La transition énergétique se fera-t-elle d’elle-même ? Certains l’espèrent : la régulation se fera par les prix et la main invisible des marchés trouvera les nouveaux approvisionnements et débouchés nécessaires. Un autre courant de pensée considère cependant nécessaire l’intervention active des États et des autres acteurs du secteur énergétique, estimant l’impératif climatique et environnemental insuffisamment inscrit dans la loi des marchés, qui ont tendance à oublier les externalités négatives.
« Le calibrage du parc nucléaire se fera par un dialogue fructueux entre l’État, chargé de la politique énergétique, et l’entreprise EDF. » Cette déclaration de Ségolène Royal, ministre de l’Énergie, lors d’un entretien avec les journalistes du Monde le 17 juin dernier, fait écho à la politique de l’Agence internationale de l’énergie : celle-ci souhaite en effet voir les gouvernements prendre l’initiative afin de créer les conditions indispensables à la réalisation de la transition énergétique. Selon le rapport 2014 sur les Perspectives technologiques de l’énergie de l’AIE, il revient ainsi aux gouvernements non seulement d’imposer des mesures, mais surtout de poser un cadre pour permettre à l’ensemble des acteurs du secteur énergétique de travailler et d’investir en confiance.
La transition énergétique peut se définir simplement comme le passage d’un système énergétique mondial à un autre ; d’un système bien établi, mais qui montre ses limites, à un système optimisé, mais encore à construire. Une telle évolution est rendue possible par le biais de l’innovation, et c’est donc sur ce moteur que se concentre l’AIE dans ses suggestions d’actions politiques en faveur de la transition. L’innovation étant définie comme développement de nouvelles solutions techniques et/ou adaptation de pratiques existantes à un nouvel environnement. Elle doit être générée et accélérée de manière active et volontaire, en particulier dans les domaines stratégiques. Un rapide regard sur le budget cumulé de recherche et développement des États-membres de l’OCDE le confirme : 81 milliards de dollars au total sont consacrés à la R&D dans le secteur de la Défense. Viennent ensuite la recherche universitaire et la santé à hauteur de 49 milliards de dollars chacune. L’énergie n’arrive qu’en septième position avec un budget de R&D de 12 milliards de dollars. Et si ce budget a augmenté sur les trente dernières années, cette augmentation a cependant été plus lente que celle des autres postes majeurs de dépense.
Malgré cela, l’innovation dans le domaine énergétique est conséquente, profitant notamment des externalités positives de développements technologiques occurrents dans d’autres secteurs. Il ne s’agit ainsi pas pour l’État d’initier un effort d’innovation à partir de rien, mais de le rendre plus ambitieux, afin non seulement de soutenir le processus d’adaptation du système énergétique à la demande des marchés, mais aussi de le gouverner et de l’accélérer. Dans cette perspective, le rapport 2014 de l’AIE insiste sur la coordination des mesures gouvernementales avec les instruments du marché, afin de s’assurer de leur adaptabilité à l’évolution des facteurs variables du secteur énergétique (cf. article « Les facteurs qui bouleversent les prévisions énergétiques »). Alors que les rapports de 2011 et 2012 mettaient surtout en avant la constitution par l’État de conditions propices et d’incitations législatives et fiscales en faveur de l’innovation.
Tout cela implique une meilleure intégration des acteurs privés et publics pour la mise en place de programmes de recherche réalistes accompagnés de « business models » permettant leur viabilisation commerciale, et l’AIE mise sur la Conférence Paris Climat 2015 (COP 21) pour défendre son approche.
Espérant sans doute chasser les souvenirs de l’échec du sommet de Copenhague, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, insiste : « Le mot d’ordre pour Paris Climat 2015 est donc simple : agir offensif, collectif, positif. »