Emilie Bernard nous a donc exposé sa journée au sein de l’agence Ateliers 2/3/4/, une journée centrée sur le BIM management et sur le suivi des projets BIM 2 de l’agence, mais aussi composée d’accompagnement et de conseils ponctuels auprès des équipes, ainsi que de la structuration et des évolutions de la méthodologie du travail « BIM ».
Un agenda toujours bien rempli, pour une fonction transversale qui requiert une très grande expérience du milieu du bâtiment et la parfaite maîtrise des processus de construction virtuelle et de documentation.
Le temps et l’expérience sont clés
Déjà plus de 10 ans d’expérience pour Émilie. Et dès sa formation d’architecte ENSAIS, Émilie a été dans le bain du 3D avec l’usage du logiciel « 3ds max », puis d’un apprentissage au sein de la réalisation du bâtiment « Basalte » à La Défense, premier projet de l’agence en BIM, avec une formation sur le logiciel REVIT et l’accompagnement d’une spécialiste du logiciel. « Ensuite, un effort personnel d’autoformation sur le BIM au travers d’Internet, de livres, de participation à des conférences et réunions d’utilisateurs de logiciels 3D sont venus compléter mon cursus. Et il a fallu aussi travailler à l’accompagnement des partenaires bureaux d’études pour que le mode collaboratif s’installe de façon pérenne », ajoute l’experte.
Le BIM management, c’est bien plus que l’usage de logiciels et la réalisation d’une maquette 3D
« Le BIM management ne doit surtout pas être une vision logicielle qui s’impose au projet mais, avant tout, un management de projet qui intègre l’usage d’un ou plusieurs logiciels aux processus de conception, chantier, exploitation et maintenance », explique Émilie Bernard.
Pour cela, le BIM Manager doit avoir des connaissances logicielles, mais aussi une connaissance, si possible par la pratique, des différentes phases d’un projet de construction et du milieu du bâtiment, le tout allié à de bonnes capacités relationnelles et d’animation.
Pour Émilie Bernard, l’architecte, de par sa vision globale du projet et sa nature de généraliste des différentes spécialités de la maîtrise d’œuvre, est donc le plus souvent le mieux placé pour coordonner le projet et organiser le travail des partenaires sur les projets BIM.
La collaboration avec les partenaires
Plutôt que de poste de BIM Manager, Émilie Bernard préfère parler de mission de BIM Management associé à chacun des projets. Le BIM Manager n’est pas au-dessus de la coordination des études ou de la présynthèse, la mission de BIM Manager est importante mais n’est pas centrale ou prédominante. Avant tout, le BIM remet en cause les façons de travailler ensemble dès le début du projet, et les modes d’échanges sont ainsi établis et mis à plat, et cela peut être différent sur chaque projet, précise Émilie Bernard.
La convention BIM engage les partenaires sur les objectifs de la maquette numérique du projet et sur les niveaux de définition (Level of Definition) qui la structure.
BIM 0 1 2 3, à chaque niveau, une maturité différente
Le BIM a plusieurs niveaux, appelés encore niveaux de maturité. Ces niveaux sont en fait des étapes vers le BIM collaboratif.
Le niveau 0 est souvent assimilé à la CAO 2D non gérée ou non structurée. Le niveau 1 est le premier vrai niveau de BIM. On l’appelle encore BIM en isolation (Lonely BIM) : c’est une maquette numérique 3D mais avec des données structurées, et entre autres des définitions sur la numérotation des plans, la géolocalisation, la présentation, le système d’approbation et de diffusion des plans, etc.
La collaboration commence réellement avec le niveau 2. « Chaque partenaire produit une maquette numérique 3D ; cependant, dessiner en 3D est une chose, pour collaborer, il est clé de définir comment renseigner la maquette, comment récupérer et échanger les informations et sous quels formats », souligne Émilie Bernard. En effet, et c’est crucial à ce niveau, les différents modèles sont progressés de concert et sont échangés en utilisant un format de fichier natif, ou IFC.
Le BIM niveau 3 ou iBIM est un modèle unique stocké sur un serveur centralisé, qui peut être synchronisé en temps réel, et accessible par tous les partenaires et durant toute la durée de vie d’un ouvrage. Cette intégration totale n’est pas sans poser de nombreux problèmes notamment de format d’échanges lorsqu’on utilise différents logiciels, mais aussi de propriété intellectuelle et juridique de responsabilité et de réglementation de l’accès/modification/enregistrement de la maquette numérique unique.
La journée d’Émilie Bernard aux Ateliers 2/3/4
Top départ 8h20 : À peine arrivée à son bureau et déjà l’occasion de parler… BIM, bien sûr. Devant un café bien chaud, un directeur de projet demande à Émilie Bernard un export au format IFC de la maquette de son projet.
Très vite, Émilie enchaîne avec une des activités récurrentes de la mission de BIM Manager : le contrôle des maquettes des différents partenaires sur un projet en phase conception, et, ce matin, c’est la maquette envoyée par le BE structure qui est sous l’œil aiguisé de l’experte. « Je vérifie notamment le respect de la convention, contrôle s’il n’y a pas d’erreurs et si la façon de modéliser est optimale, et remet un compte-rendu conc lusif avec les points à modifier. » Le BIM ne résout pas l’absence de rigueur, et il est nécessaire d’avoir un suivi précis au niveau des actions collaboratives des participants.
10h30 : Émilie continue avec une réunion regroupant les partenaires bureaux d’études et la maîtrise d’ouvrage pour établir la convention d’un projet en étude. « Nous avons une trame de convention qui sert de base et qui est adaptée aux besoins et objectifs du projet. Chaque acteur qui collabore au projet doit valider les niveaux de production à atteindre, et la façon dont il va structurer sa maquette sur son propre périmètre. » L’experte ajoute que chaque phase – conception, chantier, exploitation et maintenance – a sa problématique propre et donc des ensembles de données propres.
12H15 : Pause-déjeuner, un petit plat bien cuisiné dans un des bistrots jouxtant l’agence, et, dès le retour, plongée dans l’accompagnement et support ponctuel des équipes internes. Des activités non planifiées, mais essentielles pour assurer une bonne méthodologie projet. « Le BIM Management est avant tout orienté projet et non pas orienté logiciel, le formatage des données et les possibilités du logiciel ne doivent pas primer sur la méthodologie projet et la logique constructive », précise l’experte.
Et c’est tout d’abord un chargé de projet qui arrive à son bureau pour demander une aide sur la modélisation d’un garde-corps au sein de la maquette numérique. Puis Émilie se rend auprès d’un assistant de projet qui souhaite un soutien pour la création d’une topographie à partir d’un fichier dwg géomètre.
16H00 : De nouveau, réunion interne cette fois, avec les équipes de production pour apporter des explications et améliorer la maîtrise d’un sujet particulier. « Je dois également m’assurer du bon respect par les équipes de la méthodologie BIM de l’agence, mais aussi les former à de nouvelles procédures ou à l’usage des évolutions ou de nouvelles fonctionnalités des outils logiciel. »
17h30 : Une dernière réunion, cette fois avec un maître d’ouvrage en démarrage de projet pour expliquer en détail ce que le BIM permet de faire. « Nous prenons des points concrets, par exemple avec l’intégration d’une charpente métallique, pour montrer que le BIM est associé à une vision d’organisation de projet, qu’il est au service de celui-ci et ne se limite pas à l’usage d’un logiciel. »
Et pour bien terminer la journée, Émilie achève celle-ci avec un petit tour sur les dernières conclusions du « BIM User Group » du logiciel utilisé au sein d’Ateliers 2/3/4 pour en extraire les points essentiels qui permettront peut-être d’adapter la méthodologie actuelle en vigueur au sein de l’agence.
Témoignage : Le numérique, le BIM et la profession d’architecte-urbaniste, de vrais changements ?
Le numérique a transformé les métiers de la conception dans leur mode de fabrication, non seulement il nous permet de créer plus vite mais aussi de communiquer et de donner à voir chaque étape du processus. Nous avons en effet des logiciels 3D et nos rendus basculent très vite dans cette virtualité. C’est une exigence d’aujourd’hui qui peut avoir ses revers, car l’image devient prioritaire.
L’arrivée du BIM vient renforcer d’autant plus l’utilisation numérique, mais nous avons à adapter nos méthodes de travail entre acteurs de l’acte de construire. Pour intégrer la vie du bâtiment ou de l’aménagement, de la conception à l’exploitation, nous devons réorganiser les processus d’échanges avec les partenaires impliqués.
Mais, au-delà de l’outil et de la maquette numérique 3D, le BIM est d’abord une méthodologie de projet permettant une organisation de travail systémique qui pose plusieurs questions :
- En premier lieu celle de la responsabilité. À qui appartient le modèle numérique, à l’architecte, au maître d’ouvrage, à l’exploitant ? Comment gérer la signature d’un plan numérique ?
- Puis, concernant la formation à ces nouveaux outils et ces nouveaux concepts : quelle formation est
nécessaire pour mettre en marche la profonde mutation des méthodologies ?
- Enfin, le troisième point clé concerne les modes opératoires entre les différents acteurs et le stockage de données (plus importantes qu’en 2D).
Le BIM Manager devrait donc être représenté aux différentes étapes d’un projet : en tant qu’AMO pour donner les règles de l’appel d’offre ; en tant que MOE pendant la phase de conception, puis de réalisation et enfin celle d’exploitation-maintenance.