Électrodes, céramique, gaz rares, trois éléments qui sont le cœur de Citel, une PME parisienne qui caracole dans le trio de tête mondial des acteurs de la protection contre les surtensions provoquées par la foudre. Avant d’atteindre les sommets, il aura fallu secouer la belle endormie fondée en 1937. Sa reprise en main en 1976 par la famille Guichard lui donne un coup de fouet, « implantée à Issy-les-Moulineaux, Citel comptait 5 cadres, 50 ouvriers, un client unique qui passait 4 commandes à l’année, et des fuites dans le toit… », se souvient Henri Guichard, le directeur général. Un brin d’audace fut donc nécessaire pour mener à bien la révolution copernicienne, «diversifier l’offre produit et se libérer de la contingence du client unique».
Mais le marché est là, « la foudre qui frappe un million de fois par an en France et provoque 27 % des dégâts occasionnés sur les équipements informatiques, pose la question de la protection des matériels connectés et branchés… d’autant que les conséquences financières, stratégiques et humaines sont potentiellement conséquentes ». Citel domine trois secteurs, les tubes de décharge à gaz rare (si la tension s’élève, le gaz conducteur provoque le court-circuit qui interrompt la course de la foudre) ; le parafoudre (assemblage de sous-ensembles constitués de plusieurs composants destinés à la protection de toutes sortes d’équipements) ; le balisage aérien (lampes qui permettent aux structures en hauteur d’être perçues de nuit, à l’instar de la tour Eiffel équipée par Citel). La classe !
Le site Planetoscope* estime « entre 750 000 et 1,8 million le nombre d’orages déclenchés sur la totalité du globe au cours d’une année entière», ce qui explique pourquoi l’entreprise réalise 80 % de son chiffre d’affaires hors des frontières. La filiale de Miami assure la couverture des deux Amériques, Düsseldorf celle du premier marché européen. La Russie, « marché prometteur malgré la corruption omniprésente », et l’Inde ont complété le réseau international un peu plus tard. En 1992, Citel acquiert la société Claude, un fleuron au savoir-faire technique élevé. Georges Claude, son fondateur, bien qu’associé à la collaboration pendant le dernier conflit mondial, n’en reste pas moins un chercheur et entrepreneur d’envergure. Inventeur des lampes à néon, ses travaux menés sur la liquéfaction de l’air ont favorisé la création d’Air Liquide.
En 1995, Citel, qui subit le contrecoup de la chute des investissements dans la téléphonie fixe, se tourne vers la Chine qui continue d’injecter de l’argent dans le secteur. « On s’est battus, le marché certes compliqué nous a laissé notre chance, nous avons pu nouer des relations fructueuses à long terme et, depuis 1998, nous produisons sur place. » Le cru 1998, c’est aussi l’arrivée en Bourse de Citel, deux semaines avant le krach ! L’action prend le bouillon, mais n’entrave pas la marche en avant de l’entreprise qui mise sur le ressort de l’innovation. Jusqu’en 1998, la seule technologie disponible dans le secteur parafoudre est l’« Airgap », qui est susceptible de provoquer des courts-circuits et d’endommager les réseaux. Citel grimpe sur les épaules d’Ericsson pour développer avec le géant suédois la technologie « Varistance Gastube », « robuste, sensible, ce procédé annule les imperfections de l’Airgap », et permet d’accéder au juteux marché de la protection des antennes relais en plein boum.
Participer au maintien du tissus industriel français est un objectif majeur de la direction
Citel, qui « ne consacrait en 2005 que 2 % de son chiffre d’affaires en R&D, y consacre désormais 10 % ». Des chercheurs issus du CNRS furent recrutés pour le laboratoire de Reims, forge de Vulcain High Tech où scientifiques et techniciens ont le droit de jouer avec le feu, « tous les tests possibles de surtension peuvent y être menés et à ce jour des recherches sur le déplacement des particules sont en cours. Pour rendre le produit final fiable dans sa conception et son utilisation ». Citel peut se vanter d’avoir obtenu la certification VDE, norme allemande draconienne destinée au marché parafoudre du photovoltaïque, contrairement à ses concurrents germains qui ne la possède pas. Les deux usines qui constituent le dispositif industriel sont complémentaires, Shanghai fournit les grandes quantités, Reims assure le sur mesure. Le site, entré dans le giron de Citel lors de l’achat de Claude, est doté d’une haute cheminée, vestige du passé, sorte de bras levé provocateur à destination de la foudre ! Participer au maintien du tissus industriel français est un objectif majeur de la direction qui explique qu’il n’est cependant « plus question de développer un projet industriel avec un unique fournisseur français qui risquerait de disparaître du jour au lendemain, nous sommes obligés de travailler en binôme avec des partenaires allemands ou chinois ».
Trois vecteurs vont permettre de maintenir Citel sur le podium pour les prochaines années, « la communication, pour prévenir et gommer l’écart de perception non justifié qui existe encore entre nous et nos concurrents allemands réputés plus fiables ». La recherche, avec de nouveaux composants à la clé. La diversification, menée de front par le cadet des frères Guichard, qui a pensé et développé un logiciel capable de générer au quotidien les statistiques de chacune des filiales du groupe Citel, « un produit que nous souhaitons pouvoir proposer à nos clients ».
Olivier Durand
* Planetoscope recense des données mondiales en temps réel sur le climat et l’environnement.