Roger Narboni, concepteur lumière, Concepto
Concepto s’est intéressé très tôt aux effets de la lumière naturelle et de ce qu’elle produit sur notre vision et sur notre lecture de l’espace et à ce que nous pouvions apporter dans ce domaine, aux maîtres d’œuvre comme aux maîtres d’ouvrage. S’il est difficile d’agir en amont sur la source de production de lumière naturelle, nous pouvons, en revanche, intervenir à loisir en aval et la filtrer, la colorer, la réfléchir, la diffuser, la diffracter, l’occulter, la concentrer, la dévier, la polariser, etc.
Bien avant de devenir concepteur lumière en 1987, j’avais réalisé au début des années 1980 de nombreuses sculptures monumentales et installations artistiques exploitant les qualités spatiales et sensorielles de la lumière naturelle, au travers de panneaux verriers industriels.
Depuis les années 2000, progressivement, nos expériences et une meilleure connaissance de la lumière naturelle et des matériaux verriers nous ont conduits à proposer aux architectes des évolutions et des optimisations des entrées et apports de lumière naturelle pour en maîtriser l’impact et mieux l’accompagner ensuite à la tombée de la nuit. Ce fut le cas lors du réaménagement du musée du Petit Palais à Paris (architectes Chaix & Morel) où l’éclairage des espaces muséographiques a été prioritairement traité en lumière naturelle, complété par un éclairage artificiel zénithal, venant en appoint diurne lorsque nécessaire, et en substitution à la nuit tombée pour s’installer de manière imperceptible grâce à des systèmes de gradation placés sur l’ensemble des appareils d’éclairage.
Au moment de la création du musée du MacVal à Vitry-sur-Seine et du Centre de Design PSA Peugeot Citroën (architectes Ripault & Duhart), nous avons également analysé et étudié aux côtés des architectes les apports de lumière du jour et les filtres solaires qu’ils induisaient pour protéger les œuvres exposées ou gérer la confidentialité du travail des designers.
Optimiser
la pénétration de la lumière naturelle
L’évolution récente des pratiques architecturales et les possibilités démultipliées qu’offrent
dorénavant les matériaux verriers et les structures, ont généré une pénétration grandissante de la lumière du jour au cœur des espaces architecturaux, qui peut parfois induire de forts contrastes, entre espaces ensoleillés et secteurs en second jour ou aveugles, éclairés artificiellement toute la journée, et qui doivent être alors impérativement maîtrisés. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé sur le centre commercial du Millénaire à Aubervilliers (architectes Antoine Grumbach & Associés), avec l’aide technique du CSTB pour comprendre et maîtriser la lumière solaire dans ’espace et minimiser la consommation énergétique liée aux éclairages artificiels.
Aujourd’hui, nous sommes systématiquement associés à ces questionnements au stade du concours, comme par exemple lors du réaménagement de la gare Paris Montparnasse (architectes DGLa) ou pour la création des gares des futures lignes du Grand Paris Express (maîtrise d’œuvre technique Ingerop) pour lesquelles la maîtrise d’ouvrage et les architectes souhaitent optimiser l’entrée de la lumière naturelle jusqu’au cœur des quais souterrains.
Enfin, nous avons eu la chance d’explorer la dimension artistique de la transformation
colorée de la lumière solaire au cœur d’un édifice lors de l’étude avortée de 1 % culturel
pour le réaménagement du lycée français de Moscou en 2004 (architectes Hubert & Roy).
Plus récemment, en 2013, nous avons réalisé, avec les mêmes architectes, un véritable piège à lumière solaire dans le cadre de la rénovation du hall d’accueil de la tour Eqho à Paris La Défense.
Association lumière naturelle
et artificielle : un travail complexe
L’exigence de qualité environnementale et de maîtrise énergétique dans le projet architectural comme l’évolution des attentes des usagers, conduisent dorénavant nombre de programmes, autrefois peu friands de lumière naturelle, à systématiquement se focaliser sur celle-ci : musée, espace culturel, centre commercial, immeuble de bureaux, établissement scolaire et universitaire, équipement hospitalier, bâtiment industriel et de recherche, gare, aéroport, etc.
Demain, avec l’évolution des technologies LED et OLED, et les possibilités d’intégration qu’elles offrent dans l’architecture, et grâce aux recherches et à l’arrivée programmée des matériaux lumineux de construction, ce travail complexe et conjoint de conception lumière(s), naturelle et artificielle, deviendra une évidence, un besoin et une nécessité de toute rénovation comme de tout projet architectural innovant.
Bibliographie
• La Lumière dans tous ses états, ouvrage collectif de l’exposition organisée par le
Centre d’Art Contemporain d’Orléans, Éditions du Centre expérimental Spectacle-Art-
Science, Les Ulis, 1984.
• Lumière et ambiances, concevoir des éclairages pour l’architecture et la ville, par
Roger Narboni, Éditions du Moniteur, Paris, septembre 2006.
• Lumière & équipements publics, par Roger Narboni, Éditions Ville de Paris, Paris,
septembre 2008.