l’on appelle des éco-référents capables de faire de l’analyse. Pour nous, c’est partout dans le monde, au plus près du centre de R&D et de l’équipe marketing.
Qu’est-ce que l’association PEP ?
En 2006, il y a le renforcement en norme de l’ISO 14025. L’association est créée en 2009. Elle comprend 29 membres, qui appartiennent tous au métier de l’électrique, du câble, de la lumière et de la ventilation, chauffage, etc. Son but est de créer un programme de façon conforme à l’ISO 14025 et de proposer aux acteurs des équipements un format commun. Avec un PCR (Product Common Rules), nous avons des règles communes pour l’ensemble de ces appareils. Après, nous descendons par groupes de produits sur des PSR (Product Specific Rules). Au fur et à mesure, nous essayons de regrouper les produits par familles, puis d’établir des règles de calcul d’emprunte environnementale plus spécifiques.
Quel est le rôle de l’aspect réglementaire et notamment européen ?
Actuellement, les réglementations européennes qui se rapportent au sujet sont les directives d’eco-design des produits liés à l’énergie qui requièrent de l’« efficience matière » au-delà de l’« efficience énergétique », que complètent les règlements sur les substances chimiques et les directives sur les filières « REP » (responsabilité élargie du producteur.)
Deux grandes initiatives pourraient bouleverser la donne dans les 5 ans qui viennent :
• L’initiative Product Environmental Footprint qui vise à construire une méthodologie d’ACV commune à tous les secteurs et tous les pays d’Europe, base de tous types de communication environnementale produit.
• Le package économie circulaire qui va harmoniser toutes les exigences sur la fin de vie des produits et soutenir les innovations au service de nouveaux business models.
Quels sont les enjeux de votre mandat de président de l’association ?
L’enjeu, c’est de s’internationaliser, en commençant par l’Europe. En France, l’association est plutôt en avance en ce qui concerne la mesure et la vérification des déclarations environnementales. L’objectif est de porter ce niveau d’exigence dans d’autres pays européens.
Certes, il y a d’autres programmes comme IBU en Allemagne, AENOR en Espagne, EPD en Suède, qui sont dédiés aux matériaux de construction pour le secteur du bâtiment. Nous sommes avec PEP Ecopassport® plus spécifiques pour les appareillages électriques ou le matériel de chauffage et de génie climatique. Ce programme pourrait vraiment répondre à tous les besoins européens. La méthodologie, le niveau d’exigences peuvent être réplicables dans d’autres contextes parce que nous sommes conformes à la norme ISO 14025 qui s’applique à tout le monde.
Si on élargit à l’écoconception comme mode de production, quel est le rôle de la prise de conscience dans l’acte d’achat de vos clients, vous qui êtes surtout en B2B ?
En matière de classification environnementale des bâtiments, il y a des organismes tels que HQE en France, BREAM en Angleterre, LEED aux États-Unis, qui classifient les bâtiments ou les infrastructures suivants des degrés. C’est un système de cotation par points. Or la fourniture de PEP donne plus de points pour obtenir ce label.
Aujourd’hui, la réglementation ne réclame pas formellement de PEP. En revanche, la réglementation qui arrive dit que toute allégation environnementale d’un produit va devoir être supportée par une déclaration environnementale produit dont le contenu est réglementé. C’est donc être en avance que de prendre l’initiative de faire un PEP.
Au sein de l’association PEP, les entreprises adhérentes sont toutes dans cette démarche, mais d’autres entreprises du secteur, nombreuses, ne le sont pas : c’est notre deuxième enjeu. Les 29 membres ont mis au point une méthodologie au cours de ces dernières années. Nous pensons qu’elle est robuste. Maintenant il faut que l’on puisse convertir plus d’entreprises et élargir notre base.
Y a-t-il des éléments différenciants entre l’électrique et la ventilation, en termes de complexité, en termes de démarches, en termes de valeur ajoutée ?
L’avantage de la méthode que nous avons mise en place est qu’elle peut justement s’adresser autant à des produits très simples qu’à des produits très complexes. Nous sommes capables de réaliser un profil environnemental sur un produit qui a 15 composants, aussi bien que sur des produits qui comprennent 3 000 composants. La méthode est assez exhaustive et répond vraiment aux besoins. Sur le plan du coût, déposer un PEP coûte 200 € pour une entreprise membre. En revanche, il y a un investissement à faire en termes de montée en compétences et d’outils logiciels.
Est-ce qu’il y a des limites techniques à la mesure de l’impact environnemental d’un produit ou est-ce qu’on sait tout faire ?
Non, il n’y a pas de limites. C’est une question de temps, donc de coût. L’avantage du programme, c’est la présence des vérificateurs. Ces derniers ont un système de vérifications croisées et passent en examen. Nous dispensons des formations continues avec des sessions tous les ans.
Aujourd’hui, quel est le bon indicateur pour mesurer le succès de la démarche ?
Le nombre de PEP enregistrés ? Le nombre d’entreprises qui rejoignent l’association ?
C’est le nombre de PEP enregistrés, aux alentours de 1 500 PEP actuellement déposés dans notre base de données.
Quelle en est la valeur ajoutée pour les entreprises ?
Sans doute le fait que nous sommes en mesure de mettre à disposition de la profession un outil qui va préparer l’avenir. Notamment avec tous les engagements qui découlent de la COP21 en matière de carbone et d’efficacité énergétique. Entreprendre une démarche PEP, c’est prendre de l’avance sur des exigences qui arriveront de toute manière et communiquer avec les clients sur l’impact environnemental du produit.