« Les énergies renouvelables sont aujourd’hui encore minoritaires dans le bouquet énergétique. En France, elles représentent globalement 15 % de notre consommation, toutes énergies confondues. «
Où en est-on en termes d’énergies renouvelables ?
Les énergies renouvelables sont aujourd’hui encore minoritaires dans le bouquet énergétique. En France, elles représentent globalement 15 % de notre consommation, toutes énergies confondues.
Pour autant, elles sont en progression : nous étions à 9 % avant les lois Grenelle, en 2008-2009. Et nous nous sommes donné un premier objectif de 23 % en 2020, et la loi de Transition énergétique votée en août dernier nous donne l’objectif de 32 % en 2030. Les tendances actuelles de progression ne sont pas en phase avec l’objectif de 2020. Selon ces tendances, on devrait déjà être entre 17 et 18 %, sachant que 2020, c’est demain !
Dans l’analyse, il faut distinguer les différents types d’énergie : électricité, transport et production de chaleur. Dans les transports routiers, on a connu une progression rapide des biocarburants (2007-2010). On était arrivés à 7 % de consommation de biocarburants. Maintenant, avec la nouvelle génération de biocarburants, on ne pourra pas aller plus loin, à moins de consommer des terres agricoles consacrées à l’alimentation.
Dans les transports, 1 % de l’électricité est d’origine renouvelable et alimente directement la SNCF. Au total, dans les transports, 8 % de l’énergie viennent du renouvelable.
Principales propositions ? Action du SER ? Chevaux de bataille
Pour nous, l’action revient principalement à faire de la communication. C’est au moment où les énergies fossiles sont le moins cher qu’il faut investir dans le renouvelable, avec le pouvoir d’achat dégagé, en prévision de la remontée des prix.
L’autre action que nous menons, c’est d’encadrer la qualité des produits et des services dans ce secteur. Nous avons mis en place un label qui s’appelle Flamme verte. Et qui vise à améliorer les performances énergétiques et environnementales, au regard des particules, des émissions de COV, etc. Ce label progresse chaque année et engage la profession sur une voie de progrès.
Pour nous, la loi de transition énergétique est un progrès qui nous donne une visibilité. Pour que ces progrès soient opérationnels, un certain nombre de textes doivent encore être adoptés, dont le plus important est la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) qui aurait dû être publiée depuis le début de l’année et qui ne l’est toujours pas. Concernant les énergies renouvelables, nous avons obtenu à moitié satisfaction dans la mesure où la ministre a bien compris que nos filières étaient prêtes à se développer et qu’il ne fallait pas les freiner. À défaut d’une PPE, qui bute sur la question du nucléaire, pour dire les choses clairement, il y a eu une rénovation du texte précédent les lois Grenelle, dénommé PPI (Programmation pluriannuelle des investissements). La ministre a publié une PPI qui ne concerne que les énergies renouvelables. Cette PPI, provisoirement, permet de programmer les appels d’offres dans les divers secteurs, en particulier sur le solaire photovoltaïque. Néanmoins, on ne se satisfait pas de cette publication. Il faut vraiment que la PPE soit publiée. Cela reste un de nos chevaux de bataille pour les mois qui viennent. Une proposition de PPE devrait être mise en concertation d’ici le 1er juillet.
Parmi nos sujets, concernant le photovoltaïque, il nous faut préparer les appels d’offres qui étaient annoncés par la ministre dans une programmation à trois ans pour un volume global de 1 460 mW, répartis sur 3 appels d’offres sur l’année. Nous travaillons actuellement avec l’administration sur le cahier des charges.
Une grande évolution de la loi est constituée par le passage du tarif d’achat de l’énergie renouvelable à ce que l’on a appelé le complément de rémunération. Les producteurs d’électricité renouvelable ne seront plus obligés de vendre leur énergie à EDF, mais recevront un complément de rémunération par rapport au tarif de marché. C’est une évolution vers une intégration des renouvelables dans le système électrique. Nous avons déjà travaillé avec l’administration pour définir ce complément de rémunération. Et nous attendons que la notification de ce système soit acceptée par la Commission européenne.
Un autre grand chantier est de poursuivre la simplification des procédures, notamment en ce qui concerne l’éolien terrestre, la méthanisation et l’hydroélectricité.
Une disposition de la loi de transition énergétique a été adoptée. L’autorisation unique permet de regrouper pour un projet l’ensemble des autorisations administratives. Par ailleurs, en ayant une seule autorisation, on limite les recours possibles par les opposants, notamment dans l’éolien.
Il faut maintenant travailler sur le terrain pour que cela soit mis en place de façon cohérente. La mise en œuvre de cette autorisation unique est disparate selon les régions, c’est pourquoi il s’agit de l’harmoniser au niveau des DREAL (directions régionales de l’environnement).
Sur l’éolien, il y a des débats parlementaires…
La question de la covisibilité avec les Monuments historiques n’est pas réglée. Le texte est en deuxième lecture au Sénat. Et la commission Développement durable du Sénat a rétabli cette obligation d’avoir des avis conformes de la part des architectes des Bâtiments de France dès lors qu’une éolienne est en covisibilité avec un bâtiment historique, à moins de 10 km. Ce qui rend l’avis de l’ABF obligatoire quasiment partout.
Nous sommes évidemment vent debout contre cette disposition. Nous l’avons fait savoir au gouvernement qui a, au passage, lors de la deuxième lecture de la loi à l’Assemblée nationale, s’est opposé à cette disposition. Maintenant, cela doit revenir en commission mixte paritaire et nous demandons au gouvernement de rester ferme sur cette position.
Les conséquences d’une telle mesure signeraient tout simplement la disparition de nouveaux chantiers éoliens si elle était adoptée.
Il faut savoir que le marché de l’éolien s’est développé de façon croissante jusqu’en 2011. On est allé jusqu’à 1 200 mW installés sur l’année. À partir de 2011, il a commencé à décroître et est tombé à 600 mW en 2013, dû à cet empilement de réglementations. Il y a eu une série de simplifications. Le marché est reparti en 2014 et 2015, aux alentours de 1 000 mW par an. Aujourd’hui, la puissance installée a dépassé 10 000 mW. Cela représente 5 % de la consommation d’électricité en France.
Côté entreprises, quel est le paysage entrepreneurial ?
La grande majorité sont adhérents du SER. Il y a les développeurs, des entreprises qui développent un projet puis le revendent à d’autres. Ensuite, il y a les exploitants, qui gèrent les installations existantes. Certaines entreprises sont à la fois développeurs et exploitants. Ensuite, il y a les équipementiers, qui fournissent les différentes composantes d’un parc éolien. Cela commence avec le câblage, le béton, les mâts d’éoliennes, etc.
En France, sur l’éolien terrestre, nous n’avons pas de grands industriels, mais il y a la fabrication de composants d’éoliennes, notamment avec un fabricant allemand qui a une usine en France et produit des mâts en béton. Ce dernier est prêt à aller plus loin si le marché français peut se stabiliser. Nous avons également l’entreprise Poma, spécialisée dans les câbles pour le transport en montagne, qui investit dans une fabrication d’éoliennes en Rhône-Alpes.
A côté de cela, l’éolien maritime, pour lequel il y a eu des appels d’offres à hauteur de 3 000 mW, qui doit être construit dans les prochaines années. Deux projets industriels, portés par Alstom, devenu General Electric.
Un autre projet est porté par Areva, en co-entreprise avec Gamesa, appelé ADWEN. Des négociations sont actuellement en cours avec Siemens qui voudrait acquérir Gamesa. Quelle sera la suite de ce projet industriel, avec ou sans Siemens ? Avec GE ? L’éolien représente aujourd’hui près de 12 000 emplois, dont une bonne moitié dans l’industrie. Le reste représente des emplois liés au développement et à l’exploitation des parcs.
Qu’en est-il de l’éolien off shore ?
C’est une voie moins conflictuelle que l’éolien terrestre, mais qui donne lieu à des discussions avec les autres usagers de la mer, en particulier les pêcheurs. Néanmoins, notre première expérience montre que l’implantation de parcs éoliens peut diminuer l’activité de pêche dans les zones choisies. Mais le dialogue est possible avec les pêcheurs et il y a des possibilités de coexistence.
Le grand enjeu de l’éolien off shore, c’est d’atteindre des coûts acceptables pour le système électrique. Les premiers appels d’offres ont donné des coûts de l’ordre de 200 € du mW/h, ce qui est plus de deux fois plus cher que l’éolien terrestre ou le photovoltaïque. Avec les acteurs de l’éolien off shore, nous avons établi une feuille de route, qui devrait permettre de réduire les coûts de façon substantielle et d’arriver à la fin de la prochaine décennie, en 2030, à des coûts qui seraient de l’ordre de 100 € du Mw/h. Si on n’y arrive pas, il n’y aura pas de développement de la filière.
En termes d’ENR, en quoi le stockage est-il un sujet clé ?
C’est un sujet lié à toutes les énergies qui ne sont pas commandables. Il y aura un problème de stockage quand on atteindra un taux de pénétration des ENR très élevé. Les chiffres des uns et des autres varient, mais, dans les perspectives de transition énergétique qui prévoient 40 % d’électricité renouvelable à horizon 2030, la nécessité du stockage est encore très marginale. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas y penser. Il faut au contraire suivre de près les différentes technologies de stockage, ce que font nombre d’industriels. On vient d’en voir un exemple avec l’OPA amicale de Total sur SAFT. La technologie de stockage par batterie a fait des progrès considérables cette année. Il y a probablement un développement du couplage énergie renouvelable / stockage qui va connaître un essor commercial, notamment autour du véhicule électrique et de l’autoconsommation.
Parmi les technologies de stockage, la principale et la plus efficace est celle par stockage hydraulique (STEPS, stations de transfert d’énergie par pompage) En France, nous avons 5 ou 6 gigawatts qui permettent de faire tourner les centrales nucléaires, y compris quand il y a une faible demande d’électricité, notamment la nuit.
D’autres voies existent sur le stockage, selon que l’on veut faire du stockage à très court terme ou sur des mois entiers. Je pense aux technologies de volant d’inertie et à celles de GRTGaz (power to gas) avec la production d’hydrogène. Nous suivons attentivement ces technologies qui intéressent au premier plan nos adhérents.
Quelles sont les technologies d’avenir ?
Aujourd’hui, la plus mûre de ces énergies marines, c’est l’hydrolien. Nous avons deux installations prototypes en fonctionnement. L’entreprise Sabella qui a connecté une hydrolienne au système électrique de l’île d’Ouessant. Également, le consortium EDF/DCNS est en train de connecter deux hydroliennes d’un mW chacune, entre Paimpol et l’île de Bréhat. À côté de cela, l’État a lancé l’année dernière un appel à projet pour des fermes pilotes. Le consortium ADF/DCNS et Engie/Alstom (GE) Deux installations prévues pour 2018 au raz Blanchard. Pour l’hydrolien, le défi est le même que pour l’éolien off shore. Le but est d’être compétitif, c’est-à-dire arriver à des coûts de l’ordre de 100 € du MW/h, qui nous apparaît comme la limite à partir de laquelle les énergies décarbonnées ont une rentabilité économique.
Pour faire baisser le coût du Mw/h, il s’agit de réaliser des projets, car c’est en faisant que l’on fait baisser les coûts d’investissement et d’exploitation.
L’intérêt de réaliser des fermes pilotes, c’est de voir comment on peut réduire les coûts réels. Nous allons avoir la même problématique sur l’éolien flottant, où l’on est moins avancé, avec quatre ou cinq prototypes qui fonctionnent dans le monde. On devrait avoir le premier prototype au large du Croisic cette année. Là aussi, l’État a lancé un appel à projet pour des fermes pilotes, mais les résultats ne sont pas encore connus. On sait d’ores et déjà que ces projets concerneront la façade atlantique avec la Bretagne, ainsi que la Méditerranée, dans des lieux de vent, de côte et de profondeur d’eau.