Pour Séverine Lienhart, chef de marché Habitat Hager, « le marché est en pleine expansion de plusieurs faits, mais, dans tous les cas, le moteur de la mise en place de compteurs est la mesure pour mieux décider. Dans la rénovation, la suppression des dépenses inutiles est une vraie priorité. Il s’agit donc de repérer d’éventuels excès ou anomalies de fonctionnement afin de pouvoir mettre en place des actions correctives. Place ensuite au suivi détaillé des consommations par zone afin de préciser les besoins réels, d’identifier les gisements potentiels d’économie et ainsi de prendre les bonnes décisions en matière de performance énergétique ».
Sébastien Meunier, directeur du marché tertiaire ABB France, ajoute qu’« il y a une belle dynamique de beaucoup de maîtres d’ouvrage et d’exploitants car ils ont compris, avec la RT 2012 et le neuf, tout l’intérêt du comptage pour les bâtiments existants ».
En neuf, satisfaire à la RT 2012 n’est pas toujours suffisant
Avec la RT 2012, les bâtiments tertiaires doivent être équipés de systèmes permettant de mesurer ou de calculer les consommations d’énergie (art. 31).
La RT 2012 demande donc à connaître les consommations énergétiques par usage et par zone. Quelquefois, il est important d’aller au-delà en installant un appareil de mesure en arrivée de l’installation pour faire :
– de la gestion énergétique,
– de la surveillance de l’installation,
– du suivi de la qualité de l’énergie électrique.
Enfin, la mesure par usage ainsi que pour les départs électriques peut être résolue de différentes manières, par la mise en place de centrales de mesures ou par la mise en place de compteurs d’énergie.
Le comptage est pourtant encore trop souvent réduit au périmètre stricto senso de conformité à la RT souvent pour des contraintes budgétaires, ce qui parfois pénalise la connaissance technique essentielle qu’il pourrait apporter.
« Enfin, pour le collectif, le comptage est très lié à l’habitat et y est plutôt standardisé : comptage des consommations des usages courants (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation, prises de courant, autres) dans chaque logement et comptage des consommations des communs (ascenseur, cage d’escalier, VMC…). La précision de mesure est moins importante et peut aller jusqu’à 5 % », précise Séverine Lienhart de Hager.
Pas de mise en œuvre sans plan de mesurage
En tertiaire, et plus particulièrement en rénovation, il est essentiel de bien définir l’objectif à atteindre : il s’agit d’instrumenter ce qui est important et là où il le faut, avec le niveau de précision adapté, tout en analysant les contraintes techniques d’installation et d’exploitation (armoires électriques, réseau Ethernet, nécessité de couper ou non les flux pour mettre en place le capteur, notamment sur les fluides). « En tertiaire, le plan de mesurage définit donc pour un site donné l’implantation et le niveau de performance des moyens de mesure – PMD, compteurs et capteurs », précise Sébastien Meunier. Ce plan peut également comporter la description de moyens de communication et de supervision associés. Le Gimélec a d’ailleurs sur ce sujet réalisé un document intitulé « Guide d’usage de la mesure » qui conseille prescripteurs et concepteurs dans la détermination de l’instrumentation de mesure et de comptage à mettre en œuvre suivant les natures de projets (neuf et RT, certification HQE, certification ISO 50001).
« Pour donner un exemple, les données de comptage, si elles ont un niveau de précision suffisant, peuvent également être valorisées et l’on peut alors effectuer une véritable « facturation » ou répercussion des charges réelles par service, par exemple », illustre l’expert.
Le comptage, étape première de la transition énergétique
La loi Nome avec la fin des tarifs régulés, conjuguée à la loi de transition énergétique, renforcent encore un peu plus le caractère fondamental du comptage. « Mesurer pour voir, voir pour comprendre, comprendre pour agir », les bâtiments les plus demandeurs en énergie sont en cours de revoir leur consommation, lisser les pics, voire s’effacer s’ils veulent réduire leur facture. Ce n’est pas le système de comptage intelligent qui va donner un retour sur investissement direct, mais bien ses résultats qui, en alimentant un système d’information énergétique (SIE), vont permettre la prise en compte d’actions correctrices et d’arbitrage. Par exemple, à quel moment vaut-il mieux autoconsommer ? Ou stocker ? Ou encore réduire la consommation de certains équipements ? Pour économiser les kilowatts/heure qui coûtent le plus cher et ajuster les contrats tarifaires au plus juste?… « En somme, établir une véritable interaction avec le réseau pour réduire ou accélérer les consommations avec un objectif double: assurer un confort optimal et réduire au minimum la facture énergétique », résume Sébastien Meunier d’ABB France.
Les retours d’expérience montrent que l’on peut diminuer de 5 à 20 % les dépenses énergétiques grâce à la mise en œuvre et l’utilisation du système de comptage connecté à un SIE. Pour exemple, le Groupement hospitalier Eaubonne-Montmorency a récemment annoncé que, avec l’usage du SIE de la société Ubigreen, ont été identifiés, d’une part, des réductions de consommation de gaz et d’électricité de 5 à 22 % – soit une économie de 90 K€ à 400 K€ – et, d’autre part, une optimisation des contrats d’achat d’énergie pour environ 775 K€ par an. Pour un investissement de l’ordre de 150 K€ hors ressources projets internes.
Comptage, élément clé pour les certifications HQE Exploitation, BREAM, ISO 50001
Dans la certification HQE, le thème Énergie est constitué de quatre cibles dont trois sont liées au comptage :
– Cible 4 : Gestion de l’énergie,
– Cible 5 : Gestion de l’eau,
– Cible 7 : Maintenance, pérennité des performances environnementales.
Xavier Candelier, chef de produit au sein d’Enerdis, groupe Chauvin Arnoux, ajoute que « le niveau de détail du comptage sera fonction du niveau d’exigence du suivi énergétique visé. De la simple conformation à la RT 2012 par un comptage par usage à un plan de comptage plus ou moins dense en fonction du niveau d’exigence sélectionné dans une conformation à unénergétique de type BREAM, LEED, HQE… Enfin, le nombre de comptages va également être fonction de la qualité de la distribution énergétique, plus particulièrement sur l’énergie électrique ».
Contrat de performance énergétique et comptage font aussi bon ménage
Les dispositions contractuelles d’efficacité énergétique peuvent inclure un engagement de résultats (contrat de performance énergétique – CPE). La conclusion et la gestion d’un CPE impliquent pour les signataires de disposer d’informations et de mesures fiables. Cela présuppose donc en particulier la mise en œuvre de moyens de comptage précis et de qualité qui seront les arbitres de la tenue des objectifs moyen terme tout autant que de la détection de dérives, d’anomalies d’usage (consommation le week-end par exemple) ou de surconsommation au quotidien. Si ces moyens sont au service d’une transaction commerciale, selon la teneur des clauses contractuelles, il peut se révéler nécessaire de mettre en œuvre une instrumentation dite « certifiée MID ».
Qu’est ce que la MID ?
La MID (Measuring Instruments Directive – 2004/22/CE) est une directive européenne de 2004 qui s’applique aux dispositifs et systèmes de mesurage dans le cadre de transactions commerciales dans l’objectif de mieux protéger le consommateur et de garantir ses intérêts.
Ces instruments de mesure peuvent être aussi bien des compteurs d’énergie électrique active que des compteurs d’eau, de gaz, d’énergie thermique, des instruments de pesage…
Les cas d’emploi sont typiquement pour les campings, locations de vacances, résidences étudiants, immeubles de bureaux, centres commerciaux, ports de plaisance, halls d’exposition, systèmes de recharge pour véhicules électriques.
Connaître la puissance pour réduire la facture énergétique – L’exemple de l’atelier de maintenance Regiolis – SNEF à Toulouse
« Nous avons mis en place avec l’intégrateur SNEF Toulouse des bornes de mesure de puissance et d’énergie qui sont directement intégrées sur le bornier d’entrées/sorties gérant la remontée de défauts du tableau électrique, ce qui permet d’éliminer le coût lié à l’intégration du point de mesure sur le réseau de GTB », explique Pascal Tigreat, responsable du département Automation de Wago.
Plusieurs avantages aussi au niveau de la mise en œuvre ont été particulièrement appréciés par l’intégrateur : plage d’adresse identique quelle que soit l’intensité mesurée, rapport de transformation d’intensité modifiable au travers du réseau, interface qui permet d’éliminer rapidement les erreurs de câblage, comme les inversions de phase ou l’inversion de montage des transformateurs d’intensité.
Selon la SNEF Toulouse, qui a intégré les bornes de mesure de puissance sur plus de 26 sous-compteurs dans le cadre du projet, le gain de temps a été estimé à environ une journée par rapport à des compteurs d’énergie communicants.
Ensuite, les bornes de mesure vont permettre de faire un pilotage fin du respect de la puissance souscrite. « Les mesures produites à une période de 40 ms vont permettre un calcul fin de la puissance et permettre l’analyse des surconsommations. En cas de pic d’appel de puissance dans un intervalle de temps TOP 10 mn, il conviendra de définir ce qu’il est possible de délester pour le compenser et permettre ainsi à l’usager d’aplanir sa consommation pour être au plus près de son contrat souscrit, et donc réduire ses pénalités et, à terme, le coût de son abonnement », explique Pascal Tigreat.
La borne permet également de mesurer les harmoniques jusqu’au rang 41, et donc d’effectuer une analyse rapide de la qualité du réseau qui pourrait le cas échéant également impacter la facture par des pénalités, tout comme le cosinus phi (autre paramètre mesuré par la borne).